Dans un entretien accordé à Futura-Sciences, Simonetta Cheli, chef de cabinet du directeur des programmes d’observation de la Terre à l'Esa, revient sur la proposition de la Commission européenne de ne pas financer le programme GMES.
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La Commission européenne veut faire financer le programme d'observation satellitaire de la Terre GMES (Global Monitoring for Environment and SecurityGlobal Monitoring for Environment and Security) par les différents gouvernements et non plus dans son propre plan de dépenses pluriannuel (Multi-Annual Financial Framework, ou MFF). Elle propose la création d'un fonds, fonctionnant sur un modèle similaire à celui du Fonds européen de développement, auquel les États membres contribueraient en fonction de leur Produit national brut. Pour la période 2014 à 2020, on estime les besoins à environ 5,8 milliards d'euros.
Du côté de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne, on souligne le risque de discontinuité dans le financement, alors que « les premiers satellites Sentinel sont prêts à être lancés ». Tel qu'elle est proposée par la Commission, la mise en place de ce financement gouvernemental prendra un certain temps. Or, « nous avons besoin des fonds dès 2014 pour assurer la continuité de GMES » sans quoi la rupture dans le financement de GMES « deviendra une réalité ». Comme le souligne Simonetta Cheli, « ce n'est pas une option que l'on considère appropriée pour assurer cette continuité ». À supposer qu'un certain nombre d'États européens décident d'apporter les quelque 5,8 milliards nécessaires à son financement, « plusieurs mois, voire plus d'une année seront nécessaires avant que les premiers euros soient disponibles ».
Pour l’Esa, la suite du programme GMES doit être assurée
Cette voltevolte-face de la Commission est d'autant plus surprenante qu'il semblait y avoir « un certain consensus sur ce programme européen ». Lorsqu'il avait été mis en place en 2005, le principe donnait à l'Esa le responsabilité de la coordination de la composante spatiale, c'est-à-dire du développement des satellites et de leur lancement. À charge pour la Commission de gérer les services, fédérer les utilisateurs et garantir le financement des opérations.
Il faut garder à l'esprit que GMES n'est pas « seulement un puissant outil d'observation de la Terre à des seules fins scientifiques ». Il sert à bien d'autres choses qu'à « mesurer le changement climatique ou la gestion des risques et des catastrophes naturelles ». Il permet, par exemple, de « mener la mise en œuvre des politiques européennes et de surveiller les activités telles que la pollution des mers, la déforestation ou la culture de plantes destinées à produire des stupéfiants ».
Vidéo de présentation de Sentinel 5. © Astrium
Pour justifier sa décision, la Commission met en avant les difficultés budgétaires actuelles de l'Union européenne mais aussi et les pressionspressions qu'elle subit de la part de plusieurs pays. Ceux-là, en effet, craignent que les énormes budgets accordés à des programmes phares, comme Iter (International Thermonuclear Experimental ReactorInternational Thermonuclear Experimental Reactor) ou, justement, GMES, cannibalisent d'autres programmes, comme le fonds de cohésion européen. Il est vrai que le budget de l'Union européenne devrait être plafonné à 1 % du PIB européen jusqu'en 2020. Pour la période 2014-2020, la Commission européenne a proposé des dépenses à 1.083,3 milliards d'euros, soit 1,11 % du PIB européen en hausse de 5 % par rapport à la période 2007-2013.
Avant que l'Agence spatiale européenne ne commence les opérations de lancement des premiers Sentinel, il est important que la Commission donne des garanties sur le financement futur des activités spatiales. « Dix mois après le lancement du premier Sentinel, nous n'avons pas envie de nous retrouver dans une situation difficile et s'apercevoir qu'il n'y a plus d'argentargent pour opérer les satellites ». À cela s'ajoutent des questions ouvertes comme l'appartenance des satellites Sentinelsatellites Sentinel après leur lancement et la garantie du financement des opérations sur la duréedurée.
L'Esa veut conjurer le sort
Autre souci pour l'Esa, la fin d’Envisat. Bien qu'il ait dépassé de plusieurs années sa durée de vie initiale, l'Agence spatiale européenne souhaitait le faire « fonctionner au moins le temps que les premiers Sentinels arrivent dans l'espace ». Sa perte prive la communauté scientifique et les services opérationnels de données nécessaires de sorte qu'il devient urgent de disposer des services opérationnels des trois premiers satellites de la famille des Sentinels. Depuis le début de 2012, si seulement deux services GMES sont opérationnels (surveillance des terres émergées, intervention d'urgence), d'autres sont en cours d'activation.
Sentinel 1 sera le premier satellite GMES à être lancé (en octobre 2013). Il doit assurer la continuité des données fournies par les radars SAR des satellites ERS et Envisat. © Esa
La perte de données des capteurscapteurs et instruments d'Envisat rend donc urgente l'obtention « des services opérationnels des trois premières familles des satellites Sentinel ».
Dans ce contexte et malgré l'incertitude sur le financement futur de GMES, le Conseil de l'Esa a donné son feufeu vert au démarrage des négociations du contrat de lancement du premier Sentinel, qui sera lancé en octobre 2013 par un lanceurlanceur russe Soyouz depuis la Guyane.