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Elle et lui sont en auto. Elle est au volant. Il commence à parler des prochaines vacances. Elle répond. La discussion s'emballe. Alors, d'un geste, elle pousse le volant sur le côté et le fait glisser au milieu du tableau de bord. De toute façon, il ne sert pas à grand-chose, ce volant. Lui aimerait aller se promener dans le Vercors. Pour la convaincre, il veut lui montrer une vidéo. Elle et lui retournent leur siège, dosdos à la route, et regardent une page Web sur l'écran géant installé à l'arrière. La voiture, elle, continue de rouler sereinement.
Bienvenue à bord de la TeslaTesla XChangE, imaginée par le concepteur suisse Rinspeed, et qui n'existe pas encore. L'engin, qui n'est même pas un prototype, seulement un concept bâti à partir d'une voiture électriquevoiture électrique de Tesla Motors, devrait se faire remarquer au prochain salon automobileautomobile de Genève, en mars prochain. Rinspeed s'y était distingué en 2008 avec la Squba, un cabriolet submersible.
Cette Renault ressemble à une Zoé électrique. C'est en fait une Next Two, un prototype capable de rouler seul dans la circulation, à moins de 30 km/h. La Next Two sait aussi se garer. © Renault
L'idée : moins d'accidents et moins de pollution
Cette fois, l'engin du stand suisse illustre une tendance forte : celle de la voiture autonome. Bardée de capteurscapteurs, elle observe son environnement et n'a pas besoin de conducteur. L'idée a au moins dix ans, et les premières réalisations commencent à voir le jour. L'affaire avait plutôt mal commencé, en 2004, aux États-Unis, avec le Darpa Grand Challenge, doté d'un prix d'un million de dollars et consistant en une course de véhicules sans conducteur dans le désert de Mojave, au Nevada. Aucun n'était parvenu jusqu'à la ligne d'arrivée et la voiture favorite (construite par une équipe de l'université Carnegie-Mellon) avait pris feufeu.
Mais durant l'édition suivante, en 2005, cinq équipes voyaient leur véhicule terminer une course de plus de six heures sur des pistes difficiles. En 2007, une étape cruciale était franchie. Devenue Darpa Urban Challenge, la course se déroulait en ville (du moins dans une zone urbaine simulée), avec obligation de respecter le code de la route. Pour la première fois, on vit une voiture sans personne à bord s'arrêter à un stop, mettre son clignotant avant de tourner, rouler au milieu de voitures conduites par des humains et effectuer des manœuvres sur un parking.
Les organes de la Next Two : radar (1), capteurs à ultrasons (2), caméra avant pour le mode conduite (3), caméra avant pour la navigation et la réalité augmentée (4), caméra arrière (5), antenne pour le GPS, le Wi-Fi, la téléphonie (6), contrôle électronique (7), modem sécurisé (8), commandes (9), caméra intérieure pour la vidéoconférence (10), écran de visualisation (11), siège connecté (12), smartphone du conducteur (13). © Renault
GoogleGoogle a ensuite fait parler de lui en 2010 avec sa Prius autonome et a commencé les essais sur route, au milieu de la circulation. Aux États-Unis, ses véhicules autonomesvéhicules autonomes sont désormais autorisés à circuler au Nevada, en Floride, en Californie et au Michigan. Une rumeur affirme que l'entreprise en est à imaginer un robot taxi. Depuis plusieurs années, les grands noms de l'automobile se sont à peu près tous lancés dans cette voie. Audi a fait rouler au Nevada une A7 robotisée et, au Japon, la Nissan Leaf expérimentale vient d'être autorisée à circuler elle aussi. Quant à Volvo, il teste depuis plusieurs années la conduite en convoi.
Et en France ? Renault s'est taillé un succès médiatique en janvier 2014 en dévoilant sa Next Two, une Zoé électrique capable de s'insérer seule dans la circulation. On a vu le PDG Carlos Ghosn rouler avec elle au milieu de la circulation. Selon le cabinet Navigant Research, ces véhicules autonomes représenteront les trois quarts des ventes de voiture de tourisme en 2035. Les avantages avancés par les constructeurs sont la sécurité accrue et la baisse de consommation (jusqu'à 30 %, dit-on). En Europe, c'est bien l'objectif du projet Sartre (Safe Road Trains for the Environment) pour l'étude de circulation en convois automatisés. Un troisième avantage, sans doute, est économique : cette sophistication sera aussi une source de profits supplémentaire pour l'industrie automobile.
L'intérieur de la Next Two. On distingue les deux caméras en haut du parebrise. Le siège peut changer de position avec le mode de conduite (automatique ou manuel) et il contient un système de massage... © Renault
L'analyse : une conduite plutôt assistée qu'automatique
Les techniques varient selon les constructeurs (qui ne les détaillent d'ailleurs pas), mais reposent sur les mêmes capteurs : une ou plusieurs caméras pour surveiller l'environnement et suivre les lignes blanches pour emprunter une voie, un radar pour voir devant, des lidars à balayage pour détecter précisément les obstacles et des sonarssonars pour repérer des objets à faible distance. En aval de ces capteurs, un ordinateurordinateur travaille en temps réel et agit par une série de commandes électriques sur la direction, la puissance du moteur et les freins.
Cependant, des voitures complètement autonomes du Darpa Grand Challenge à la Next Two ou la Nissan Leaf, la distance est grande. C'est celle qui sépare les réalisations expérimentales de la réalité. Alors que les prototypes se débrouillaient vraiment seuls dans le désert de Mojave, on ne parle aujourd'hui que de conduite assistée ou, comme chez Renault, de « délégation de conduite ». Il ne s'agit pour le pilote automatique que de prendre la main dans une circulation simple, en gros dans une file de voitures avec à la rigueur la possibilité de changer de file pour doubler. La Next Two ne roule toute seule que jusqu'à 30 km/h. En clair, l'automatisme prend la main dans un embouteillage. Audi, qui annonce cette option sur l'A8 en 2018, prévoit une limite à 60 km/h. Il y a toujours un conducteur à bord. Le seul moment où le véhicule est véritablement autonome est la manœuvre pour se garer, une technique bien au point désormais et que Renault a d'ailleurs incluse dans sa Next Two.
Le toit de la XChangE imaginée par Rinspeed est transparent, ce qui nous permet de voir ses deux occupants discutant autour d'un café, avec le volant rangé au milieu du tableau de bord, pour qu'il ne gêne pas trop. © Rinspeed
Un œil sur le futur : la législation aura le dernier mot
En fait, nul ne sait ce qu'il adviendra vraiment de ces véhicules car après les ingénieurs, ce seront les législateurs qui auront la parole. Il faudra décider des limites imposées (vitessevitesse maximum, type de route, type de véhicule, etc.), des questions de responsabilité en cas d'accidentaccident et des contraintes pour le conducteur. Tant que les automatismes ne seront pas totalement efficaces, fiables et sécurisés, il devra être là et prêt à intervenir. On peut s'attendre à des interdictions comme celle de lire un journal ou entamer une sieste...
Pour sa Next Two, Renault s'est d'ailleurs penché sérieusement sur ce que feront les occupants quand la voiture conduira seule. Ils seront connectés, explique le chef de projet Frédéric Mathis, sur InternetInternet ou sur les autres véhicules, pour accéder à des services, assister à une vidéoconférence ou regarder ce que filme la caméra d'un véhicule en amont de la file quand il y a un problème. Le conducteur pourra même travailler, pour améliorer sa productivité, comme l'espère Carlos Ghosn. Mais le conducteur devra reprendre la main dès la fin de l'embouteillage. La Tesla XChangE est encore loin...