Etudier le climat ancien de notre planète s'apparente à un véritable travail de détective. Le moindre indice a son importance, la moindre irrégularité dans la composition de la glace, des sédiments sous-marins ou du sol peut apporter une information cruciale mettant en lumière les soubresauts passés du climat de la Terre. Encore faut-il savoir où chercher… Et comment déchiffrer l'information. C'est ce que des bataillons de scientifiques ne cessent de faire dans les régions polaires.

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C'est là, aux très hautes latitudes, qu'une foule de renseignements se trouvent inscrits dans la glace. Une glace continentale souvent épaisse, comme par exemple au Groenland ou en Antarctique, fruit d'une accumulation de précipitations remontant jusqu'à un million d'années dans le passé. Et qui, tout au long de sa formation, a piégé des gaz, des molécules, des poussières témoignant des conditions environnementales historiques et préhistoriques.

<br />La projection de lumière polarisée à travers une tranche de carotte glaciaire révèle des échantillons d'air du passé et des particules d'aérosols déposées par la neige – certaines de ces particules pourraient provenir de volcans en éruption très éloignés de l'Antarctique.&copy; CNRS/LGGE


La projection de lumière polarisée à travers une tranche de carotte glaciaire révèle des échantillons d'air du passé et des particules d'aérosols déposées par la neige – certaines de ces particules pourraient provenir de volcans en éruption très éloignés de l'Antarctique.© CNRS/LGGE

Un phénomène similaire attire au fond des océans les chercheurs passionnés par notre climat et son histoire, tant dans les régions polaires que dans les autres parties du globe. Car la stratigraphie des sédiments lentement accumulés pendant des millions d'années livre d'autres indices des climats passés à ceux qui savent comment les lire.

Ces informations peuvent encore être précisées par l'analyse des pollens retrouvés dans les tourbières polaires, au fond des lacs, dans les sols, voire... sous le sol ! Dans les régions tempérées, comme par exemple en Europe, les grottes naturelles qui se sont formées dans les massifs karstiques renferment aussi les stigmates des fluctuations des climats anciens et complètent ainsi ceux qui ont été identifiés dans les régions polaires.

Un gigantesque livre d'histoire

<br />Les carottes glaciaires, et les minuscules bulles d'air qu'elles renferment, ont permis aux scientifiques de lire dans le passé à livre ouvert.&copy; CNRS/LGGE


Les carottes glaciaires, et les minuscules bulles d'air qu'elles renferment, ont permis aux scientifiques de lire dans le passé à livre ouvert.© CNRS/LGGE

Atteignant 3 000 mètres d'épaisseur au Groenland et presque 5 000 mètres en Antarctique, les gigantesques inlandsis polaires sont parmi les outils les plus précieux des paléoclimatologues.

Tout au long de leur formation, ces glaciers ont accumulé des saisons et des saisons de précipitations neigeuses. Chaque année, les couches de neige qui ont piégé lors de leur passage dans l'atmosphère des gaz ambiants, des poussières de diverses natures, des pollens parfois, se tassent encore davantage sous la pression des suivantes. Au cours des siècles et des millénaires, la calotte glaciaire apparaît donc bien comme un mille-feuille. Un gigantesque livre dont les pages se retrouvent en fines couches dans les carottes de glace extraites lors de vastes campagnes de forage désormais internationales. On peut, par exemple, déceler les grandes éruptions volcaniques et même des traces de plomb issues de l'industrie romaine il y a 2 000 ans.

Les chercheurs y traquent de multiples informations. L'analyse de la stratigraphie des carottes de glace renseigne, par exemple, sur l'abondance des précipitations au fil des saisons. Les bulles d'air piégées par la neige qui se retrouvent dans la glace apportent des informations sur la composition en différents gaz de l'atmosphère du passé.

La composition isotopique des échantillons permet de déterminer la température à laquelle s'est formée la couche étudiée. L'étude des particules piégées, de leur nature et de leur taille, donne des informations sur la circulation atmosphérique. D'autres paramètres physico-chimiques de la glace, comme sa conductivité électrique, apportent encore d'autres types d'informations aux chercheurs. Et le croisement de ces paramètres débouche sur une restitution fidèle des climats anciens.

Le rapport entre la concentration en CO2 dans l'atmosphère emprisonnée sous forme de bulles et la température de formation de la glace met en évidence l'impact de l'effet de serre... Depuis quelque 200 ans, cet effet de serre, exacerbé par le boom démographique mondial couplé à l'industrialisation entamée au 18e siècle et enfin par l'apparition et le développement de l'automobile, se trouve aussi inscrit dans les glaces polaires. Tout comme les divers essais nucléaires entamés dans les années cinquante et bien sûr, tous les grands cataclysmes naturels qui ont affecté l'atmosphère.