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Le poète William Blake écrivait que le monde pouvait se retrouver enfermé dans un grain de sable. Maintenant l'analyse des graines et du pollen recueillis dans les sédiments d'une mare péruvienne peut raconter l'épanouissement de grands empires dont celui des Incas et offrir des solutions afin d'échapper aux conséquences néfastes du changement climatiquechangement climatique en marche aujourd'hui.
Les avancées d'une équipe scientifique multidisciplinaire internationale donnent une explication en partie climatique à l'accroissement très rapide et sans précédent dans le Nouveau Monde de l'empire des Incas.
Alex Chepstow-Lusty (archéologue de l'Institut français des Etudes Andines de Lima au Pérou) et Mick Frogley (géographe de l'université du Sussex en Angleterre), constatent que l'épanouissement de l'empire inca aux XVe et XVIe siècles coïncide avec une hausse significative des températures dans les Andes due à un changement climatique naturel.
Il est à souligner d'entrée que cette recherche recoupe parfaitement les préoccupations actuelles. Le Pérou est considéré par la Banque mondiale comme le troisième pays, en ordre décroissant, dans la liste des Etats du monde devant faire face aux plus forts impacts négatifs du changement climatique au XXIe siècle. Ainsi l'amenuisement des ressources en eau est facile à prévoir car elles sont fournies en partie par de petits glaciers soumis à une fontefonte rapide.
Grâce à des financements du Ministère des Affaires Etrangères et du CNRS l'équipe a analysé les graines, le pollen et d'autres bio-indicateurs archéologiques dans les différentes couches de sédiments lacustreslacustres d'une mare appelée Laguna de Marcacocha située à 3.350 mètres d'altitude, presque sur la route menant de la ville de Cusco jusqu'au site archéologique du Machu Picchu. L'abondance et la grande variété des restes végétaux révèlent une période de hausse significative des températures dans les Andes centrales (ayant débuté autour de l'an 1100) qui culmina avec l'épanouissement de l'empire inca entre 1400 et 1532.
Dans les Andes, les agriculteurs incas n'avaient pas un terrain facile et ont dû mettre au point des techniques de cultures en terrasse, dont les traces sont encore visibles aujourd'hui. © Szeke / Flickr - Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)
La fonte des glaciers a irrigué les cultures incas
Les Incas furent des architectesarchitectes du paysage hors pair par l'aménagement systématique des versants avec des terrassesterrasses mises en cultures. Dans les Hautes Andes, ce développement agricole fut un succès seulement parce qu'il correspondit à une période de températures plus tempérées qui permit la mise en valorisation par des cultures en terrasses des zones hautes des pentes habituellement inaptes à l'agricultureagriculture.
Cet accroissement des terroirs agricoles se combina avec des bonnes pratiques telles l'irrigationirrigation des cultures par l'eau de fonte plus abondante des glaciers durant cette phase de réchauffement naturel et l'agroforesterieagroforesterie qui lutta notamment avec succès contre l'érosion hydrique de sols pentus et des constructionsconstructions des terrasses.
De cette façon les empereurs incas purent se lancer de façon systématique dans leur politique expansionniste avec leurs armées en s'appuyant sur une grande force de travail et sur un réseau de voies de pénétration sophistiquées, les Chemins incas, mais d'abord et essentiellement sur d'amples surplus agricoles.
Une histoire inscrite dans les paysages
« Maintenant le Pérou doit faire face à un important changement climatique provoqué par l'activité humaine et le thème de la gestion des ressources en eau est à nouveau crucial dans un milieu qui doit supporter et nourrir 29 millions d'habitants soit environ le triple de la population de l'ancien empire inca » prévient Mike Frogley. Il est urgent de relancer des initiatives agricoles traditionnelles telles celles liées à l'agroforesterie et à la protection des sols aboutissant à une gestion meilleure des ressources en eau.
La rapiditérapidité des conquêtes des Incas (seulement 130 années) et leur durabilitédurabilité (seulement brisée par les Espagnols technologiquement supérieurs dans l'art de la guerre) ne peuvent pas se comprendre sans une alimentation abondante et bien distribuée pour leurs troupes s'appuyant sur une base arrière riche. Or, à cette époque, la richesse c'était l'agriculture, l'élevage et, dans une moindre mesure, la pêchepêche.
Dans le cas des Incas, les archives sédimentaires remplacent l'écriture. Si nous manquons de chroniques, et donc largement de l'Histoire au sens occidental du terme, les Incas et leurs prédécesseurs nous ont donné un legs inscrit dans les paysages. Grâce à leur aménagement raisonné d'un environnement difficile car montagnard et souvent aride, l'empreinte sur les paysages des Incas nous enseigne des voies du développement durabledéveloppement durable.
Reste que les Incas furent un brin chanceux. Ils furent capables d'exploiter et de coloniser au mieux l'environnement montagnard à une période pendant laquelle des températures moyennes en augmentation se conjuguaient avec l'aridité caractéristique des Andes centrales et méridionales. Selon Alain GiodaAlain Gioda (historienhistorien du climatclimat de l'IRDIRD et de l'UMR Hydrosciences de Montpellier), d'autres royaumes et empires largement agricoles des Andes furent à des périodes antérieures très largement limités pour leur développement par des épisodes sensiblement plus froids se conjuguant à l'habituelle et redoutable aridité du milieu montagnard.
Le texte complet de l'article scientifique, paru dans la revue Climate for the past, est disponible (au format PDF). Voir les références au bas de cette page.