Les projets de compensation de carbone se seraient-ils trompés d’adresse ? Contrairement à ce qui était communément admis, les zones tropicales ne seraient pas les plus intéressantes à reboiser pour lutter contre le changement climatique. Il vaudrait mieux cibler certaines zones nordiques. Et encore, pas toujours...
Forêt de Sibérie, près de Novosibirsk. © Beggs CC by

Forêt de Sibérie, près de Novosibirsk. © Beggs CC by

Parmi les outils de la lutte contre le changement climatique prévus par le Protocole de Kyoto figurent les Mécanismes de Développement Propres. Cet outil consiste à compenser des émissions de CO2 par l'évitement d'émissions futures (amélioration de l'efficience énergétique, production d'énergie renouvelable) ou par le stockage d'une même quantité de dioxyde de carbone. Ce stockage peut notamment se faire par le reboisement. La photosynthèse est en effet une pompe à carbone atmosphérique qui stocke celui-ci sous forme de matière organique, en particulier de bois.

Mais lors du changement d'affectation des sols, c'est-à-dire du passage de parcelles cultivées à des parcelles forestières, un deuxième effet est à prendre en compte : la modification de l'albédo terrestre. Plus l'albédo est important, plus l'énergie parvenant au sol, et donc la chaleur, est renvoyée vers l'espace. Si l'énergie est conservée sur Terre, par exemple piégée par les gaz à effet de serre, la planète subit un réchauffement climatique. Or l'albédo d'une forêt est inférieur à celui de la plupart des cultures et encore plus particulièrement à celui de la neige.

L’attitude non fiable des latitudes

Par ailleurs, comme les plantes ont une croissance plus rapide aux basses latitudes grâce à l'ensoleillement et aux précipitations tropicales, il semblait logique que ces régions soient les plus aptes à accueillir les projets de boisements visant à stocker le CO2. Les conclusions des modèles climatiques étaient donc qu'aux basses latitudes, les forêts étaient plus efficaces pour contrer le réchauffement climatique.

A l'aide d'observations satellitaires à hautes résolutions (de 0,05 × 0,05° à 1 × 1°), l'équipe d'Alvaro Montenegro, de l'Université de St Francis Xavier, a réalisé le bilan climatique entre l'effet puits de carbone et l'effet albédo des forêts.

A leur grande surprise, les zones à boiser les plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique se sont révélées être aux hautes latitudes. Plus précisément en Sibérie, en Europe et dans le centre du Canada. Mais les bilans présentent une très grande variabilité géographique. Suivant les lieux, il peut y avoir sous les mêmes latitudes des effets positifs et des effets négatifs. Il n'y a qu'entre les latitudes de 40° sud et de 60° nord que le reboisement se conclut toujours par un refroidissement.

Les chercheurs concluent donc que la latitude n'est pas un bon indicateur dans le choix des zones de reboisement, mais aussi qu'en ne considérant que l'effet puits de CO2, le Protocole de Kyoto a gravement surestimé le potentiel de refroidissement des forêts. Cette étude pourrait faciliter la tâche des gestionnaires qui tentent de lutter contre la déforestation des milieux tropicaux en utilisant l’argument de la compensation carbone, pour peu que les forêts concernées soient réellement bien situées. Les bilans sur l'effet climatique de ces forêts pourraient en effet étayer leurs dossiers.