Malgré les chiffres et les faits, ces données ne suffisent pas pour modifier en profondeur certains modes de vie néfastes pour la Planète. La Semaine européenne du développement durable, qui se tient jusqu'au 8 octobre, est l'occasion de s'intéresser aux sciences comportementales qui favoriseraient la modification en profondeur des « mauvaises habitudes ».

 

 


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    World Cleanup Day, Semaine de l'environnement, Journée mondiale sans voiturevoiture... Les initiatives pour inciter à se mobiliser collectivement en faveur de la protection de la Planète se multiplient. Mais comment passe-t-on de quelques actions individuelles à un engagement plus collectif ? Le docteur en psychologie sociale Lionel Rodrigues nous en dit plus sur les leviers de sciences comportementales qui nous poussent à nous engager et à passer à l'action. 

    En 2007, l'Estonien Rainer Nõlvak lance le mouvementmouvement Let's Do It, pour inciter ses concitoyens à « nettoyer le pays ». L'année suivante, cet appel à l'action mobilise pas moins de 50.000 volontaires. Leur mission ?  Réunir 5 % de la population pour nettoyer son pays en une journée ! En 2018, plus de 150 pays dans le monde embrassent le mouvement, ce qui donne naissance au World Cleanup Day, dont l'édition 2021 s'est déroulée, samedi 18 septembre. 

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    Dans le même esprit, la Semaine européenne du développement durable (du 18 septembre au 8 octobre cette année) réunit des initiatives citoyennes et opérations de sensibilisation pour mobiliser le plus grand nombre. L'événement coïncide avec la Journée mondiale sans voiture, prévue le 22 septembre prochain...

    La dimension collective est un vecteur puissant favorisant l'engagement pour modifier profondément son mode de vie. © Main_sail, Getty Images
    La dimension collective est un vecteur puissant favorisant l'engagement pour modifier profondément son mode de vie. © Main_sail, Getty Images

    Toutes ces journées ou semaines de mobilisation visent un but commun : sensibiliser le plus grand nombre à l'urgence de préserver notre Planète. Mais si l'éveil du grand public à la cause écologique a atteint un niveau inédit ces dernières années, les spécialistes et militants pour la protection de l'environnement sont catégoriques : il est temps d'agir.

    « Aujourd'hui, les sujets écologiques et environnementaux sont présents partout : dans les dîners de famille, dans les débats publics et politiques. C'est une vraie prise de conscience internationale. Maintenant, il faut la transformer en passage à l'action. Faire en sorte que les gouvernements, les grandes entreprises, mais aussi les citoyennes et les citoyens agissent pour avancer vers le changement », martelait notamment le directeur général de Greenpeace France Jean-François Julliard, à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'ONG. 

    Les sciences comportementales, plus motivantes que les faits et les chiffres ?

    Si un élan individuel peut soulever des milliers de gens à travers le monde et inciter à agir ensemble, comme cela s'est produit avec le World Cleanup Day, il existe tout un cheminement psychologique avant de s'engager activement, nous explique Lionel Rodrigues, docteur en psychologie sociale et directeur de productiondirecteur de production pour l'entreprise E3D-Environnement. 

    L'information seule suffit rarement à changer une opinion ou une attitude

    « De manière générale, on se rend compte que pour changer les comportements, la stratégie consiste en premier lieu à tenter de convaincre en sensibilisant, c'est-à-dire en citant des faits, des chiffres, etc. Or, les travaux effectués sur le sujet démontrent que l'information seule suffit rarement à changer une opinion ou une attitude. Pour mobiliser le plus grand nombre, il faut les préparer. Le chemin vers l'écoresponsabilité va s'opérer en plusieurs étapes, quelle que soit la direction choisie », développe le chercheur spécialisé dans les comportements écoresponsables ou d'utilité sociétale. 

    Fréquemment citées lorsqu'il s'agit de nous inciter à adopter des attitudes plus écoresponsables, les sciences comportementales joueraient donc un rôle clé pour nous aider à nous défaire de certaines (mauvaises) habitudes et à en adopter de nouvelles. C'est notamment le point de vue défendu par Thibaud Griessinger, chercheur consultant en sciences comportementales, qui a publié une étude sur le sujet en 2019. 

    Certains leviers psychologiques peuvent entraîner des changements profonds sur nos comportements nocifs pour l'environnement. © Lavinia, Adobe Stock
    Certains leviers psychologiques peuvent entraîner des changements profonds sur nos comportements nocifs pour l'environnement. © Lavinia, Adobe Stock

    « Il existe plusieurs leviers psychosociaux qui permettent de nous motiver à adopter tel ou tel comportement, confirme Lionel Rodrigues. La dimension collective est un vecteur puissant. Nous sommes toutes et tous, du moins en grande majorité, plus propices à calquer notre attitude sur celle des autres, notamment lorsque l'on voit d'autres personnes adopter tel comportement ou accorder de l'importance à un sujet. Si un touriste qui se promène seul aperçoit un groupe de bénévoles nettoyer une plage, il sera par exemple moins susceptible de jeter ses déchets et voudra sans doute laisser cette plage propre ». 

    Le collectif et la bienveillance : ça fonctionne

    Pour inciter une personne à s'engager à titre individuel, par exemple en consommant moins ou encore à laisser sa voiture au garagegarage, Lionel Rodrigues préconise de la patience, de l'accompagnement et une bonne dose de bienveillance : « Les sciences comportementales peuvent aider les individus à réaliser des petites actions afin qu'un déclic se produise. Par exemple en leur proposant de se renseigner sur les possibilités d'alternatives à la voiture pour leurs trajets quotidiens, puis d'essayer un jour de se rendre au travail en bus. Il est très important de les encourager à chaque étape, pour qu'ils acceptent de poursuivre leurs efforts dans le temps ». 

    Mais, pour modifier en profondeur son mode de vie, encore faut-il y croire. « On tombe régulièrement sur des gens découragés qui se disent : "si j'agis seul, cela ne sert à rien". Cette tendance à se déresponsabiliser est compliquée à gérer car elle traduit un mécanisme qui se heurte à l'idée d'opérer un changement », reconnaît Lionel Rodrigues.

    « Mais encore une fois, le collectif joue un rôle essentiel : le fait de montrer aux individus que des actions sont menées, dans leur quartier, par des élus locaux ou encore des voisins leur envoie le message que les choses bougent et qu'ils ne sont donc pas les seuls à vouloir s'engager. En général, cela fonctionne », tempère le docteur en psychologie sociale.