Sais-tu quel animal au plumage étincelant est l’emblème d’un pays et a donné son nom à une monnaie ? Aujourd’hui, on va parler du quetzal resplendissant dans Bêtes de Science.


au sommaire


    Notre héros du jour est plutôt du genre mystérieux... et discret. On sait très peu de choses sur lui et ses habitudes de vie, car il n'est pas si simple à observer et habite dans des zones montagneuses encore difficiles d'accès pour les humains. Comme je sais que tu n'as pas froid aux yeux, je te propose quand même de tenter notre chance et d'essayer de l'observer. Prépare-toi, on part sur-le-champ pour les forêts d'altitude du Guatemala, en Amérique centrale !

    Découvrez le podcast Bêtes de Science à l'origine de cette retranscription. Cliquez sur le bouton Play et laissez-vous porter ou cliquez ici pour vous abonner sur votre application de prédilection. © Futura

    Un refuge dans les brumes d'altitude

    Direction la réserve privée naturelle de Los Andes, un petit coin de paradis qui a été transformé en sanctuaire en 2001, afin de servir de refuge à la faune et à la flore locales. La réserve est constituée principalement de forêt tropicale. On y trouve une très grande variété d'orchidéesorchidées, des plantes splendides qui aiment l'humidité et une multitude d'oiseaux. Et la montagne impressionnante que tu vois au loin, entourée de brume, c'est en réalité le volcan endormi Atitlan. Mais rassure-toi, il n'est pas entré en éruption depuis 1853. On devrait être tranquilles...

    Pour avoir une chance de rencontrer notre animal légendaire, il faut prendre son courage à deux mains, et grimper. Il aime les hauteurs ! Ici, les gardes m'ont assuré que l'on avait nos chances de le croiser autour de 1 500  à 1 700 mètres d'altitude. Tends l'oreille, on l'entendra peut-être avant de le voir. Et surveille les troncs morts, ils lui servent d'abri quand il couve ses œufs. Montons sur cet observatoire spécialement aménagé, on aura peut-être de la chance ! Tiens, prends les jumelles. Malgré ses couleurscouleurs vives, il se confond étonnamment bien dans les feuillages... Regarde en hauteur, il adore se balader près de la canopée, le point le plus haut des arbres. Et bien souvent, il est immobile comme une statue, ce qui complique un peu la tâche !

    L'éblouissant quetzal resplendissant

    Oh, tu as entendu ? C'est lui ! Alors, d'où cela pouvait-il bien venir ? Là-haut, sur la droite ! Tu vois les deux taches blanches, sur la branche qui part sur la droite ? Ce sont les plumes courtes de sa queue, visibles quand il se tient de face. Juste au-dessus, on découvre son ventre d'un rouge rubis, surmonté d'une collerette et d'une tête ébouriffée d'un vert électrique. Le voilà notre quetzal resplendissant ! N'est-il pas tout bonnement étincelant ? Et tu vois les très longues plumes de queue vertes qui pendent dans le vide ? On ne les observe que chez les mâles, et elles peuvent mesurer près d'un mètre de long, soit plus de deux fois la longueur de son corps ! Ces superbes ornements ne sont pas toujours très pratiques, surtout pour voler, et ne lui facilitent pas vraiment l'existence, même s'ils lui donnent assurément une allure majestueuse, qui plaît aux femelles ! Mais ne crois pas qu'il soit toujours sur son 31 : après la période de reproduction, il perd ses longues plumes de queue. Il faut dire que les pauvres sont bien malmenées et tordues en tous sens quand l'oiseauoiseau rentre dans le nid pour s'occuper de ses petits.

    On distingue aussi ses petits yeux noirs brillants, et son becbec jaune et court, partiellement dissimulé sous sa crête de plumes, qui recouvre sa tête, du bec à la nuque. Mais, attends. Regarde, un peu plus sur la gauche, sur la même branche. Il y a aussi une femelle ! Elle est plus discrète, mais elle est bien là. Elle ne possède pas les longues plumes de queue vertes du mâle, et son ventre est d'un marron foncé qui tire sur le gris plutôt que d'un rouge vif. On retrouve du rouge uniquement sous sa queue, mais on voit bien ses plumes vertes, qui la camouflent presque totalement dans les feuilles de l'arbre. Son bec est également plus sombre, presque noir et difficile à distinguer des plumes de sa tête. Et tu vois comme ils sont immobiles ? C'est comme ça, en se fondant dans le paysage, qu'ils passent la plupart de leur temps. Et c'est aussi pour ça que l'on sait si peu de choses sur eux, tant ils sont discrets !

    Le jardinier de la forêt

    Le quetzal resplendissant, dont on compte aujourd'hui deux sous-espècessous-espèces, a pour nom latin Pharomachrus mocinno. Pharomachrus signifie « long manteaumanteau » en grec, et mocinno est un hommage au premier naturaliste qui l'aurait découvert, José Mariano Mociño. La première description précise du quetzal, réalisée par le scientifique mexicain Pablo de la Llave ne date que de 1832, c'est dire comme il est longtemps resté méconnu ! On connaît pour l'heure cinq espèces de quetzals, qui vivent toutes dans les forêts d'Amérique centrale et du Sud, mais le quetzal resplendissant est le plus impressionnant de tous et le seul à exhiber ces gigantesques plumes de queue. Il appartient à la famille des trogonidés qui comporte aussi les trogons, des oiseaux que l'on retrouve aussi bien en Amérique qu'en Afrique et en Asie.

    Comme ses cousins trogons, notre quetzal a une alimentation spécialisée, adaptée à la forêt tropicale humide dans laquelle il vit. Il se régale essentiellement de fruits et déguste des baies issues de dizaines d'espèces de plantes différentes. Mais ce dont il raffole tout particulièrement... ce sont des avocatsavocats. Il choisit des fruits de petite taille, et les gobe tout rond ! Gloups. Il joue alors un rôle essentiel, puisqu'en faisant ses crottes, il disperse les graines des fruits qu'il a mangés et participe ainsi à leur développement ! Un vrai petit jardinier. Il fait aussi quelques écarts et ne rechigne pas à l'idée de manger des insectesinsectes ou des petits lézards.

    Nos deux quetzals forment probablement un couple. Même s'ils vivent en solitaire le reste de l'année, ils se serrent les coudes et restent ensemble pour élever leurs bébés ! Ils creusent un trou dans une souche ou un arbre mort, toujours en décomposition et idéalement assez haut, autour de 8 à 10 mètres de hauteur. La femelle pond généralement deux à trois œufs d'un beau bleu, couleur de ciel et les parents se relaient pour couver à tour de rôle. Ils défendent aussi farouchement le nid et son précieux butin, car des prédateurs en feraient bien leur repas !

    Le quetzal creuse un trou dans un arbre mort et y élève ses petits. © Nino, Adobe Stock
    Le quetzal creuse un trou dans un arbre mort et y élève ses petits. © Nino, Adobe Stock

    Une beauté à protéger

    Le hic, c'est que le nombre de quetzals adulte reste, de ce que l'on sait, plutôt faible car leur reproduction n'est pas sans risques, loin de là ! Il n'est pas rare que les œufs soient cassés ou que les oisillons meurent, si le nid vient à s'effondrer ou à se remplir d'eau, à cause des pluies. Rappelle-toi, ils choisissent obligatoirement des troncs pourris, qui se dégradent, pour s'installer... Et ils ont absolument besoin de ce type d'environnement pour construire leur nid. Si l'on détruit ces zones de forêts bien précises, les quetzals ne feront pas de bébés. 

    Aujourd'hui, tous les quetzals sont protégés et ne semblent pas trop en danger, mais le quetzal resplendissant, lui, est classé comme « presque menacé » par l'UICNUICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature. On ne sait pas exactement combien il reste d'individus dans leur milieu naturel, ce qui est un souci. L'association Birdlife international estime qu'il reste moins de 50 000 oiseaux dans le monde et que leur population diminue. Car ce qui est sûr, c'est que la destruction de leur habitat, complètement avérée, elle, est la plus grande menace qui pèse sur eux. En abîmant les forêts où ils vivent, on les empêche de trouver de quoi se nourrir ou fabriquer un nid, et, on réduit les possibilités que les partenaires ont de se retrouver ! Imagine si tu vivais dans un petit îlot de verdure, cerné par des routes à grande vitessevitesse. Tu resterais probablement tout seul ici, même si des copains vivent de l'autre côté de la route... Et bien sûr, il y a la menace du trafic et du braconnage, car le superbe plumage du quetzal suscite toujours l'admiration et l'envie.

    Il reste encore beaucoup de travail pour mieux estimer les populations de quetzals... Ils sont peut-être plus en danger qu'on ne le pense. À nous, d'ouvrir l'œilœil, et de préserver ces brumeuses forêts d'altitude qui leur sont essentielles !

    Un oiseau précieux et révéré 

    Si l'on sait peu de choses sur son comportement, il est évident que le quetzal resplendissant a inspiré et ébloui les humains par sa beauté pendant des siècles ! Des traces archéologiques prouvent que deux civilisations anciennes qui, vivaient en Amérique centrale avant l'arrivée des colons européens, les Mayas et les Aztèques, vénéraient notre bel oiseau. D'ailleurs son nom proviendrait du mot  quetzali, qui signifie « plume précieuse » dans la langue nahuatl. Chez les Mayas, on le nomme K'uk, un mot qui sera adopté pour désigner certains rois. Pas de doute, notre oiseau a la classe ! Il est symbole de pouvoir et de royauté.

    D'ailleurs, certains coiffes et diadèmes des nobles, très haut placés dans la société de l'époque, étaient vraisemblablement ornés de ses grandes plumes. Mais comme il était interdit de les tuer, les oiseaux étaient très probablement pistés puis attrapés à la sortie de leur nid, avant d'être relâchés, après qu'on les eut débarrassés de leurs précieux ornements. Leurs longues plumes de queue se détachent très facilement, donc ce procédé n'aurait pas été douloureux pour l'oiseau. Les plumes du quetzal avaient une signification symbolique et religieuse, puisqu'elles évoquaient Quetzalcoatl, le fameux « serpent à plumes », une divinité centrale de ces cultures, souvent associée au ventvent, au soleilsoleil mais aussi à l'apprentissage et à la connaissance. Quand le mâle quetzal s'élance dans les airsairs, ses longues plumes ondulent dans l'air à la manière d'un reptilereptile ! Pas étonnant qu'il ait inspiré le serpent à plumes ! 

    D'anciens documents écrits révèlent que les plumes de l'oiseau étaient également utilisées au sein de l'empire Aztèque comme des monnaies d'échange. Des preuves datant du XVIe siècle démontrent que le commerce qui avait lieu au Guatemala à l'époque, avait fait circuler plus de 10 000 plumes par an, au cours de ces trocs ! Il valait donc mieux bien gérer ses finances pour ne pas se faire... plumer ! 

    Mais ce n'est pas tout. Des études acoustiques menées dans un temple mexicain, la pyramide de Kukulkan, sur le site de Chichen Itza, dans le Yucatán, suggèrent que notre oiseau vert pouvait aussi donner de la voix lors de célébrations religieuses. C'est en tout cas l'hypothèse défendue par David Lubman, un scientifique américain qui se passionne pour les sons sur les sites archéologiques. Lorsque l'on tape des mains, au pied de cette pyramide, le son qui revient en écho le long des escaliersescaliers, ressemble au cri du quetzal.

    Tiens, écoute ! C'est dingue non ? On penserait entendre les gazouillements de l'oiseau. On n'a bien sûr aucun moyen de poser la question aux Mayas qui ont construit cette pyramide, mais le scientifique fait l'hypothèse que lors de cérémonies, les prêtres claquaient des mains, et les gazouillis entendus en écho seraient perçus par les gens comme une réponse des dieux ! 

    Un symbole de liberté puissant

    Tout ceci étant dit, la fascination pour le quetzal n'appartient pas seulement aux légendes oubliées du passé. Aujourd'hui encore, il est le symbole du Guatemala, et orne même son drapeau. Entouré de deux bandes bleu clair, le quetzal trône au centre, posé sur un parchemin sur lequel est inscrite la date du 15 septembre 1821, moment où le pays est devenu indépendant. Il devient ainsi un symbole de liberté et de résistancerésistance face à l'envahisseur. En 1960, le gouvernement du Guatemala proclame Tecún Umán, un guerrier et chef maya, comme héros national. On raconte qu'au début du XVIe siècle, quand le conquistador Pedro de Alvarado est venu réclamer ces terresterres au nom de l'Espagne, notre héros se serait changé en quetzal avant d'être tué par l'envahisseur. Même la monnaie utilisée depuis 1925 porteporte le nom de notre célèbre emplumé. Et on le retrouve en chanson, au cœur de l'hymne national ! 

    « Appuyé sur les Andes superbes,
    au bruit sonore de deux mers,
    tu t'endors sous l'aile or et écarlate
    du beau quetzal »

    De quoi gonfler les cœurs, et garder l'espoir quant à l'avenir du quetzal resplendissant, oiseaux aussi mystérieux que légendaire !