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« Au fil des années, nous observons que les glaces les plus âgées ont tendance à disparaître de la banquise arctique. » C'est ce que nous apprend aujourd'hui Walt Meier, un spécialiste de la question au Nasa Goddard Space Flight Center de Greenbelt (États-Unis). Pourquoi cette observation revêt-elle autant d'importance ? Parce que les glaces les plus âgées se trouvent aussi être les plus épaisses et, par conséquent, les plus solidessolides.
En effet, chaque hiver, de la glace se forme sur la banquise arctique. L'épaisseur de cette couche est comprise entre environ un et deux mètres. Chaque été, une partie de cette glace fond et la partie qui survit à l'été gagne en épaisseur l'hiver suivant. Elle peut ainsi atteindre entre trois et quatre mètres. De quoi la rendre plus résistante et moins soumise aux caprices de la météo.
Dans les années 1980, 20 % de la glace qui constituait la banquise arctique avait plus d’un an, contre seulement 3 % aujourd'hui. Sur ces photos, plus la glace est ancienne, plus elle apparaît blanche. © Nasa's Goddard Space flight Center/Jefferson Beck
La glace ancienne de la banquise fond
Si Walt Meier est aussi catégorique, c'est qu'il s'appuie sur des mesures réalisées notamment par des satellites micro-onde passifs. Ceux-ci permettent d'enregistrer les émissionsémissions thermiques de la banquise et de suivre, à la trace, les blocs de glace qui la constituent. Car la glace de la banquise ne demeure pas immobile. Elle vogue au gré des vents.
Ainsi, la banquise a toujours perdu une partie de sa glace ancienne lorsque celle-ci s'échappait de l'océan Arctique. Toutefois, aujourd'hui, la glace ancienne ne s'échappe plus. Elle fond littéralement sur place, fragilisant l'ensemble de la banquise et la laissant encore un peu plus à la merci du réchauffement climatique.
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Les six premiers mois de 2016 sont les plus chauds depuis 1880
Article initial de Laurent SaccoLaurent Sacco, paru le 20/07/2016
Les dernières mesures concernant l'élévation de la température moyenne de la Terre ainsi que celles concernant la fontefonte saisonnière de la banquise arctique montrent que des records ont à nouveau été battus. Il devient de plus en plus urgent d'agir pour respecter les accords de la COP 21COP 21.
Les chercheurs du Goddard Space Flight CenterGoddard Space Flight Center de la NasaNasa viennent à nouveau de faire état de signes inquiétants en ce qui concerne le réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Sans surprises, la température moyenne de la Planète continue de s'élever.
Les six premiers mois de 2016 sont ainsi les plus chauds observés depuis 1880. Il n'y a donc pas de doute que, malgré l'élévation des températures causée par El Niño dans l'océan Pacifique (qui avait déjà conduit à un record de température en 1998), c'est bien majoritairement l'injection de gaz carboniquegaz carbonique dans l'atmosphèreatmosphère par l'humanité qui est responsable du réchauffement observé. C'est d'autant plus vrai que l'estimation de la température globale de la Terre ces derniers mois est nettement plus élevée que celle de 1998.
Que ce soit par des mesures au sol, en avion ou depuis l'espace, la Nasa surveille le réchauffement climatique avec la température moyenne globale qui augmente et la banquise arctique qui tend à couvrir de moins en moins de surface chaque année. © Nasa Goddard
Observer la banquise grâce des satellites et des avions
Malheureusement, ces augmentations de température sont les plus importantes et les plus rapides en Arctique. La Nasa surveille le phénomène, non seulement avec des satellites mais aussi avec des avions. Ce mois-ci, une nouvelle campagne d'observations aériennes à long terme, baptisée opération IceBridge, a d'ailleurs été lancée (la première date de 2009).
Elle consiste à étudier comme jamais auparavant l'étendue et les caractéristiques des petites mares peu profondes d'eau fondue qui se forment à la surface de la banquise lors de la fonte saisonnière. Elles sont plus sombres que la glace et absorbent donc plus de chaleurchaleur, ce qui conduit à une accélération de cette fonte. On a de bonnes raisons de penser que la connaissance de ces mares permet de prédire de façon fiable l'étendue minimale de la banquise arctique survenant en septembre.
Elle fait un peu penser à la fameuse courbe des variations de la température moyenne de la Terre, dite en forme de « crosse de hockey » qui s'étend sur le dernier millénaire. Mais il s'agit ici d'une courbe instrumentale portant sur les mêmes variations de températures depuis environ un siècle. L'année 2016 semble déjà clairement celle où le plafond de 1 °C supplémentaire depuis un siècle a été franchi. © Nasa, Goddard Institute for Space Studies
Banquise arctique : sa surface minimale diminue de 13 % par décennie
La deuxième mauvaise nouvelle est justement que les estimations mensuelles de la surface de la banquise ont fourni des chiffres qui sont les plus bas pour chacun des mois de 2016 depuis les premières mesures satellitaires débutées en 1979. Plus précisément, 5 des 6 derniers mois sont des records et le dernier restant se classe tout de même second. La banquise est réduite à son minimum en septembre et il faut savoir qu'en été, ce minimum est déjà, en général, de 40 % inférieur depuis quelques années par rapport à la surface observée au début des années 1980, diminuant d'environ 13 % par décennie.
On ne peut s'empêcher de penser à ce qui pourrait arriver si par malheur les réserves de méthane sous forme de clathrates venaient à être déstabilisées en Arctique. En effet, le méthane est un gaz à effet de serre bien plus redoutable que le gaz carbonique.
Le climatologueclimatologue Yves Fouquart, bien connu des lecteurs de Futura, tempère tout de même les déclarations de la Nasa : « L'évolution de la banquise dépend beaucoup des conditions météorologiques. Si le vortex polairevortex polaire arctique est éclaté, il peut y avoir de fortes anomaliesanomalies de température qui fragilisent très rapidement la banquise mais, si le vortex se reconstitue, la fonte va se ralentir considérablement. Il y a donc une variabilité très forte et celle-ci est elle-même dépendante du réchauffement parce que le vortex y est apparemment très sensible. Mieux vaut donc attendre le minimum de septembre avant de se prononcer définitivement, et il faut évidemment regarder la tendance et pas une année particulière. Sur les températures globales, on pourrait aussi remarquer que la dégringolade des anomalies mensuelles est bien plus importante qu'en 1998. Il reste toujours très probable que 2016 battra à nouveau le record mais peut-être pas de beaucoup ».