Vous n’imaginez pas tout ce que contiennent les aiguilles de votre sapin. Un nouveau procédé permet de « casser » la lignocellulose pour en extraire des molécules simples utilisables dans l’industrie chimique ou agroalimentaire.

Près de six millions de sapins naturels ont été achetés par les Français en 2017, d'après les chiffres de Kantar TNS pour VAL'HOR et FranceAgriMer. À peine 9 % de ces sapins sont rapportés ou replantés, les autres étant jetés, brûlés ou compostés. Mis en décharge, ils mettent très longtemps à se décomposer et les aiguilles produisent de grandes quantités de gaz à effet de serre. Un énorme gaspillage alors que cette biomasse pourrait être récupérée.

La lignocellulose, une grosse molécule rigide bien difficile à exploiter

Le problème est que les aiguilles de sapin sont particulièrement compliquées à valoriser. Elles sont composées à 85 % de lignocellulose, un polymère complexe de cellulose, hémicellulose et de lignine. Très rigide, il nécessite beaucoup d'énergie pour être cassé en molécules plus petites. Cynthia Kartey, étudiante à l'université de Sheffield, et ses collègues, ont pourtant mis un point un processus efficace pour venir à bout de cette lignocellulose, appelé liquéfaction. Celle-ci consiste à chauffer les aiguilles avec du glycérol (un solvant naturel et peu coûteux), aboutissant à une série d'hydrolyses, de déshydratations et d'autres réactions chimiques. À l'issue de ce processus, la mixture est séparée en une phase liquide (bio-huile) et en une poudre solide (bio-charbon).

Le sapin, bientôt transformé en peinture, en sucre ou en médicaments ? © CC0 domaine public
Le sapin, bientôt transformé en peinture, en sucre ou en médicaments ? © CC0 domaine public

Votre vieux sapin servira-t-il bientôt à repeindre les murs du salon ?

C'est la bio-huile qui intéresse particulièrement les chercheurs : elle est en effet riche en sucres (essentiellement du glucose), en acide acétique et en composés aromatiques (phénols). Les premiers sont, par exemple, susceptibles d'être transformés en édulcorants pour l'industrie agroalimentaire, et l'acide acétique entre dans la composition de peinture, d'adhésifs ou de médicaments. Les phénols sont, quant à eux, utilisés dans la fabrication de résines, colorants, parfums, solvants ou additifs alimentaires. Le bio-charbon pourrait être recyclé en catalyseur pour d'autres réactions chimiques, « mais aucun débouché commercial n'existe encore à l'heure actuelle », reconnait Cynthia Kartey.

Le sapin, « mini usine à molécules »

Le sapin semble décidément être une ressource inépuisable pour les chimistes. Avant l'arrivée des dérivés du pétrole dans les années 1960, les oléorésines étaient largement utilisées comme comburant, pour cirer les chaussures ou les meubles, ou même comme antiseptique. Aujourd'hui, le projet français Futurol teste la fabrication de bioéthanol de deuxième génération à partir de biomasse lignocellulosique par hydrolyse enzymatique. En 2017, des chercheurs de l'université de Bath (Royaume-Uni) ont, de leur côté, montré comment le pinène, la molécule qui donne au sapin sa fameuse odeur, pourrait remplacer la caprolactone, un hydrocarbure issu du pétrole utilisé pour améliorer la flexibilité du plastique. « Les plantes sont de véritables usines à produits chimiques », atteste Mark Lange, professeur à l'Institute of Biological Chemistry (université de Washington). Elles fabriquent naturellement des centaines de milliers de molécules dont nous ignorons encore la grande diversité ».