En publiant des courriels volés dans un centre de recherche britannique sur le climat, une mystérieuse équipe provoque une polémique en prétendant montrer que les scientifiques trichent lorsqu'ils annoncent un réchauffement de la planète. Les données sont publiées sur un serveur russe, à deux semaines de la réunion de Copenhague et font les délices des climato-sceptiques.

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    Cette planète mérite un débat serein. © Nasa

    Cette planète mérite un débat serein. © Nasa

    La base de donnéesbase de données du Climate Research Unit (CRU) de l'université East Anglia a été piratée par des hackers, qui ont récupéré des courriels échangés depuis treize ans par des chercheurs spécialistes du climat et participant, pour nombre d'entre eux, au Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).

    Plus d'un millier de ces documents ont été immédiatement rendus publics sur un serveurserveur installé en Russie. L'introduction de la page indique clairement l'objectif. Ces échanges démontreraient que les scientifiques faussent leurs résultats pour faire admettre la réalité d'un réchauffement de l'atmosphère terrestre dû à l'homme.

    Dans un communiqué, le CRU a reconnu le vol et l'authenticité d'au moins une partie des courriels mais « le volumevolume du matériel publié et son éparpillement en petits documents font qu'il est impossible de confirmer quelle proportion est réelle ». La police britannique a ouvert une enquête.

    Un chercheur « astucieux » ou « tricheur » ?

    Depuis la publication de ces courriers, la planète Web est agitée de rumeurs, une nouvelle fois réamorcées, sur ce grand complot fomenté par le Giec et la majorité des climatologuesclimatologues mondiaux. L'expression Climatgate rencontre un grand succès. Le mail qui fait couler le plus d'octetsoctets dans les tuyaux d'InternetInternet est celui du directeur du CRU, Phil Jones, qui parle d'une méthode utilisée par un certain Michael Mann (université de Pennsylvanie), lequel aurait trouvé une astuce (« trick ») pour masquer le déclin des températures dans les données alors analysées. Comme trick signifie aussi bien farce que astuce, le propos est présenté comme la preuve d'une tricherie.

    Phil Jones a reconnu l'authenticité de ce courrier et précisé qu'il avait bien utilisé le mot trick dans le sens du français astuce. Le sujet dont il est question dans ce mail concerne la relation entre la croissance des arbres au fil des années, estimée par l'épaisseur et la densité des cernes, et la température ambiante. Les scientifiques qui se sont penchés sur ce phénomène ont remarqué une bonne corrélation pour la plus grande partie du vingtième siècle mais pas pour les dernières décennies. Cette différence ne semble pas être identique dans toutes les régions géographiques et les causes sont encore débattues. Une correction est donc nécessaire pour relier les données de la dendrochronologie à la température mais elle n'est pas simple à établir. Bref, il s'agit là d'une situation très classique en science.

    Le reste est à peu près à l'avenant. A consulter ces échanges, on réalise qu'il faut méconnaître profondément le travail quotidien du scientifique pour analyser cet ensemble hétéroclite comme la preuve d'un complot généralisé, ou bien faire preuve d'une grande malhonnêteté.

    C'est mettre de côté trois évidences : la science est le domaine du doute, la critique du travail des collègues est consubstantielle de l'activité scientifique et, enfin, les chercheurs sont des êtres humains comme les autres. Pêcher dans la correspondance privée ramène donc nécessairement des propos trop enthousiastes, trop critiques, injustes ou, surtout, ininterprétables hors contexte. Si, en prime, on opère un tri, on peut organiser une vraie manipulation.

    Par ailleurs, l'ensemble de ces documents ne démontre aucun complot centralisé. Il montre, au maximum, que la climatologie est une science difficile, où les certitudes sont rares et les remises en cause faciles. Espérons que ce triste épisode ne détériore pas le climat (sans jeu de mot) à deux semaines de l'ouverture du sommet international de Copenhague... On peut aussi espérer qu'il ne polluera pas le - vrai - débat scientifique sur la question du changement climatiquechangement climatique.