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Une image prise par l'instrument Modis (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer), installé sur les satellites de la Nasa, Aqua et Terra. Elle montre, en vraies couleurs, une région de l'Atlantique au nord de l'Islande, autour de l'île Jan Mayen, visible au centre. On voit nettement des nuages formant des structures linéaires (les « rues de nuages »). C'est là qu'ont lieu les échanges de chaleur et d'humidité entre la mer et l'atmosphère : cette région est celle de l'Amoc (Atlantic Meridional Overturning Circulation), un mécanisme climatique qui apporte de la chaleur sur l'Europe. © GWK Moore
Quel est l'effet du réchauffement des eaux de surface en Atlantique nord sur l'énorme mécanique climatique qui siège en mer de Norvège ? La question est posée depuis longtemps, parfois sous une forme provocatrice : « le Gulf Stream pourrait-il s’arrêter ? »
C'est qu'en effet les phénomènes qui se déroulent là, au moins en hiver, ont un fort impact sur le climat, européen en particulier. Les eaux chaudes emmenées d'Amérique par le Gulf Stream se refroidissent lorsque, reprises par le courant Nord-Atlantique et celui de Norvège, elles parviennent en hiver au nord de l'Islande. Tant et si bien qu'elles deviennent plus lourdes que l'eau située en profondeur (car elles sont aussi très salées).
Cette stratification inversée provoque un mélange des couches d'eau, véritable plongeon des eaux de surface qui s'échappent ensuite vers le sud, à quelques centaines de mètres de profondeur. C'est l'Amoc (Atlantic Meridional Overturning Circulation). À ce refroidissement des eaux correspond un réchauffement de l'airair qui s'en va baigner l'Europe d'un climat bien plus doux que sur les côtes américaines : Madrid, à la même latitude que New York, ne connaît jamais de tempêtes de neige et la météométéo de Paris n'est pas celle de TerreTerre-Neuve...
Schéma de la circulation océanique globale. En hiver, dans les régions polaires, le refroidissement et la formation de la banquise, laquelle fait grimper la salinité, augmentent la densité de l’eau, qui tend alors à descendre vers le fond. C’est le courant froid profond qui circule tout autour de la planète. En surface, les eaux suivent le mouvement inverse, transportant d’énormes quantités de chaleur. Les petites flèches entre l’Europe et le Groenland, au niveau de la mer de Norvège, montrent l’étalement en surface des eaux chaudes du Gulf Stream, en été. © Planet Observer/INSU
Une convection moins efficace réchaufferait moins bien l'air européen
Jusqu'ici, les études sur les effets d'un réchauffement des eaux de surface dans la région arctique prenaient surtout en compte les variations de salinitésalinité. Une équipe internationale, menée par G. W. K. Moore, de l'université de Toronto Mississauga, au Canada, s'est intéressée aux variations de température et aux échanges entre la mer et l'atmosphèreatmosphère, en épluchant les données du CPEMMT (Centre européen pour les prévisions météorologiquesprévisions météorologiques à moyen terme) de 1958 à 2014.
Leur étude, publiée dans Nature Climate Change, affirme que les échanges thermiques entre l'eau et l'air se sont réduits d'environ 20 % entre 1979 et aujourd'hui. Selon eux, cette baisse est d'abord due au recul de la banquisebanquise en hiver qui a déplacé d'autant la région où se produisent ces échanges. Celle-ci, désormais, se situerait plus au nord et plus près du Groenland, dans une zone moins favorable à la coulée des eaux de surface, ce qui réduirait l'efficacité des transferts de chaleurchaleur par convectionconvection. D'où un moindre réchauffement de l'atmosphère, d'où la prédiction d'un climat plus froid en Europe. Une information qui tombe au moment où la caniculecanicule s'abat sur la France...