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La dorade sébaste du nord (Sebastes marinus), une espèce d'eaux profondes, vulnérable mais pêchée. © Domaine public
La Commission européenne vient d'adopter la proposition de loi sur la pêche profonde de la commissaire à la pêche Maria Damanaki, qui veut faire interdire l’utilisation des chaluts et des filets maillants fixes dans les eaux profondes. « La Commission propose de durcir le système des autorisations et de supprimer progressivement les engins de pêche qui ciblent spécifiquement les espèces d’eau profonde d'une manière moins durable, à savoir les chaluts de fond et les filets maillants de fond. » Concrètement, le texte prévoit « de retirer progressivement les autorisations de pêcher les espèces d'eau profonde au moyen de chaluts de fond et de filets maillants de fond, car ces méthodes sont plus nocives que d'autres pour les écosystèmes démersaux [NDLRNDLR : vivant près du fond] vulnérables et entraînent des niveaux élevés de prises accessoires indésirées (20 à 40 % en poids, voire davantage). Les autres pêcheries commerciales utilisant les chaluts de fond ne seront pas touchées, les mesures proposées ne concernant que les pêcheries qui ciblent les poissons d'eau profonde. »
Connaissant les avis des scientifiques sur cette question, montrant que les écosystèmes profonds « ne sont pas assez protégés » et que « la pêche profonde n'est pas durable à long terme » (rapport d'un groupe de travail sur la pêche profonde, mai 2011), la proposition semble assez logique. Il existe, du reste, déjà des quotas mis en place en 2003 et l'effort de pêcheeffort de pêche (c'est-à-dire l'ensemble des moyens de capture) en eau profonde diminue régulièrement au fil des années.
L'effort de pêche (en milliers de kW.jours) entre 2000 et 2011 par les flottes des pays de l'UE. Quelles que soient les dispositions réglementaires, il est clair que cette ressource a peu d'avenir. © Commission européenne
La pêche profonde, une pêche marginale
La décision de la Commission européenne a été saluée positivement par les ONG. Pour Claire NouvianClaire Nouvian, présidente de l'association Bloom et grande connaisseuse de la faune des abysses, la décision est à peu près inéluctable. « La pêche profonde va mal », explique-t-elle. « Les pêcheries en eau profonde représentent environ 1 % du poisson débarqué de l'Atlantique du Nord-Est », note la Commission européenne.
Les discussions ont pourtant été difficiles, notamment à cause de l'Espagne et de la France, dont les représentants s'opposaient à cette mesure. « Parce que les pouvoirs publics sont acquis à la cause de quelques grands armements, assène Claire Nouvian, comme d'autres ONG. Les pêcheries artisanales, elles, ne sont jamais consultées sur ce genre de problème... » Parmi les grands armements figurent Scapêche, qui appartient au groupe Intermarché, ainsi qu'Euronor et Dhellemmes. L'association BloomBloom a réalisé en 2011 une étude sur le bilan économique de la pêche profonde concluant qu'elle n'est peut-être pas rentable mais soulignant qu'elle a reçu de substantielles aides publiques. « Sur la flotte espagnole, on en sait encore moins », selon Claire Nouvian.
Pour elle, les positions espagnoles et françaises vont devenir intenables dans les prochaines discussions. Car le débat n'est pas clos. La proposition de la Commission (qui réunit les ministres concernés) puis au Parlement (l'ensemble des eurodéputés).