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Hypérion n'est pas le nom d'un superhéros, mais celui du plus grand arbre de la planète. Ce séquoia sempervirent du parc national de Redwood (États-Unis) mesure en effet 115,55 m de haut. Les angiospermes ou plantes à fleurs n'ont pas à rougir face au record détenu par cette gymnosperme (le séquoia produit des graines nues). L'Eucalyptus regnans par exemple peut atteindre une grande taille... mais il plafonne néanmoins à environ 100 m de haut. Pourquoi donc ?
Kaare Jensen de l'université d'Harvard et Maciej Zwieniecki de l'université de Californie pourraient avoir trouvé une réponse possible... en cherchant à comprendre les contraintes limitant la longueur des feuilles. D'une espèce à l'autre, leur taille peut en effet fortement varier. L'orme de Chine (Ulmus parvifolia) possède ainsi des structures foliaires de 3 cm de long tandis que celles du faux philodendron (Monstera deliciosa) peuvent atteindre 1 m. Attention toutefois, de tels extrêmes n'existent pas chez les arbres de plus de 30 m. En effet, leurs feuilles mesurent majoritairement entre 10 et 20 cm de long, selon les auteurs. Leur article est paru dans les Physical Review Letters.
Cette observation repose sur l'analyse de données caractérisant 1.925 essences végétales. Sa compréhension permettra de saisir pourquoi les angiospermes ne dépassent pas 100 m de hauteur.
Ces feuilles d'angiospermes présentent des longueurs très variées que l'on peut majoritairement observer chez des arbres de moins de 30 m de haut. Au-delà de cette limite, les structures foliaires mesurent généralement entre 10 et 20 cm. Les tissus conducteurs de sève s'observent au sein des nervures. © Kaare Jensen (Harvard University), Maciej Zwieniecki (UC Davis)
Un arbre schématisé par deux tubes
Quelques notions d'anatomie végétale sont requises pour bien comprendre cette étude. Les feuilles sont le siège de la photosynthèse. C'est donc à ce niveau que sont produits les sucressucres qui vont alimenter en énergieénergie les cellules de l'ensemble de l'arbre (systèmes aérien et racinaire). Les glucides sont transportés par un réseau de tubes criblés constituant en partie le tissu phloèmien. Les mouvementsmouvements de la sève élaborée peuvent être bidirectionnels et sont régis par une pression osmotiquepression osmotique au sein des microconduits.
Ce système a été très simplement modélisé par les chercheurs, un arbre étant résumé à un ensemble de deux tubes. Le premier, court et perméable, correspond au phloèmephloème présent dans une feuille. Le second, long et imperméable, caractérise un microtube parcourant le tronc de l'arbre entre une structure foliaire et les racines.
Un système vasculaire végétal à flux limité
Par déduction, plus une feuille est longue et plus elle est apte à fournir de la sève à l'organisme, ce qui en soi est positif. Le système vasculaire sature cependant au-delà d'un certain seuil. Il est donc inutile d'avoir des structures foliaires trop longues, car cela n'augmente pas l'efficacité du transport des glucidesglucides à partir d'un certain point.
Un autre problème se pose dans le tronc. Plus un tube est long, donc plus un arbre est haut, et plus le liquideliquide doit lutter contre des forces de frictionfriction durant son déplacement. Si le flux de sève n'est pas suffisamment important, c'est-à-dire si la feuille est trop courte, il risque d'être ralenti à l'extrême en chemin, ce qui causerait la mort du végétal.
Taille des feuilles et hauteur, une histoire de compromis
Pour survivre, un arbre de plus de 30 m de haut aurait donc besoin, d'après les calculs, de feuilles mesurant au minimum 10 cm de long pour assurer le bon transport de la sève. Cependant, des structures foliaires de plus de 20 cm ne lui apporterait rien de plus, sinon des frais d'entretien énergétique en plus. Voilà pourquoi, selon ces chercheurs, tous les grands arbres angiospermes ont des feuilles de taille semblable.
Problème : ces paramètres ne sont pas fixes. Plus l'arbre s'élève et plus l'intervalle de taille que peut afficher une structure foliaire pour assurer la survie de son hôte va diminuer. Il sera réduit à néant lorsque le tronc de l'arbre atteindra environ 100 m de haut, donc lorsque les forces de friction sont trop importantes quoi qu'il puisse arriver au niveau des feuilles. La longueur de ces structures et la hauteur maximale des angiospermes dépendraient ainsi du système vasculaire du végétal.
Ne l'oublions pas, cette hypothèse n'est que mathématique et donc théorique. Plusieurs scientifiques l'ont déjà critiquée, notamment car le modèle serait trop simple. Les auteurs de l'étude cherchent maintenant comment valider leurs travaux sur le terrain.