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Les fleurs colorées de Monotropis odorata sont enchâssées dans des bractées sèches couleur feuille morte. © M. R. Klooster
Matthew Klooster et son équipe, de l'Université d'Harvard, se sont penchés, dans les deux sens du terme, sur cette petite (3 à 6 cm de haut) fleur de la famille des éricacées, tout comme les bruyères.
Les bractées de Monotropsis odorata, des pièces florales de l'inflorescence ayant le plus souvent l'apparence d'une feuille, cachent ses fleurs, ses seules taches de couleurscouleurs puisque cette plante est une mycohétérotrophe : elle se nourrit sans photosynthèse, uniquement grâce à son association avec des champignons. Cette symbiose, organisée au niveau des racines, extrêmement commune, est appelée mycorhize. La plupart du temps, les plantes ont tout de même besoin de la photosynthèse, mais ce n'est pas le cas chez quelques espèces comme les monotropes ou certaines orchidéesorchidées.
La couleur joue un rôle essentiel dans les relations des plantes avec leur environnement. C'est leur principal moyen de subsistance, à travers leurs pigments photosynthétiques, et c'est un moyen de communication avec la faunefaune, pour l'attirer (pollinisation, dissémination des graines) ou pour la repousser en avertissant de sa toxicitétoxicité ou de son goût désagréable.
Il avait été suggéré que la couleur pouvait aussi jouer le rôle de camouflage, pour se dissimuler des herbivoresherbivores, mais aucune preuve expérimentale n'avait appuyé cette idée. Jusqu'à présent.
Vivons heureux, vivons cachés
L'équipe de Matthew Klooster a étudié l'impact des bractées sur les plants de Monotropsis odorata. Les bractées de cette espèce de monotrope se dessèchent et prennent la couleur et l'apparence des feuilles mortes de la litièrelitière où pousse cette plante. Une étude de réflectance, c'est-à-dire de la capacité d'une surface à réfléchir la lumièrelumière incidente, a d'abord montré que les bractées se confondaient parfaitement, dans le spectrespectre visuel, avec la litière de feuilles mortes, tandis que les fleurs s'en détachaient distinctement.
Cliquer pour agrandir. Un plant de Monotropsis odorata avec ses bractées-camouflage, à gauche, et sans, à droite. Les fleurs pourpres se détachent de l’environnement brun clair. © M. R. Klooster
Ensuite, l'étude de la prédation par les herbivores et de la production de fruits entre un lot témoin, qui a conservé ses bractées, et celui dont toutes les bractées avaient été retirées a révélé des différences significatives. Sans les bractées, les plants de Monotropsis odorata ont un taux de prédation par les herbivores supérieur de 20 à 27% et une production de fruits inférieure de 7 à 20% aux moyennes observées dans le lot témoin.
La preuve est donc faite de l'utilisation d'un mécanisme de camouflage par un végétal pour éviter la prédation. Mais si les bractées dissimulent Monotropsis odorata aux animaux, comment cette plante attire-t-elle les pollinisateurs ? Les chercheurs pensent qu'elle les attire par son odeur, qu'elle a forte comme son nom l'indique et comme le suggère les bourdons qui ont fréquenté l'expérience.