À l'écart de la ville de Fréjus, dans le Var, la station d'épuration du Reyran accueille depuis mars 2019 une unité de méthanisation destinée à valoriser les boues d'épuration. En compagnie de Philippe Chaniol, nous avons pu voir et comprendre le processus qui permet de passer d'un déchet à une énergie renouvelable respectueuse de la planète.


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    Fin mars 2019, la France comptait 88 unités productrices de biométhane, essentiellement des installations autonomes de faible capacité situées sur des exploitations agricoles. Quelques semaines avant la publication de ces chiffres, la station d'épuration du Reyran, située sur la commune de Fréjus, mettait en route sa propre unité de méthanisation, le 18 mars 2019. Celle-ci est destinée à valoriser les boues urbaines traitées par la station d'épuration de façon vertueuse. Le projet, porté par la Cavem (Communauté d'Agglomération Var-Esterel Méditerranée) et l'Ademe, a obtenu en 2019 le Green Solutions Awards qui récompense les usines exemplaires d'économie circulaire.

    Philippe Chaniol, directeur de Territoire Esterel à Veolia, et son collègue Dominique Oreste nous ont guidés dans ce dédale de tuyaux et de cuves pour mieux comprendre comment la station d'épuration du Reyran valorise les boues urbaines issues des eaux uséeseaux usées des villes de Fréjus, Saint-Raphaël, Puget-sur-Argens et d'un quartier de Roquebrune-sur-Argens, grâce à la méthanisation.

    Le digesteur implanté sur le site de la station d'épuration du Reyran à Fréjus (en premier plan). À l'arrière, le gazomètre. © Nicolas Degea
    Le digesteur implanté sur le site de la station d'épuration du Reyran à Fréjus (en premier plan). À l'arrière, le gazomètre. © Nicolas Degea

    Le digesteur est au centre de la méthanisation

    Parmi les 10.000 tonnes de boues valorisées sur le site, environ 30 % empruntent le chemin de la méthanisation. Le cœur du système de méthanisation est le digesteur, une cuve calorifugée gigantesque dont la modernité tranche avec les bâtiments construits en 1983.

    Cet « intestin » géant de 5.000 mètres cubes accueille dans sa lumièrelumière les boues urbaines épaissies à une concentration de 60 grammes par litre. Pendant 21 jours, la flore bactérienneflore bactérienne anaérobie naturellement présente dans les boues va digérer la matièrematière organique et produire du biogaz sous une agitation constante assurée par des pompes. Mais pour cela, ces micro-organismesmicro-organismes mésophilesmésophiles doivent être maintenus constamment à 35 °C.

    Toujours dans une démarche visant à diminuer l'utilisation des énergies fossiles, le site du Reyran a parié sur une technologie ingénieuse pour chauffer les boues en digestiondigestion. « Le système Energido est la première spécificité de notre installation », précise Philippe Chaniol, dans le local qui accueille les nombreux tuyaux nécessaires au fonctionnement du système.

    Développé par Veolia, le système utilise les caloriescalories de l'eau traitée à la sortie de la station d'épuration pour maintenir les boues à la température optimale de 35 °C. Une pompe à chaleurpompe à chaleur s'active par intermittence pour augmenter le potentiel calorifique des eaux usées et combler les quelques degrés manquant pour atteindre 35 °C. Les eaux chauffées rencontrent les boues dans un échangeur thermique spiralé qui dégage une chaleur douce et constante au toucher.

    À l'issue des 21 jours de digestion, le gazgaz produit n'est pas encore du biométhanebiométhane mais du biogaz brut. Il est composé de 60 à 70 % de méthane mais aussi de 30 à 40 % de CO2, de l'H2S et d'autres composés organiques volatilscomposés organiques volatils. En attendant d'être purifié, le biogaz brut patiente dans une sphère blanche située juste à côté du digesteur, le gazomètre.

    Philippe Chaniol, directeur de Territoire Esterel et notre journaliste devant le système Memgas<sup>TM</sup>. © Nicolas Degea
    Philippe Chaniol, directeur de Territoire Esterel et notre journaliste devant le système MemgasTM. © Nicolas Degea

    Du biogaz brut ou biométhane pur

    « Le système de traitement du gaz est notre deuxième spécificité », indique Philippe Chaniol. De l'extérieur, la technologie MemGasTM n'a rien d'impressionnant, pourtant elle concentre tous les filtres nécessaires pour purifier le biogaz et obtenir du biométhane pur. Depuis le gazomètre, le biogaz brut arrive dans une première unité de séchage puisqu'il est saturé de vapeur d'eau. Il subit ensuite une première purification dans des filtres à charboncharbon actif qui débarrassent le biogaz du H2S et des composés organiques volatils.

    À ce stade le biogaz est composé de méthane et de dioxyde de carbonedioxyde de carbone. C'est une étape d'ultrafiltrationultrafiltration qui les séparera. Il ne reste alors que du biométhane pur, le CO2 est rejeté dans l'atmosphèreatmosphère. « Nous travaillons sur un moyen de valoriser ce CO2 », précise Philippe Chaniol.

    Avant de rejoindre le réseau de GRDF, le biométhane, inodore, est parfumé au tétrahydrothiophène, le composé organique qui confère son odeur particulière au gaz. Le site du Reyran injecte 100 % du biométhane produit qui va alimenter les foyers de la Cavem. Quant aux boues digérées, elles sont compostées et destinées à la filière agricole.

    Après 11 mois d'activité de l'unité de méthanisation, le bilan est plus que positif. « On prévoyait de produire 556.000 Nm3/an de biométhane, aujourd'hui on est plus proche de 700.000 Nm3 ». Le gaz revendu à GRDF pourrait rapporter 700.000 euros par an à la Cavem. La digestion de 30 % des boues a aussi permis de réaliser 360.000 euros d'économie, puisque la quantité de boue traitée dans le circuit classique a diminué.

    À la fin 2019, ce sont 47 nouvelles installations de méthanisation qui sont sorties de terreterre en France, soit 15 de plus qu'en 2018. Une filière de production d'énergie renouvelableénergie renouvelable encore confidentielle, mais dont le succès grandit, comme en témoignent les 1.085 demandes de projet recensées au 31 décembre 2019. 

    Reportage réalisé en partenariat avec la Cavem