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Pour limiter l'actuel réchauffement climatique, les autorités, entreprises et particuliers mettent en œuvre de nombreuses mesures pour réduire au maximum les rejets de CO2. Tous ces efforts sont utiles pour une seule et unique raison : il existe un lien fort entre la concentration atmosphérique en gaz carbonique et notre climat actuel.
Jonathan LaRiviere, dirigé par Ana Christina Ravelo de l'University of California à Santa Cruz, vient de démontrer, dans la revue Nature, que cette union n'a pas toujours existé. Au Miocène supérieur, voici 5 à 13 millions d'années, notre planète était plus chaude qu'aujourd'hui alors que l'atmosphère présentait moins de dioxyde de carbone. Le climat et la concentration en CO2 atmosphérique étaient donc découplés.
Le lien étroit unissant ces deux facteurs aurait été établi voici 5 millions d'années, suite à d'importants changements, des déplacements de continents, ayant affecté la circulation des courants océaniques et la profondeur de la thermocline dans les océans.
Les eaux de surface du Pacifique pouvaient s'écouler dans l'Atlantique via un corridor marin (le Central American Seaway) voici 10 millions d'années, durant le Miocène. Les deux océans avaient alors la même salinité. © WHOI
Le climat insensible au CO2
Ce résultat ne s'appuie pas sur des modèles, mais sur des informations géologiques. Des sédimentssédiments marins ont été extraits lors de trois carottages profonds réalisés à partir du navire Joides Resolution dans le Pacifique nord. Les microfossilesmicrofossiles qu'ils contenaient ont fait l'objet d'analyses afin de déterminer leur taux d'alcénones insaturés et donc d'estimer la température des eaux de surface de cet océan au cours de ces 13 derniers millions d'années.
Elle était particulièrement élevée durant le Miocène supérieur (il y a 5 à 13 millions d'années), environ 5 à 8 °C de plus qu'à l'heure actuelle, alors que la concentration en CO2 atmosphérique était équivalente à celle mesurée avant notre ère industrielle (environ 280 parties par million, ppmppm). Cette massemasse d'eau se serait néanmoins continuellement refroidie avec parfois quelques brusques diminutions de température, surtout entre la fin du Miocène supérieur et le début du PliocènePliocène, voici environ 5 millions d'années. Pourtant, la concentration atmosphérique en CO2 a augmenté durant cette nouvelle époque géologique (plus de 350 ppm). À titre d'exemple, la température de l'océan en surface a chuté de 8 °C entre 5,8 et 3,7 millions d'années avant le présent en un lieu situé au large de l'actuelle Californie (Pacific Site 1010).
D'où vient la sensibilité actuelle de notre climat face au CO2 ? Selon les auteurs, de la tectonique des plaquestectonique des plaques. Durant le Miocène, les continents n'occupaient pas encore leur position actuelle : les deux Amériques étaient séparées et le détroit de Béring était fermé. Les courants océaniques circulaient donc d'une manière différente. Or, les terresterres émergées du globe ont acquis leur position actuelle approximativement au début du Pliocène, alors que la chute des températures était observée. Cependant, des modèles n'ont pas établi de lien direct entre la sensibilité du climat et la position des continents, mais bien avec la profondeur de la thermocline.
Amérique du Nord et Amérique du Sud ont convergé voici 5 millions d'années, durant le Pliocène, fermant petit à petit le Central American Seaway. La circulation des masses d'eau a alors été modifiée. Le Gulf Stream s'est notamment intensifié. La salinité des océans Pacifique et Atlantique a commencé à différer. © WHOI
Une position de la thermocline déterminante
La profondeur de la thermocline dans le Pacifique était plus élevée lorsque le corridorcorridor marin d'Amérique centrale existait (CAS pour Central American SeawayCentral American Seaway) et aurait diminué progressivement tandis que les deux Amériques se rapprochaient. Cette information a été confirmée par des mesures de l'isotopeisotope 18O contenu dans des coquillescoquilles de foraminifèresforaminifères et de radiolairesradiolaires ayant vécu durant ces 13 derniers millions d'années. Or, la position de cette limite thermique n'est pas sans conséquence sur le climat.
Elle jouerait en effet un rôle sur plusieurs phénomènes ayant lieu à la surface des océans. Une thermocline profonde se traduirait par une importante évaporation d'eau, or la vapeur d’eau a un effet sur le réchauffement climatiqueréchauffement climatique bien plus important que celui du CO2, et par une distribution différente des nuagesnuages, ce qui pourrait avoir modifié l'effet albédoalbédo de manière à favoriser une augmentation des températures. Cette théorie explique bien pourquoi la Terre était chaude en l'absence de concentrations élevées de gazgaz carbonique.
La remontée de la thermocline aurait progressivement diminué l'importance de ces deux facteurs, rendant ainsi le système climatique sensible aux effets de la présence de CO2 dans l'atmosphère dès le Pliocène. Toutes ces hypothèses se tiennent scientifiquement, mais elles doivent encore être prouvées pour démontrer qu'elles justifient bien l'apparition du couplage gaz carbonique-climat.