L'Arctique va connaître des étés sans glace de mer bien plus tôt que ce qu'on croyait jusqu'à maintenant : probablement d'ici 10 ans, c'est-à-dire dès 2035 !
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L'Arctique blanc, recouvert de glace, va probablement se transformer en Arctique bleu, recouvert d'eau, d'ici une dizaine d'années seulement selon une nouvelle étude publiée dans Nature Reviews Earth & Environment. Des mois de septembre sans glace de mer (c'est-à-dire avec moins d'un million de km2 de glace) pourraient se produire dès 2035 en Arctique, et au plus tard d'ici 2067, si l'on s'en tient à la trajectoire de réchauffement actuelle. Les premières journées sans glace l'été pourraient même avoir lieu de manière imminente, dans les prochaines années. Ces projections inquiétantes estiment donc que des étés sans glace de mer se produiront 10 à 15 ans plus tôt que ce que disaient les précédentes études. Jusqu'à maintenant, les chercheurs s'accordaient sur la possibilité d'étés sans glace dès 2050, mais cette échéance ne cesse d'être avancée. Mais en plus des étés, les auteurs de cette nouvelle étude pensent que des automnes et hivers sans glace seront aussi possibles dès la fin du siècle.
Sur le premier disque (a), les glaces de mer en Arctique l'été dans les années 1980. Sur le second (b), les glaces de mer l'été entre 2015 et 2023. Sur le troisième (c), la disparition possible des glaces de mer l'été entre 2035 et 2067. La courbe en dessous montre l'évolution au cours des 12 mois de l'année : la courbe rouge désigne la période 1980-1999, la courbe bleue les projections entre 2035 et 2067. © Nature Reviews Earth & Environment
La glace de mer peut se reconstituer en seulement 10 ans
Derrière cette découverte alarmiste, un espoir possible : les auteurs de l'étude précisent que les glaces de mer peuvent se reconstituer très rapidement, en une décennie, si les émissions de CO2 baissent radicalement. Ce n'est par contre pas le cas de la calotte glaciairecalotte glaciaire du Groenland, qui de son côté, a besoin de plusieurs milliers d'années pour se reconstruire. En attendant, les conséquences sur la biodiversité et la météométéo seront catastrophiques. La fontefonte des glaces de mer réduit entre autres la hauteur des vagues sur les côtes. Si elle fond totalement, les vagues seront plus fortes sur les côtes et l'érosion encore plus rapide.
La glace d'été est condamnée à disparaître de l'Arctique
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, écrit le 7 juin 2023
Des années que les scientifiques nous prévenaient. La sentence vient de tomber. Il est désormais trop tard pour sauver la banquisebanquise d'été de l'Arctique.
Pour la banquise d'été de l'Arctique, le glas a sonné. C'est la triste conclusion à laquelle une équipe internationale de chercheurs vient tout juste d'arriver. Sous l'effet du réchauffement climatiqueréchauffement climatique, l'océan Arctique pourrait se retrouver libre de glace pendant une partie de l'été dès les années 2030. C'est non seulement plus tôt que ce que les études antérieures avaient envisagé. Mais aussi plus inéluctable. Car les chercheurs s'attendent désormais à ce que la fonte se produise même dans un scénario de faibles émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre.
Notez qu'il est particulièrement difficile de prévoir quand l'océan Arctique se retrouvera libre de glace pour la première fois en été - les scientifiques parlent parfois de l'« événement d'océan bleu ». Parce que la glace de mer subit les influences à la fois de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique, de la circulation océanique et des flux de chaleurchaleur qui circulent entre les deux. Résultat, dans les années 2000, une évaluation des premiers modèles climatiques avait montré, s'appuyant notamment sur des données satellitaires, qu'ils sous-estimaient la fonte de la banquise. Les modèles annonçaient une perte de 2,5 % par décennie alors que les images montraient une perte de presque 8 %.
Le saviez-vous ?
Des scientifiques avaient tenté d’estimer la date à partir de laquelle nous risquions de voir un été sans glace de mer en Arctique en extrapolant les images des satellites. Ils avaient conclu… au milieu des années 2010. Faussement conclu, nous le savons désormais. Malheureusement, cette erreur sert parfois aujourd’hui aux climatosceptiques désireux de décrédibiliser les projections.
Le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climatclimat (GiecGiec) paru en 2021, lui, n'entrevoyait toujours pas un océan Arctique libre de glace avant le milieu de notre siècle. Pourtant dans leur récente étude, les chercheurs évoquent bel et bien les années 2030. Avec des épisodes sans glace de deux mois dans les scénarios de fortes émissions de gaz à effet de serre. Et tout de même des fins d'été difficiles pour la banquise arctique dans les scénarios de faibles émissions. Alors comment en sont-ils arrivés là ?
Des projections qui s’affinent
Ils ont adopté une approche nouvelle. Leur idée : calibrer les modèles climatiquesmodèles climatiques sur 40 années de données satellitaires. Pour produire des sortes de projections « contraintes par les observations » et réduire certainement l'effet de biais dans les modèles. Mais les chercheurs notent qu'il demeure beaucoup d'incertitudes sur la date à laquelle l'océan Arctique se retrouvera vraiment sans glace pendant les mois d'été. En raison des fluctuations chaotiques naturelles de notre système climatique.
Quoi qu'il en soit, les calculs mènent désormais à une probabilité plus grande d'un « événement d'océan bleu » environ une décennie plus tôt que les chiffres avancés précédemment. Ceux qui ne pensent qu'au commerce et aux économies de trajets que des bateaux en provenance d'Asie pourront réaliser en passant par l'Arctique peuvent se réjouir. Les autres ont des raisons de s'inquiéter. Car la banquise arctique est une composante majeure de notre système climatique. Parce qu'elle empêche que l'océan absorbe trop de chaleur venue du soleilsoleil, par exemple. Sa disparition ne fera qu'accélérer encore un peu plus le changement climatique.
Mais alors, puisque cela se produira même si nous réduisons nos émissions de gaz à effet, tout est perdu ? Pas réellement. « Nous avons toujours deux choix », notait ce matin notre experte glaciologue Heïdi SevestreHeïdi Sevestre sur TwitterTwitter. « Rester sur la trajectoire actuelle en attendant que d'autres piliers de notre climat tombent. Ou essayer de sauver l'humanité. » Et il semble plus que jamais que le choix doit se faire... maintenant !