Un papillon de nuit semble avoir développé une défense qui lui permet de résister au maïs OGM. Cette nouvelle suggère que la stratégie de résistance des OGM n’est pas infaillible, et que le maïs Bt est tout aussi menacé de parasites que les autres types de maïs.
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Busseola fusca est un papillon de nuit vivant en Afrique. Il semble qu'en Afrique du Sud, ce petit ravageur aurait développé un mode de résistance au maïs Bt. © Bruno Le Ru, IRD
Comme beaucoup d'autres plantes transgéniques, le maïsmaïs dit « Bt » synthétise son propre pesticide : une protéineprotéine toxique, produite dans ses feuilles et ses tiges, qui tue en quelques jours ses ravageurs. Imparable... sauf si les populations d'insectes s'adaptent à cette toxinetoxine ! Jusqu'à présent, les stratégies mises en place pour contrer l'apparition de résistancesrésistances sont apparues efficaces.
Des chercheurs de l'IRD viennent toutefois de montrer qu'un papillon de nuitpapillon de nuit, Busseola fusca, a développé en Afrique du Sud un nouveau mode de défense contre la toxine Bt. Une résistance, génétiquement dominante contrairement au mécanisme classique, qui s'est propagée très rapidement. Cette découverte, publiée dans Plos One, remet en question le principe même sur lequel repose la stratégie antirésistance qui accompagne généralement l'utilisation des OGM.
Les insectes développent des résistances
Le maïs OGM a été créé par insertion dans son génomegénome du gènegène codant d'une protéine toxique, issue d'une bactériebactérie appelée Bacillus thuringiensisBacillus thuringiensis (Bt). Le « maïs Bt » produit alors lui-même dans ses feuilles et ses tiges cette toxine, qui détruit la paroi intestinale des larves d'insectesinsectes après ingestioningestion. Pyrale, sésamie, chrysomèle... aucun prédateur du maïs ne lui résiste. Du moins au début. Car sous l'effet de la pressionpression de sélection imposée en continu par la moléculemolécule toxique, les insectes peuvent développer des résistances.
Face à cette menace, la solution prônée consiste à conserver des « zones refuges », c'est-à-dire une petite proportion des surfaces cultivées non OGM. L'objectif est de maintenir des populations d'insectes sensibles à la toxine. Chez la plupart des espècesespèces de ravageurs étudiées jusque-là, l'évolution de la résistance semblait due à une modification des cellules de la paroi intestinale, empêchant la fixation de la toxine.
Champs de maïs au Kenya près du Kilimandjaro (en arrière plan). © Bruno Le Ru, IRD
Ce type d'adaptation se transmet de manière récessive : seuls deux parents résistants produiront une descendance à son tour résistante. Or, la probabilité d'apparition de tels individus reste faible. Un insecte résistant qui survit dans un champ d'OGM a beaucoup plus de possibilités de s'accoupler avec un de ses nombreux congénères sensibles provenant de la « zone refuge ». Cette tactique a fait ses preuves en Amérique du Nord, mais l'équipe de recherche souligne une brèche dans le système.
Une efficacité remise en question
Six ans à peine après l'introduction du maïs Btmaïs Bt en Afrique du Sud, les scientifiques ont découvert des chenilleschenilles de Busseola fusca résistantes, qui ont proliféré très rapidement. Pour expliquer ce phénomène, les chercheurs ont croisé des papillons sud-africains résistants avec des papillons kenyans sensibles (le maïs Bt n'est pas à ce jour commercialisé au Kenya). Dès la première génération, les chenilles hybrideshybrides obtenues se sont montrées tout aussi résistantes au maïs Bt que leur parent sud-africain. Ce résultat ébranle le fondement de la stratégie anti-résistance qui accompagne en général l'utilisation des OGM.
Cela montre en effet, pour la première fois, qu'une résistance au maïs Bt se transmet de manière dominante et non récessive. Le papillon ne fait donc pas appel au mécanisme d'adaptation classique. Selon les chercheurs, la chenille de B. fusca pourrait être capable de désactiver la toxine avant qu'elle ne s'attaque aux parois intestinales. Un tel type de mutation se transmet en effet de manière dominante. La résistance aurait ainsi pu se propager de génération en génération chez le ravageur.
Les mécanismes physiologiques en jeu doivent désormais être confirmés, afin de réorienter la stratégie antirésistance des OGM. Par ailleurs, les chercheurs explorent d'autres voies de lutte biologique prometteuses contre les ravageurs du maïs en Afrique, soit à partir d'un champignon pathogènepathogène ou grâce à des petites guêpes parasitoïdesparasitoïdes. Celles-ci pondent leurs œufs dans les chenilles de B. fusca, puis leurs larves tuent les chenilles après s'être développées à leurs dépens.