Le plastique polycarbonate est partout. Or il contient du bisphénol A (BPA) dont la nocivité pour la santé est pointée du doigt. Que faire alors des déchets de ce plastique ? Deux chercheurs indiens ont peut-être trouvé la solution : le cuire et le donner à manger aux champignons.

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Photographies au microscope électronique à balayage de polycarbonate dégradé après 12 mois dans une culture de champignons. En A, l’échantillon témoin (non prétraité), en B thermiquement traité et avec le champignon SF1. En C, on observe la pénétration d’hyphes (appareil végétatif des champignons) de SF2 dans les fissures d’un échantillon non prétraité et, en D, la formation de craquelures par SF2 sur un échantillon prétraité. © 2009 American Chemical Society

Photographies au microscope électronique à balayage de polycarbonate dégradé après 12 mois dans une culture de champignons. En A, l’échantillon témoin (non prétraité), en B thermiquement traité et avec le champignon SF1. En C, on observe la pénétration d’hyphes (appareil végétatif des champignons) de SF2 dans les fissures d’un échantillon non prétraité et, en D, la formation de craquelures par SF2 sur un échantillon prétraité. © 2009 American Chemical Society

Les deux chercheurs de l'Indian Institute of Technology Madras, Trishul Artham, Mukesh Doble, ont démontré que, convenablement traité, le polycarbonate se dégrade en présence de champignons du sol faciles à cultiver.

Après traitement aux ultraviolets (UV) et à la chaleur, le polycarbonate se dégrade de manière significative au bout d'un an en présence de certains champignons. Par ailleurs, aucune molécule de bisphénol A (BPA), un monomère du polycarbonate, n'est observée. Il n'y a donc pas de pollution.

Les industriels produisent chaque année 2,7 millions de tonnes de plastique polycarbonate contenant du BPA. Transparent, rigide et résistant, le polycarbonate se retrouve partout, depuis les manches de tournevis, les CD et DVD jusqu'aux lentilles de contact. Ce qui fait autant de déchets et autant de sources de BPA, dont les effets sur la santé sont montrés du doigt.

Des champignons gloutons

Pour l'éliminer, une filière de recyclage chimique s'est mise en place mais elle fonctionne difficilement du fait de son manque de structuration (sensibilisation, tri, récolte). Une solution plus simple et plus environnementale serait de biodégrader cette matière plastique.

Les champignons, par leur nature robuste et leur richesse en enzymes, sont déjà utilisés dans des procédés de bioremédiation (biotransformation par des organismes) pour éliminer des polluants. Certains champignons ont même déjà prouvé être capables de dégrader en partie des CD et du BPA.

Pour accélérer cette dégradation, des prétraitements du polycarbonate sont à l'étude. Histoire de l'assaisonner et de faciliter la digestion des champignons.

Les scientifiques ont prétraité le polycarbonate aux UV et à la chaleur avant de le proposer au menu de trois champignons : Engyodontium album (SF1), Phanerochaete chrysosporium (SF2) et Pencillium spp (SF3).

Douze mois plus tard, le plastique cuit était significativement dégradé sans avoir relâché de BPA, tandis que celui cru (sans prétraitement) n'avait pas bougé, comme on peut l'observer sur les photographies en bas de l'article.

Si l'action de biodégradation après traitement aux UV et à la chaleur est actée, les mécanismes sont encore peu connus. De plus amples expérimentations avec des enzymes pures et sous différentes conditions environnementales devraient éclaircir ces mécanismes de dégradation du polycarbonate.

Un jour, peut-être, CD et DVD deviendront compostables grâce à ces champignons...