Pour la première fois, des ours polaires ont été vus en train de se repaître de carcasses de dauphins dans l'Arctique, près du pôle Nord. Une possible conséquence du changement climatique rapprochant des espèces qui n'avaient jusqu'alors que peu d'interactions.

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    Peut-être plus opportunistes que d'autres, certains ours polaires (Ursus maritimusUrsus maritimus) recourent à des techniques de chasse habituellement réservées à des phoques annelésphoques annelés ou barbus, sur des dauphins à neznez blanc (Lagenorhynchus albirostris), rapporte une étude parue dans le journal Polar Research. La première observation est faite en avril 2014 dans les eaux du Svalbard, un archipel de la Norvège, entre l'océan Arctique et l'Atlantique. Là, un ours polaire, un mâle aux côtes saillantes d'une vingtaine d'années, se repaie d'un dauphin à nez blanc, une proie jusqu'à présent inconnue au régime alimentaire de l'animal. Certainement repu, le mammifère poilu recouvre de neige un second cétacé probablement en vue de le conserver pour un repas ultérieur et de le protéger d'autres ours, de renards ou de mouettes. Cet autre comportement de dissimulation est également rarement observé chez cette espèce d'ours.

    Les deux victimes se seraient faites « pêcher » alors qu'elles s'approvisionnaient en airair par un trou maintenu ouvert dans une banquise ne mesurant à cet endroit que 20 cm d'épaisseur. « Nous pensons que l'ours les a tués [à l'aide] d'une technique similaire à celle de la capture des phoques », explique Jon Aars, chercheur à l'Institut polaire norvégien et auteur principal de l'étude. Et pour ne pas passer à côté d'une seconde belle occasion, « il a pris le second dauphin parce qu'il le pouvait et a ainsi obtenu de la nourriture supplémentaire pour plus tard », ajoute le scientifique.

    Un ours polaire sur le cadavre d'un dauphin à nez blanc, dont seule une partie de la couche de graisse externe a été retirée. Le prédateur l'a recouvert de neige au niveau de la queue en vue de le conserver pour un repas ultérieur. © 2015 J. Aars <em>et al.</em>, <em>Polar Research</em>

    Un ours polaire sur le cadavre d'un dauphin à nez blanc, dont seule une partie de la couche de graisse externe a été retirée. Le prédateur l'a recouvert de neige au niveau de la queue en vue de le conserver pour un repas ultérieur. © 2015 J. Aars et al., Polar Research

    Les eaux arctiques plus chaudes attirent les dauphins à nez blanc

    Une demi-douzaine d'observations semblables sur d'autres ours polaires ont depuis été relevées dans la même zone, à la surprise des chercheurs qui n'avaient pas coutume de croiser le cétacé dans cette région si tôt avant l'été. En effet, le dauphin à nez blanc est jusqu'à présent plus fréquemment rencontré dans des eaux subarctiques que plus au nord, dans une mer de glace. Une hypothèse de sa présence serait que la température des eaux du Svalbard, exceptionnellement élevée cette année-là, ait attiré un groupe de ces dauphins.

    À cause de ventsvents forts, les cétacés auraient été ensuite contraints de remonter au nord, dans les glaces, au lieu de se diriger plus au sud, vers le large. Piégés par la banquise, ils auraient pu survivre en respirant par une ouverture, jusqu'à ce qu'ils soient capturés.

    Jusqu'à présent, l'ours polaire était connu pour consommer sept espèces de cétacés, dont le narvalnarval. Le changement climatique réchauffant les eaux, ces comportements opportunistes atypiques pourraient devenir de plus en plus fréquents, à mesure que davantage de dauphins à nez blanc se rapprocheront de leur prédateur.