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Lorsqu'ils parlent à leurs bébés, les adultes humains utilisent un registre de parole particulier, caractérisé par un ton plus aigu et plus variable, un tempo plus lent et une articulationarticulation plus claire des voyelles. Un comportement voisin avait été rapporté chez les macaques rhésus. Les raisons pour lesquelles les adultes humains utilisent ce « parler bébé » ne sont pas clairement établies. L'émotion provoquée par les caractéristiques du visage du bébé (face ronde, petit neznez...) peut être à l'origine de ce comportement. Une autre hypothèse suggère que les adultes facilitent ainsi l'apprentissage du langage et cessent d'employer ce registre quand le bébé devient capable de parler.
En étudiant la manière dont les humains parlent à leurs chiens et leurs réponses, une étude à laquelle ont contribué des chercheurs de l'Institut des neurosciences Paris-Saclay (CNRS, université Paris-Sud) basés à l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, apporte des éléments de réponse.
Voici des milliers d'années que le chien est devenu le meilleur ami de l’Homme et cette intimité se reflète à travers de multiples aspects de compréhension mutuelle et d'empathieempathie. Lorsque nous parlons à nos chiens, nous utilisons souvent un registre de langage proche du « parler bébé ». De même que pour les bébés, ce « parler chien » pourrait constituer une réponse spontanée à des caractéristiques juvéniles ou représenter une tentative pour engager une interaction avec un être vivant non doué de langage.
Dans le premier cas, nous devrions restreindre l'utilisation du « parler bébé » aux chiots. Tandis que dans le second, nous devrions continuer de parler ainsi aux chiens adultes. Ce sont ces hypothèses que des scientifiques américains, britanniques et français viennent de tester.
Les chiots sont très réactifs au « parler chien »
Dans une première expérience, les chercheurs ont présenté des photographiesphotographies de chiens d'âges divers à des adultes humains qui avaient pour consigne de dire les phrases suivantes : « Alors le chien ! Comment ça va le doudou ? C'est qui le bon chien ? Viens ici mon chien ! Ah il est gentil le chien. Ça, c'est un gentil chien ! ». Les personnes devaient ensuite prononcer ces mêmes phrases sur un ton neutre. L'analyse de la structure acoustique des enregistrements montre que notre manière de parler face à des chiots est très semblable au « parler bébé »... et que nous continuons d'utiliser ce registre, quel que soit l'âge du chien !
On utilise la même façon de parler aux chiots qu’au bébé et cela continue même quand ils deviennent adultes alors qu’ils ne réagissent plus de la même façon. © Public Domain
Dans une seconde expérience, les scientifiques ont fait écouter ces enregistrements à des chiens, chiots et adultes. Le chien était placé dans une pièce confortable, en présence du chercheur placé face au murmur pour ne pas attirer son attention. Un haut-parleur posé sur le sol émettait successivement la phrase prononcée en « parler chien » et la même phrase en langage normal. La réponse du chien a été filmée pour être analysée.
Les résultats des expériences sont clairs : lorsque la phrase émise par le haut-parleur est prononcée de manière normale, aucun des chiens testés ne manifeste d'intérêt pour l'enregistrement. Au contraire, lorsqu'ils entendent du « parler chien », les chiots deviennent très excités, aboient et s'approchent du haut-parleur, tandis que les chiens adultes... ignorent l'enregistrement, continuant de vaquer à leurs occupations !
Nous attendons que les chiens parlent comme nous
En montrant que les humains utilisent le « parler chien » pour communiquer avec des chiens de tous âges, cette étude suggère que ce registre particulier est utilisé pour engager des interactions avec un individu non doué de langage. Il est donc fort probable que le « parler bébé » utilisé avec notre progéniture soit motivé par notre désir de rendre notre communication plus efficace avec un être qui ne maîtrise pas encore le langage ou dont on pense qu'il a des difficultés à nous comprendre. Si le « parler bébé » accélère effectivement l'apprentissage du langage chez les nouveau-nés, nous aurions donc tort de nous en priver !
Du côté des chiens, les résultats montrent que le « parler chien » est très efficace pour engager une interaction avec un chiot, mais perd de son intérêt avec des chiens plus âgés. Ceux-ci attendent probablement d'autres signaux de notre part, par exemple gestuels, ou ne répondent qu'à des voix familières. Nous continuons pourtant de leur parler comme à des bébés, car de manière consciente ou non, nous ressentons que le chien risque de ne pas bien comprendre et nous espérons qu'il fasse des progrès... en devenant capable de nous parler !
L'étude est publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B.