Après l'exceptionnel recul de 2007, qui a laissé une jeune glace fragile, il serait fort possible, selon certains scientifiques, que l'océan Arctique soit largement  fragmenté en septembre prochain et même que de l'eau liquide soit observée au pôle nord.

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La banquise arctique le 25 septembre 2007. © NSF/Projections of an Ice-Diminished Arctic Ocean

La banquise arctique le 25 septembre 2007. © NSF/Projections of an Ice-Diminished Arctic Ocean

Alors que la calotte glaciaire arctique voit sa surface estivale se réduire au fil des ans, il est désormais admis que la fonte complète en été pourrait un être observée dans les décennies à venir. Interviewés dans un magazine britannique (The Independent), deux spécialistes du milieu polaire affirment que cette éventualité pourrait survenir cette année, au mois de septembre...

L'Américain Mark Serreze travaille au US National Snow and Ice Data Centre (Colorado), un organisme de recherche dont l'une des missions est d'archiver les informations sur les observations des milieux polaires et des glaciers (la cryosphère) engrangés depuis l'année géophysique internationale de 1957-1958. Peter Wadhams, lui, est professeur d'océanographie physique à l'université de Cambridge, en Grande-Bretagne (Department of Applied Mathematics and Theoretical Physics). Ce passionné du monde arctique y a fait de fréquents voyages, sur et sous la glace. En mars 2007, il était à bord du sous-marin nucléaire HMS Tireless de la marine britannique quand le navire, alors qu'il naviguait sous la banquise en mer de Beaufort, a été endommagé par une explosion qui a tué deux hommes d'équipage.

Ces chercheurs observent, comme d'autres, que la glace de la calotte polaire n'a pas retrouvé son état d'avant 2007. L'été dernier, en effet, la banquise a régressé comme elle ne l'avait jamais fait, l'eau libre parvenant à 1.100 kilomètres du pôle nord. Le voilier Tara, volontairement pris dans les glaces pour dériver avec elles, avait traversé la calotte beaucoup plus vite que prévu. La couverture gelée s'est reconstituée durant l'hiver mais aujourd'hui la calotte est formée à 70% de glace âgée d'un an seulement, beaucoup plus fragile. Courants et vents peuvent la disloquer facilement, accélérant sa fonte. Selon Mark Serreze, 70% de cette jeune glace pourrait ne pas résister à la chaleur de l'été. La moitié de la calotte pourrait donc fondre ou se disloquer. Un autre indice de la fragilité de la banquise est l'extension des polynies, ces zones d'eau liquide entourées par la glace, observée par les satellites du Goddard Flight Centre (Nasa).

Evolutions de la surface de la banquise arctique (en millions de kilomètres carrés) entre janvier et juillet en 2008 (courbe bleue), en 2007 (tiret vert) et, en moyenne, sur la période 1979-2000 (ligne grise). (Cliquez pour agrandir l'image.) © NSIDC

Evolutions de la surface de la banquise arctique (en millions de kilomètres carrés) entre janvier et juillet en 2008 (courbe bleue), en 2007 (tiret vert) et, en moyenne, sur la période 1979-2000 (ligne grise). (Cliquez pour agrandir l'image.) © NSIDC

Ces éléments rendraient possible une fragmentation importante de la calotte, jusqu'au pôle nord. L'événement n'est qu'une probabilité, « 50/50 » résument les chercheurs. Cette incertitude illustre bien combien la modélisation de la fonte de la banquise est malaisée. Il ne s'agit pas de prédire la vitesse de fonte d'un gros glaçon, mais d'une surface vaste et d'une structure hétérogène, soumise à de multiples phénomènes, vents, courants, dépôts de poussière qui réduisent le pouvoir de réflexion de la glace (l'albédo) et augmentent par conséquent l'absorption de la chaleur solaire... La formation des polynies, par exemple, est une source de complication pour les modèles car ces masses d'eau emmagasinent assez bien la chaleur du Soleil. Accidentellement, le volcanisme peut venir lui aussi mettre son grain de sel. Il y a quelques jours, une équipe menée par Robert Sohn (Woods Hole Oceanographic Institution) a publié dans la revue Nature les résultats d'une observation sous-marine le long de la dorsale de Gakkel, sous la banquise arctique, à 4.000 mètres de profondeur. Ces chercheurs y ont vu la trace d'une éruption volcanique massive et récente (1999), de type pyroclastique (comme celle du Vésuve), très violente et qu'on ne pensait pas possible à cette profondeur. Une telle source de chaleur aurait participé aussi à accélérer la fonte.

Loin d'être un phénomène évoluant linéairement avec l'élévation de la température de l'océan ou de l'atmosphère, les variations de surface de la calotte arctique échappent manifestement à des prédictions sûres. Il ne reste qu'à attendre et à observer...