Non, Météo France ne prédit pas le temps qu’il fera le 12 janvier 2085 sur le Vaucluse. Mais le projet Drias fournit aux acteurs économiques et politiques les données actuelles sur les prévisions de l’évolution du climat en France avec une résolution régionale. L'heure a sonné de l'adaptation aux changements climatiques, comme l'explique à Futura-Sciences le climatologue Hervé Le Treut, participant au projet.

au sommaire


    Entre 2010 et 2012 s'est construit le programme Drias (Providing access to Data on French Regionalized climate scenarios and Impacts on the environment and Adaptation of Societies) pour rendre facilement accessibles les prévisions des modèles climatiques à l'échelle de la France (métropolitaine pour l'instant) et même de ses régions.

    Lancé dans le cadre du programme GICC (Gestion et impacts du changement climatiquechangement climatique), Drias a été réalisé par MétéoMétéo France avec l'appui de plusieurs laboratoires de climatologie, en collaboration avec l'Institut Pierre-Simon LaplacePierre-Simon Laplace (IPSL) et le Cerfacs. Il s'adresse à tous ceux, entreprises ou collectivités locales, qui ont besoin d'anticiper les changements du climat français dans les prochaines décennies. Par exemple : telle station de ski doit-elle penser à sa reconversion, et si oui à quelle échéance ? Les pratiques agricoles d'une région devront-elles évoluer vers d'autres productions ?

    « Aujourd'hui, le changement climatique pose des questions, nous explique Hervé Le Treut, directeur de l'IPSL, l'un des acteurs de Drias. Nous avons dépassé la phase d'alerte et le seul débat entre alarmistes et non-alarmistes. On sait que les émissionsémissions de gaz à effet de serre continueront d'augmenter. Elles étaient à 6 ou 7 milliards de tonnes par an en fin de siècle dernier et atteignent maintenant 9 milliards. La question est désormais aussi de s'adapter à la part inévitable des modifications climatiques. »

    Les températures moyennes en France prédites par le modèle Arpège, de Météo France, en 2035, 2055 et 2085. Sur le site Drias, on obtient ce genre de cartographie en indiquant soi-même les paramètres à prendre en compte. © Drias

    Les températures moyennes en France prédites par le modèle Arpège, de Météo France, en 2035, 2055 et 2085. Sur le site Drias, on obtient ce genre de cartographie en indiquant soi-même les paramètres à prendre en compte. © Drias

    L'évolution du climat à 8 km près

    Même s'il s'adresse d'abord aux professionnels, chacun peut consulter le site de Drias. Et la balade dans les décennies futures est instructive... Le premier des trois grands chapitres (« Espace accompagnement ») devrait devenir une référence pour tous ceux qui s'intéressent à la climatologie, avec des explications sur les modèles et un glossaire. « L'espace découverte » est un itinéraire à conseiller : il offre deux « parcours » pour montrer l'évolution climatique selon les différents modèles.

    Le premier regroupe deux tableaux, températures et pluviométrie, et le second (« Parcours expert ») est interactifinteractif, permettant de choisir les critères à retenir, les modèles et les scénarios (pessimiste, optimiste ou moyen). On peut ainsi voir évoluer les températures et la pluviométrie en 2035, 2055 et 2085. La résolutionrésolution spatiale descend à 8 km, ce qui est remarquable et donne une visibilité, aux incertitudes près, sur le futur climat des régions françaises.

    Trois scénarios de l'évolution de la pluviométrie en Métropole. © Drias

    Trois scénarios de l'évolution de la pluviométrie en Métropole. © Drias

    Prévoir pour s'adapter aux changements climatiques régionaux

    Les résultats sont donnés par de multiples paramètres, températures moyennes, maximales ou minimales, pluviométrie en millimètres par an ou en nombre de jours de pluie, de gel ou de canicule, etc. Le tout prend la forme de cartes, avec l'année 1970 comme référence. En fonction des modèles et des paramètres choisis, les résultats seront donc différents et ne se limitent pas à un nombre de degrés supplémentaires. « Les décisionnaires ne peuvent pas s'appuyer sur des discours simples, constate Hervé Le Treut. Par exemple, des responsables de gestion forestière veulent savoir quels arbres planter aujourd'hui et pour cela il leur faut connaître, non seulement, les températures prévisibles mais aussi les différents scénarios d'évolution possible de la pluviométrie, de la fréquence ou la violence des orages à l'échelle des prochaines décennies. »

    Cet outil en ligne d'aide à la décision était un des engagements du PNACC (Plan national d'adaptation au changement climatique) et s'inscrit parmi les « services climatiques » qui fleurissent en Europe. Il faudra sans doute du temps aux décisionnaires pour apprivoiser ces nouveaux moyens. Les prévisions sont bien sûr entachées d'incertitudes, les différents modèles ne prédisent pas tous la même chose et chacun donne plusieurs scénarios. « Les modèles convergent tous sur une augmentation des températures mais pas sur d'autres paramètres. Il y a toujours plusieurs options entre lesquelles la nature tranchera... Les scientifiques ne peuvent pas transmettre une information simple et certaine. » Mais, au moins, ce genre d'outils montre les avenirs possibles et s'installe à l'interface entre les connaissances défrichées par les chercheurs et la société. Il est probable que des activités de conseil se développeront à ce niveau dans les prochaines années, qui serviront à de multiples utilisateurs.