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Pour sa cinquième édition, le festival DocumenTerre, organisé par l'association CinéToile à Montignac, en Dordogne, se consacre à la forêt, après le vent, l'eau, le feufeu et la Terre. Le festival démarre vendredi 29 novembre, et se termine dimanche 1er décembre. Futura-Sciences veut vous faire partager cet événement, dont il est partenaire. Après Coline Serreau en 2012, c'est logiquement Francis Hallé qui est parrain de cette nouvelle édition que vous pouvez suivre sur le blogblog de DocumenTerre.
Ce botanistebotaniste hors norme passe sa vie à admirer les plantes, et en particulier les forêts dont il a été un des premiers à étudier la canopée avec un radeau volant. Aujourd'hui, le scientifique s'inquiète de voir les forêts tropicales primaires, c'est-à-dire celles qui n'ont jamais été exploitées par l'Homme, s'effacer peu à peu de la surface du globe. La situation est préoccupante. Selon lui, toutes les forêts primaires devraient avoir disparu d'ici une dizaine d'années. Elles sont pourtant essentielles au bon équilibre de la vie sur Terre, et contiennent la plus grande biodiversité de la planète.
Dans Il était une forêt, le botaniste a voulu partager sa passion avec le public et lui dévoiler la beauté de ce qu'il est en train de perdre. Le documentaire nous raconte la fabuleuse histoire de la naissance d'une forêt tropicale. Assis sur les plus hautes branches des arbresarbres, le botaniste est le seul être humain présent à l'écran. Il dessine les arbres et décrit en voix off la régénération progressive des plantes au cours des siècles. À l'aide de drones spécialement conçus pour l'occasion et de superbes images numériquesnumériques, le talentueux réalisateur Luc Jacquet fait grandir la forêt tropicale à toute allure sur une terre dévastée.
La bande-annonce du documentaire Il était une forêt réalisé par Luc Jacquet, sur une idée originale de Francis Hallé, un chercheur passionné par les forêts tropicales. Entre vues plongeantes sur la canopée et sa faune abondante et superbes images de synthèse, ce film immerge le spectateur au cœur des forêts tropicales comme jamais auparavant. © CinemasGaumontPathe, YouTube
Il était une forêt est un voyage unique au cœur des forêts tropicales. Petit à petit, les arbres poussent, chacun cherchant sa place au soleilsoleil, et les animaux, petits et grands, à poils, à plumes ou à cuticulecuticule, s'installent dans les hauteurs de la canopée. La forêt devient le refuge d'une énorme biodiversité. Chaque organisme, qu'il soit petit ou grand, joue un rôle essentiel dans la reconstruction de la forêt. Ce documentaire original et fascinant offre une plongée hors du commun dans le monde sauvage et magnifique des forêts tropicales.
Futura-Sciences : Pourquoi vous intéressez-vous particulièrement aux forêts tropicales ?
Francis Hallé : Tout simplement parce que l'on y trouve la plus grande biodiversité de la planète. Il est estimé que 75 % des espècesespèces végétales et animales peuplent les forêts tropicales. On les retrouve en grande majorité dans la canopée, l'étage supérieur de la forêt, où se côtoient un nombre astronomique d'animaux, et en particulier d'insectesinsectes, que l'on croise par millions.
Bien sûr, l'accès n'y est pas simple. Depuis 1986, avec une équipe de scientifiques, nous avons réalisé une série d'expéditions du Radeau des cimes, dans lesquelles nous avons voyagé au cœur des canopées du monde entier grâce à un ballon dirigeabledirigeable à airair chaud. Ces missions nous ont permis d'étudier ces écosystèmesécosystèmes comme jamais auparavant. Mais il reste encore beaucoup de choses à découvrir !
Les forêts primaires n’ont jamais été abîmées par l’Homme. Comment peut-on les reconnaître ?
Francis Hallé : C'est très simple. Dans une forêt primaire, il est possible de courir ou de faire du vélo sans problème. Dans les sous-boisbois, tout est très sombre et il n'y a pas beaucoup d'activité, car la canopée ne laisse qu'une infime parcelle de lumièrelumière parvenir jusqu'au sol. C'est dans les hauteurs que la vie foisonne.
D’où est venue l’idée du film Il était une forêt ?
Francis Hallé : Au cours de ma carrière, j'ai progressivement vu disparaître les forêts primaires. C'est de ce constat qu'est née l'idée du film, qui me trotte dans la tête depuis 25 ans environ. Lorsqu'une forêt est ravagée, il lui faut sept siècles pour revenir à son état initial. Le scénario est venu de là : faire naître une forêt primaire sous les yeuxyeux des spectateurs et leur dévoiler la beauté de ce phénomène.
Au cours du documentaire, on peut apercevoir Francis Hallé assis sur les branches en train de dessiner les arbres. © Sarah Del Ben, Wild-Touch, 2013
Comment avez-vous rencontré le réalisateur Luc Jacquet ?
Francis Hallé : Pour que mon projet prenne forme, j'ai contacté de nombreux cinéastes très compétents, mais ils étaient souvent occupés à autre chose ou n'avaient pas les moyens de financer le film. Jacques Perrin, par exemple, m'a dit qu'il aimait beaucoup le scénario, mais à l'époque, il travaillait sur le documentaire Océans. En 2010, par un heureux hasard, j'ai fait la connaissance de Luc Jacquet à Angers et nous avons pu discuter de mon projet.
Afin qu'il se fasse une idée plus précise du sujet, nous sommes allés ensemble au cœur de la forêt tropicale de Guyane, là où se trouve la station de recherche des Nouragues du CNRS. Il a été immédiatement enthousiasmé par l'atmosphèreatmosphère et la beauté qui règnent dans ces écosystèmes, et a accepté de réaliser le film.
Francis Hallé et Luc Jacquet pendant le tournage du film Il était une forêt. © Bonne Pioche Cinéma, Tristan Jeanne-Valès, 2013
Le tournage a-t-il été difficile ?
Francis Hallé : Il a fallu à peu près trois ans de travail pour aboutir à ce film. La première année pour écrire le scénario, la seconde pour le tournage et enfin la troisième pour le montage et la mise au point. Personnellement, je suis très content du résultat.
Nous avons voyagé dans les magnifiques forêts du Gabon et dans le parc national de Manú au Pérou, où l'on trouve la plus grande biodiversité du monde. Il y avait de quoi faire ! Nous avions à notre disposition des hélicoptèreshélicoptères et des drones, ce qui nous a permis de filmer la canopée d'en haut et d'obtenir de magnifiques images de la faunefaune et de la flore des forêts tropicales.
Le parc national de Manú, situé dans le sud-est du Pérou, héberge une biodiversité extraordinaire. On y trouve entre autres des tapirs, des jaguars, de très nombreuses espèces d’oiseaux et surtout des millions d’insectes. C’est aussi un des rares endroits de la planète qui contient encore des forêts primaires. Francis Hallé, Luc Jacquet et son équipe ont filmé certaines séquences d’Il était une forêt au sein de ce parc magnifique. © funkz, Flickr, cc by 2.0
Avez-vous filmé des forêts primaires ?
Francis Hallé : Malheureusement non... Il y a 20 ans, cela aurait été tout à fait possible, mais ces forêts sont aujourd'hui très peu nombreuses et très difficiles d'accès. Un petit groupe pas trop chargé, déterminé, qui remonte une rivière et s'enfonce dans les profondeurs pendant plusieurs jours peut éventuellement pénétrer dans une forêt primaire. En revanche, avec une équipe de tournage de 60 personnes, l'entreprise n'était techniquement pas réalisable.
Qu'avez-vous voulu montrer avec ce film ?
Francis Hallé : Dans Il était une forêt, Luc Jacquet et moi-même avons choisi de ne pas parler de la déforestation. Nous pensons que ce problème a déjà été abondamment discuté dans d'autres films, et nous voulions plutôt faire passer un message optimiste en mettant l'accent sur la renaissance des forêts. J'aimerais que les spectateurs se rendent compte de la beauté des forêts tropicales et qu'ils oublient le mythe de l'enfer vert. La forêt tropicale n'est pas une jungle inhospitalière et dangereuse. C'est un endroit superbe qu'il faut à tout prix protéger. Avec ce documentaire, nous souhaiterions que le public ait une idée de la splendeur qui est en train de disparaître.