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Les écosystèmes tropicaux font partie des milieux les plus menacés par le changement climatique. © C.Hug CC by-sa
La professeur Kathy Willis et le docteur Shonil Bhagwat soutiennent dans un article paru dans Science que la biodiversité est « pleine d'avertissements et de complexités » dont ne tiendraient pas compte les modèles actuels. Les simulations et travaux sur l'évolution des effectifs et de la répartition des espèces en relation avec le changement climatiquechangement climatique sous-estimeraient les capacités d'adaptation et d'acclimatation des organismes.
Ces chercheurs suggèrent que « nous devons nous attendre à voir les espèces migrer, être remplacées, et former de nouvelles communautés, mais pas nécessairement à subir les niveaux d’extinction prédis précédemment ». D'après leurs travaux, les modèles actuels ne prendraient pas encore correctement en compte les effets des facteurs locaux comme la topographie et les effets-tampons des microclimats. « Tout n'est pas perdu pour la biodiversité », écrivent-ils dans leur étude.
Exemple de l'évolution de la répartition d'une espèce : le Hêtre en France. Carte de probabilité de répartition, actuelle (à gauche) et à l'horizon 2050 (à droite) en fonction des facteurs climatiques. En blanc, la probabilité de présence est inférieure 10%. Plus les couleurs sont chaudes, plus la probabilité est forte (90-100% pour le rouge brique). © INRA
En synthétisant les études récentes comme celles sur les taux de survie des papillons d'Europe, ils ont mis en évidence des contradictions dans les résultats suivant l'échelle d'analyse des territoires choisie. Ils signalent aussi d'autres études, telle que celle portant sur 785 espèces réparties sur six continents, qui suggèrent que le facteur important dans l'occupation d'un territoire par une espèce est la qualité des milieux qui voisinent ce territoire plutôt que la réduction de celui-ci suite au changement climatique par exemple.
Changement climatique : diviser pour régner
Selon Kathy Willis, c'est la fragmentation des habitats, c'est-à-dire la disparition des liens écologiques entre les habitats, donc la capacité des organismes à se déplacer entre les milieux nécessaires à leur survie et leur développement, qui menacent le plus les espèces. En bloquant leur migration, cette fragmentation les empêcherait de s'adapter aux variations climatiques et pourrait causer leur disparition. D'après la chercheuse, « la présence ou l'absence actuelle d'individus n'est pas révélatrice des effets différés du déclin des populations. Par ailleurs, une interprétation plus inquiétante est que l'ensemble des effets de la fragmentation ne seront visibles qu'au cours des prochaines années ».
L'IUCN (Union Mondiale pour la Conservation de la NatureUnion Mondiale pour la Conservation de la Nature) rejoint ce point de vue et met en exergue le fait que les espèces sont menacées par bien d'autres pressionspressions. La surexploitation et la pollution, entre autres, les frapperont bien avant que le changement climatique ne le fasse. Celui-ci est un facteur aggravant qui peut localement être très important mais d'autres menaces plus immédiates pèsent sur les espèces.
Les risques d'extinction dus au climat pourraient donc être plus limités que ce que prévoyaient les modèles, dans la mesure où la qualité et la connectivité des habitats seraient préservées, à la campagne mais aussi dans les villes. En d'autres termes, les notions d'écologieécologie du paysage et de perméabilité écologique devraient être plus intégrées dans les politiques de conservation et d'aménagement du territoire. Kathy Willis et Shonil Bhagwat précisent enfin qu'il faudra peut-être que les conservateurs redéfinissent la notion de nature pour tenir compte des nouveaux écosystèmesécosystèmes issus du réchauffement du climat.