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Daniel Slakey et Anton Clifford, de la Western Washington University, se sont chargés d'étudier les relations existant entre des espèces végétales natives et des invasives. Leurs travaux ont été utilisés par l'équipe de David Hooper pour comprendre les conséquences liées à l'arrivée d'organismes exotiques sur le fonctionnement des écosystèmes et sur l'érosion de la biodiversité. © Cait Hutnik
La biodiversité s'effondre littéralement sur notre Planète. Le nombre d'espèces inscrites sur la liste rouge de l'IUCN, près de 25.000 en 2010, en témoigne. Plusieurs raisons justifieraient cette tendance : la déforestation, l'expansion de l'agriculture, l'arrivée d'espèces invasivesespèces invasives, etc. Les conséquences d'une réduction de la biodiversité sur l'environnement ont déjà été largement documentées. La productivité primaire et la décomposition, deux processus clés dans la vie des écosystèmesécosystèmes, seraient ainsi particulièrement affectées.
Pourtant, l'attention des pouvoirs politiques se focalise actuellement sur d'autres problèmes environnementaux : le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, les rejets de CO2, la pollution à l'ozoneozone, l'utilisation intensive de nitrates, etc. La biodiversité passe bien souvent au second plan, au mieux. Ce choix est-il judicieux ?
Une équipe internationale de chercheurs menée par David Hooper, de la Western Washington University, a comparé les conséquences de la perte d'espèces sur le fonctionnement des milieux naturels avec celles liées aux perturbations environnementales d'origine anthropique. Le résultat est publié dans la revue Nature : une érosion de la biodiversité a autant d'effets sur les écosystèmes que le réchauffement climatique ou que toutes autres sources de pollution.
Ce dispositif a été utilisé par des chercheurs de l'université du Michigan pour tester la qualité des eaux de torrents en fonction de la biodiversité qu'elles renferment. © Brad Cardinale
Biodiversité et réchauffement climatique : même combat ?
Cette équipe, hébergée par le National Center for Ecological Analysis and Synthesis (NCEAS), a compilé des informations extraites de près de 192 publications scientifiques sur les conséquences des différentes sources de stressstress environnementaux sur la productivité, et donc sur la croissance des plantes, ainsi que sur les processus de décomposition au sein de plusieurs écosystèmes. Les 574 expériences répertoriées ont bien souvent été réalisées en conditions contrôlées, pour ne tester qu'un seul facteur à la fois.
L'étude prend en compte plusieurs scénarios sur les pertes futures de biodiversité. Une disparition de 21 à 40 % des espèces, considérée par les auteurs comme un niveau intermédiaire, provoquerait une réduction de 5 à 10 % de la productivité primaire des écosystèmes. Un résultat similaire s'observe pour des végétaux soumis à des conditions recréant le réchauffement climatique tel qu'il est prévu. Une réduction de 41 à 60 % de la diversité spécifique, qualifiée de majeure, aurait quant à elle autant d'effets qu'une pollution à l'ozone, une acidification des sols ou encore une élévation du taux de CO2 atmosphérique.
Prochaine extinction de masse dans 240 ans ?
Plus généralement, une perte de la moitié des espèces provoquerait une réduction de 15 % de la productivité primaire, aussi bien sur terreterre que dans des environnements marins ou d'eau douceeau douce. Dans le cas extrême où le taux d'extinction dépasserait 75 %, les conséquences environnementales seraient comparables aux effets néfastes liés à l'arrivée d'espèces invasives, de fortes sécheressessécheresses ou à des pollutions organiquespollutions organiques particulièrement prononcées. Cependant, les prévisions actuelles ne situent une telle perte de 75 % des espèces que dans 240 à 540 ans. Si une telle échéance survient, alors nos descendants (ou nos successeurs) pourront parler d'une extinction de masseextinction de masse d'origine anthropique.
Les effets de la perte de biodiversité ou des changements environnementaux sur la décomposition sont moins marqués. Une réduction intermédiaire du nombre d'espèces (21 à 40 %, donc) aurait autant d'effets qu'une élévation du taux de CO2 atmosphérique ou un enrichissement excessif des sols en azoteazote.
Un dernier point important doit être souligné : un stress environnemental d'origine humaine qui réduit la biodiversité impacte deux fois les écosystèmes. Il les affaiblit tout d'abord par ses effets directs, puis en ayant provoqué la disparition des organismes entretenant leur maintien en bonne santé. Les conséquences des pollutions et problématiques environnementales actuelles sur la biodiversité devraient donc faire l'objet d'études plus approfondies.
Ces résultats démontrent que la perte de biodiversité dans le monde devrait recevoir autant d'attention que le réchauffement climatique ou la pollution. Il était important de le souligner pour cette Journée internationale 2012 de la biodiversité. À bon entendeur...