L’Europe est responsable de 16 % de la déforestation liée au commerce mondial dans le monde via l’importation de matières premières comme le bœuf, le bois ou le café. Une triste réalité qu’elle entend enrayer à l'aide d'un nouveau règlement garantissant l’origine des produits. Pas simple.
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Lors de la COP26, plus de 100 pays abritant 85 % des forêts mondiales se sont engagés à enrayer la déforestation d'ici 2030. Mais la préservation de la forêt n'est pas que l'affaire du Brésil ou du Canada ou du bassin du Congo, qui accueillent les plus grandes forêts. Car la déforestation dépend en grande partie des importations des pays riches. Le petit café du matin, le steak de bœuf à midi ou le carré de chocolat que vous mangez contribuent en grande partie à cette déforestation. En 2018, le WWF avait ainsi calculé que chaque Français provoque la disparition de 352 mètres carrés de forêt à l'autre bout du monde, via la déforestation due à l'agriculture. « Cela signifie qu'en 50 ans, nous avons potentiellement déforesté une surface équivalente à la superficie de la France métropolitaine », met en avant le WWF. Au total, l'Union européenne est à l'origine de 16 % de la déforestation liée au commerce mondial, soit la deuxième place derrière la Chine mais devant l'Inde et les États-Unis. Pas très glorieux quand on veut être un exemple en matière d’environnement pour le reste du monde.
Traquer la déforestation via les satellites
Le 17 novembre, la Commission européenne a donc présenté un projet de règlement promettant de mettre fin à cette hypocrisie. Objectif : ne plus trouver sur le marché européen un produit ayant contribué directement ou indirectement à la déforestation. Selon Bruxelles, le projet entraînera ainsi une réduction d'au moins 31,9 millions de tonnes d'émissionsémissions carbonecarbone par an. Le projet concerne le bœuf, le bois, l’huile de palme, le sojasoja, le café et le cacaocacao, qui devront tous être garantis « zéro déforestation » grâce à un système de traçabilité. « Si une tonne d'huile de palme arrive d'Indonésie ou une tonne de soja du Brésil dans un port européen et que l'acheteur ne peut pas prouver qu'elle n'est pas issue de zone non déforestée récemment, alors elle ne pourra pas entrer dans le marché européen, illustre Pascal Canfin, président de la commission environnement du Parlement européen et l'un des artisans du texte. Et il en est de même pour les produits fabriqués à partir de ces denrées de base, comme la pâte à tartiner ou les plats à base de viande congelée. »
Ces démarches seront facilitées par une base de donnéesbase de données à disposition des États, grâce notamment à la constellation de satellites Copernicus, capable de vérifier l'emplacement d'une plantation à quelques mètres près et de retrouver ce qu'il y avait avant à cet endroit. Des sanctions pourront être prises le cas échéant en cas de non-respect du règlement. Les pays exportateurs seront également notés selon leur risque de déforestation, ce qui a pour but de les inciter à mettre en place des bonnes pratiques.
Des atteintes à l'environnement déportées sur d'autres milieux ?
Lors de la COP26, le WWF avait interpelé la Commission européenne sur le sujet de la déforestation importée. L'ONG n'est pourtant qu'à moitié satisfaite du projet et pointe plusieurs lacunes. D'une part, la proposition est restreinte à six produits de base. Ne sont pas concernés le poulet, le caoutchouccaoutchouc, le maïsmaïs ou le sucresucre par exemple. Deuxièmement, en se focalisant sur la forêt, on risque de déporter la dégradation sur d'autres écosystèmesécosystèmes naturels, met en garde le WWF. En 2018, par exemple, 23 % des importations de soja de l'UE en provenance d'Amérique du Sud étaient issues non pas des forêts d'Amazonie, mais des prairies arborées du Cerrado, l'une des régions les plus surexploitées et menacées du Brésil. Les savanes, tourbièrestourbières et prairies risquent donc de faire les frais de cette nouvelle législation. La Commission assure qu'elle prendra en compte ces demandes, mais il est certain qu'aucun système n'est parfait à 100 %.
Le café ou le cacao pourront difficilement être relocalisés en France ou ailleurs en Europe, où le climatclimat n'est pas adapté. Au final, la limitation de la déforestation signifie forcément moins de terresterres disponibles, donc une réduction de la consommation. Certaines start-upstart-up envisagent d'ores et déjà de fabriquer... du café moléculaire en laboratoire. Une solution zéro impact sur l'environnement.