Le calamar géant est aussi connu par la littérature fantastique que méconnu par les scientifiques. Son mode de vie et la façon dont il se reproduit restent totalement inconnus. Le séquençage de son génome par une équipe internationale, affiliée à l’université de Copenhague, lève un peu le voile sur cette espèce insaisissable.
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Dans les mythes et légendes, le Kraken est une pieuvre colossale capable de couler un navire à la seule force de ses tentacules. Ce monstre mythique a été inspiré par un céphalopode décapode bien réel qui hante le fond de nos océans, le calamarcalamar géant (Architeuthis dux). Certaines cicatricescicatrices observées sur le corps de cachalots, son principal prédateur, témoignent de sa taille démesurée. Le plus gros spécimen découvert mesurait plus de 13 mètres, des nageoires à la pointe des tentacules. C'est presque la taille de celui imaginé par Jules VernesJules Vernes dans Vingt mille lieux sous les mers. Malgré une dimension hors normes, le calamar géant n'a été que rarement observé vivant et son mode de vie et de reproduction reste bien mystérieux.
Comment comprendre une espèce aussi insaisissable ? En étudiant son génomegénome ! Des chercheurs de l'université de Copenhague ont publié dans GigaScience une première ébauche de la séquence génomiquegénomique du calamar géant. Grâce à celle-ci, l'anatomieanatomie et l'évolution de l'énigmatique calamar géant se précisent.
Un génome presque aussi grand que celui de l’Homme
De prime abord, le génome du calamar géant ne semble pas si intrigant que cela, il partage la plupart de ses gènesgènes avec d'autres animaux. D'une taille considérable, il comporte 2,7 milliards de paires de bases, ce qui représente 90 % de la taille du génome de l'être humain. « En termes de gènes, le calamar géant ressemble aux autres animaux. Cela signifie que nous pouvons étudier des animaux vraiment étranges pour en apprendre plus sur nous-même », explique Carole Albertin du Marine Biology Laboratory et qui a participé au séquençageséquençage génomique du premier céphalopode.
Les gènes Hox sont un ensemble de gènes homéotiquesgènes homéotiques présents chez la quasi-totalité des animaux bilatéraux. Ces gènes déterminent l'identité des différents segments morphologiques le long de l'axe antéro-postérieur. C'est grâce à eux que, par exemple, l'antenne d'une mouche se trouve sur sa tête et non pas à la place d'une patte. L'être humain possède 39 gènes Hox répartis en 13 clusters alors que le calamar géant n'en possède qu'un seul, désorganisé.
Pour les scientifiques, cela signifie que le calamar géant n'a pas acquis sa taille imposante par le biais de duplication de son génome. La duplication génétique est un des mécanismes de base de l'évolution. Quand un gène est présent en deux copies, l'une des deux peut muter et évoluer sans mettre en péril l'organisme puisque la fonction est assurée par la seconde copie. Grâce à cela, les organismes ont pu se complexifier, cette stratégie a d'ailleurs permis aux vertébrés de grandir en taille. « Les céphalopodes ont des caractéristiques complexes et élaborées, nous pensons qu'ils ont évolué indépendamment des vertébrés. En comparant leur génome, on peut se demander si les céphalopodes et les vertébrés sont construits de la même façon ou non », précise Carole Albertin.
Une tête bien faite
Une centaine de gènes codant pour des protocadhérines ont été identifiés chez le calamar géant, une diversité peu fréquente chez les invertébrés. Les protocadhérines sont des structures cellulaires responsables de l'adhésion d'une cellule à une autre qui semblent importantes dans le développement d'un cerveaucerveau complexe. D'autres céphalopodes, comme la pieuvre, en possèdent aussi une grande variété. Cela fait sens puisque les céphalopodes sont considérés comme les plus intelligents des invertébrés !
Pour finir, les scientifiques ont également identifié des gènes codant pour la réflectine, une protéineprotéine impliquée dans l'iridescenceiridescence. « La couleurcouleur est une part importante du camouflage, nous essayons encore de comprendre cette famille génétiquegénétique et comment elle fonctionne », conclut Carole Albertin. Voilà ce qu'on a appris sur le calamar géant lors de cette première analyse de son génome incroyablement long. Cela ne semble pas beaucoup face à tout ce qu'il reste à découvrir, mais le brouillardbrouillard se disperse peu à peu autour de cette espèce de légende.