Sais-tu quel animal, cétacé parmi les plus grands du monde, est capable de papoter avec les humains ? Aujourd’hui on va parler de la baleine à bosse, dans Bêtes de Science.
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Tout autour de nous, un bleu profond s'étend à perte de vue. L'eau nous enveloppe. On flotte, comme en apesanteurapesanteur. La surface tachetée de SoleilSoleil est à quelques mètres au-dessus de nos têtes. Nous nageons au large des côtes d'Hawaï. Ici, il y a plusieurs millions d'années, des volcans ont donné naissance à une constellationconstellation d'îles. Depuis, un paradis terrestre et marin, aux paysages renversants, se dresse au cœur de l'océan Pacifique. C'est dans ces eaux tropicales que nous allons rencontrer un animal parmi les plus imposants et les plus intelligents de notre planète. Écoute ! Son chant mélodieux vibre jusqu'à nous.
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La baleine à bosse migre à chaque changement de saison
On aperçoit des ombres. Et puis les contours de leur silhouette se précisent. Elles approchent... elles sont là ! Ce sont des baleines à bosse ! Elles n'ont pas volé leur réputation de géantes des mers ! Ces baleines mesurent en moyenne 15 mètres et pèsent 30 tonnes (soit 30 000 kilos !). C'est plus que plusieurs éléphants adultes réunis ! Malgré leur corps massif, elles nagent avec grâce et facilité, tranquilles, on dirait qu'elles dansent. À côté, nous, humains, sommes si petits, presque minuscules. C'est à en avoir le vertige !
L'hiver est arrivé dans l'hémisphère Nord de notre planète. C'est pour cela que les baleines à bosse sont ici. Chaque année, elles migrent, depuis les eaux froides et riches de l'Alaska qui les nourrissent tout l'été, jusqu'ici - jusqu'aux eaux chaudes et accueillantes de la côte hawaïenne. Ici, elles pourront donner naissance à leurs petits, elles trouveront un partenaire, et elles s'occuperont de leurs baleineaux. Faire ce voyage, de l'Alaska à Hawaï, est un véritable exploit. Exploit que, partout sur la planète, des milliers de baleines à bosse réalisent aux changements de saisons : elles quittent les pôles Sud et Nord pour des eaux plus propices à la naissance de leurs petits et à la reproduction. Avec 16 000 kilomètres parcourus chaque année, les baleines à bosse sont de fantastiques migratrices.
Quand Hawaï se transforme en nurserie
Au large des côtes hawaïennes, plus de 10 000 baleines se retrouvent d'année en année. Le groupe qui nous entoure est constitué d'une dizaine d'individus. Les premières à être arrivées sont les femelles, avec leurs petits. L'année dernière, leurs baleineaux étaient nés ici-même. Elles restent non loin d'eux, les interpellent, les frôlent. Elles ont beaucoup à leur apprendre. D'autres baleines du groupe viennent tout juste de mettre bas. Regarde, c'est un spectacle rare, il y en a une qui allaite ! Le petit, solidement accroché au ventre de sa mère, tête son lait. Un lait riche en protéinesprotéines et en graisses qui le fera grandir, même si, à peine mis au monde, il mesure déjà plusieurs mètres et pèse plusieurs centaines de kilos.
On vous raconte comment le chant des baleines a été découvert, et bien d'autres anecdotes, dans cet épisode d'INFRA. © Futura
Les chants que nous entendons ne sont pas ceux des mères et de leurs petits. Ils proviennent des mâles. Ces chants envoûtants, complexes, durent de quelques minutes à plusieurs heures ! Mais nous y reviendrons plus tard. En migrant ainsi chaque année les baleines à bosse laissent derrière elles les eaux riches en nourriture, mais aussi les orquesorques, leurs prédatrices, qui s'en prennent à leurs petits. D'ailleurs, un grand merci à Gabriel et Charlie, nos jeunes auditeurs, de nous avoir posé la question en commentaire, car la réponse est oui, même les baleines ont des prédateurs ! Les orques et les requins les attaquent souvent. Mais dans ces eaux tropicales et peu profondes, elles sont à l'abri. Regarde, n'ont-elles pas l'airair paisible ?
La baleine à bosse n'a en fait...pas vraiment de bosse
Profitons-en pour les observer d'un peu plus près. Le corps de la baleine est sombre, son dosdos bleu foncé, gris, presque noir. Sa gorge, blanche, est striée de lignes appelées « sillons jugulaires ». Sur son menton, on peut voir de petites boules, faites de chair, où vivent des crustacéscrustacés, les balanesbalanes. Étrange, n'est-ce pas ? Ses nageoires pectorales la rendent spéciale, parce qu'elles sont très grandes : elles font ⅓ de sa taille ! Elles lui ont même donné son nom scientifique Megaptera novaeangliaeMegaptera novaeangliae, qui signifie « grandes ailes de la Nouvelle-Angleterre » ! Ces nageoires lui permettent de bouger avec beaucoup d'agilité. Tandis qu'une courte nageoire dorsale, plus discrète que celle du dauphin ou du requin, surplombe son corps massif. Au bout de la courbe de son dos, la queue de la baleine est formée par une nageoire caudale, dont la forme est unique à chaque individu et grâce à laquelle les scientifiques peuvent les reconnaître et les suivre ! Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, la baleine à bosse n'a en fait pas vraiment de bosse, même si une petite boule de graisse se niche sous sa nageoire dorsale. C'est sa façon de plonger, tête en avant, le dos arrondi, qui donne une impression de dos bossu.
La baleine à bosse est un mammifèremammifère marin appartenant à la famille des cétacés. Petite curiosité : elle appartient au groupe des baleines à fanonsbaleines à fanons ; elle n’a pas de dents ! À la place, son sourire arbore de grandes lames poilues accrochées à sa mâchoire supérieure. Ce sont ça, les fanons. Regarde, on les voit distinctement lorsqu'elle ouvre la gueule. Les fanons sont faits de kératinekératine, comme tes onglesongles ou tes cheveux. Et ils sont très utiles à la baleine car ils forment un filtre. Quand la baleine à bosse veut se nourrir, elle ouvre la bouche, aspire une immense quantité d'eau (l'équivalent de plusieurs piscines !), et au lieu d'avaler cette eau, elle la pousse avec sa langue à travers ses fanons. Résultat, ces grandes tiges souples laissent passer l'eau mais retiennent les crustacés, les harengs, les maquereaux et le krillkrill qui finiront au fond de son estomacestomac. C'est malin, surtout quand on sait que cette technique lui permet d'engloutir plus d'une tonne de nourriture par jour !
Un mâle approche. Les baleines mâles sont plutôt solitaires, mais elles se joignent aux femelles durant les périodes d'hiver. Les baleines à bosse vivent en petits groupes, constitués de femelles et de leurs petits, sous la direction d'une matriarche, une femelle qui assure le rôle de chef. Regarde, c'est celle qui a une grande balafre le long de son flanc. Certainement le vestige d'un combat acharné contre une orque pour défendre les petits du groupe.
La baleine participe de la bonne santé des océans
Partout sur la planète, la baleine à bosse est connue pour ses sauts spectaculaires. Elle bondit hors de l'eau, de tout son corps gigantesque, et retombe dans un fracas majestueux à la surface des océans. Elle frappe aussi la surface de ses nageoires ou constelle l'horizon de son souffle puissant. Regarde, elle remonte régulièrement à la surface pour respirer. Car chez la baleine la respiration n'est pas un réflexe, elle doit y réfléchir, et remonter pour respirer à temps, car elle ne tient en apnéeapnée qu'une vingtaine de minutes environ. Aujourd'hui la population de baleines à bosse se porteporte bien. Mais pendant des décennies, cette reine des océans a été, comme les autres baleines, victime d'une chasse intensive. Chasse qui perdure malheureusement, bien que l'espèceespèce soit aujourd'hui protégée. Sa protection a toutefois permis de voir le nombre de baleines à bosse augmenter et c'est une excellente nouvelle pour l'ensemble de la planète. Car chaque baleine est un élément essentiel à l'équilibre de la vie sur TerreTerre. En mangeant de grandes quantités de planctonplancton, les baleines participent au stockage du dioxyde de carbone, un gaz à effet de serregaz à effet de serre, qui contribue au réchauffement de la planète.
Le saviez-vous ?
Pour créer le son du T. rex dans Jurassic Park, le sound designer Gary Rydstrom et son équipe ont combiné le souffle d'une baleine, le rugissement d'un lion, le grognement d'un alligator et le barrissement d'un bébé éléphant !
Pour te faire une idée, tout au long de sa vie, une baleine absorbe autant de dioxyde de carbonedioxyde de carbone que 1 000 arbresarbres réunis en un an. C'est une petite forêt à elle seule ! Et puis, ses déjections ont un rôle crucial : elles fertilisent les océans et participent donc à la croissance d'autres espèces, comme les phytoplanctonsphytoplanctons, qui eux, absorbent le dioxyde de carbone et relâchent de l'oxygène dans l'atmosphèreatmosphère. La baleine à bosse participe à la bonne santé des océans. Elle est notre alliée dans la lutte contre le réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Il est donc essentiel de continuer à protéger ces animaux majestueux, intelligents et desquels nous avons encore tant de choses à apprendre. Dans quelques mois, les baleines qui barbotent gaiement dans les eaux hawaïennes reprendront le chemin du Nord, pour rejoindre l'Alaska. Les mères, comme leurs mères avant elles, transmettront à leurs petits leur connaissance des routes migratoires et des eaux riches en nourriture. Admire-les une dernière fois, flottant paisiblement sous la surface. Leurs mouvementsmouvements doux et lents. Leur peau sombre tachetée de soleil. Il est temps pour nous de les quitter, mais tu vas voir que nous n'en avons pas tout à fait fini avec leur magie.
Chasse au filet de bulles, coopération et sauvetage d'animaux en détresse
Les baleines à bosse sont parmi les cétacés les plus étudiés au monde. Et pour cause, elles sont joueuses, facétieuses et... très malignes. Par exemple, elles ont élaboré une technique de chasse spectaculaire pour s'attaquer à certains bancs de poissonspoissons. Lors de la chasse, l'une des baleines du groupe prend la direction des opérations : elle plonge sous le banc de poissons et se met à souffler par son évent pour... faire des bulles ! Au-dessus, les poissons sont confus, les bulles les désorientent. C'est alors que toutes les autres baleines du groupe se mettent elles aussi à faire des bulles, formant un cercle magnifique non loin de la surface. Mais les poissons n'ont pas le temps de s'en émerveiller, eux sont complètement encerclés, piégés sur place par un filet, un filet... fait de bulles ! Les baleines n'ont alors plus qu'à remonter, gueule grande ouverte, pour ne faire qu'une bouchée des pauvres poissons ainsi piégés.
Une vidéo capturée par l'Université de Hawaï et l'Alaska Whale Foundation révèle comment les baleines « tissent » leurs filets de bulles. © University of Hawai‘i News, YouTube
Cette technique, très impressionnante, demande coordination, réflexion et anticipation. En bref, une grande intelligenceintelligence ! Intelligence dont les baleines à bosse font aussi preuve lorsqu'elles attaquent des orques en groupe pour venir à la rescousse d'un phoque ou d'une autre proie. Ainsi, à plusieurs reprises, des baleines ont été observées en train de sauver d'autres animaux en bien mauvaise posture, comme de véritables justicières des mers !
Les baleines aussi ont leur "tube de l'été"
Si elles parviennent à mettre au point des stratégies aussi complexes c'est peut-être parce que les baleines à bosse sont des as de la communication. Tu te souviens de leurs sauts majestueux ? Eh bien, les scientifiques se sont aperçus que ça n'était pas simplement là une parade ou un jeu. Grâce au claquement de leur corps, mais aussi de leurs nageoires, à la surface de l'eau, les baleines communiquent ! Les sauts leur permettent ainsi de contacter un autre groupe de baleines, éloigné, par jour de mauvais temps, lorsque leurs voix ne sont pas assez fortes pour couvrir le bruit du ventvent ou de l'orageorage. Quant au claquement de leurs nageoires, il serait réservé pour la communication au sein d'un même groupe, pour saluer un nouveau venu, par exemple. Les baleines à bosse émettent toutes sortes de sons pour communiquer : cris, grognements, reniflements. On les appelle des vocalisations.
Mais le mode de communication qui fascine le plus les chercheurs et les chercheuses, c'est bien sûr le chant ! Le chant des baleines à bosse est le plus complexe de tous les cétacés qui poussent la chansonnette. Comme tu as pu le voir, ce sont les mâles qui chantent, lors des périodes de migration et de reproduction. Ces chants ont une structure complexe, faite de plusieurs motifs, plusieurs phrases différentes, qui vont s'assembler, se répéter, s'entrelacer. Selon les scientifiques, ces chants serviraient à séduire ou encore à éloigner les ennemis. Mais le plus étonnant n'est pas là. Au cours de leurs études, les scientifiques ont observé qu'à de nombreuses reprises, des baleines de groupes différents se mettaient à chanter le même chant. Petit à petit, un chant pouvait ainsi se transmettre d'île en île, à des baleines pourtant très éloignées les unes des autres. Parfois, cette transmission ne concerne qu'un petit passage, qu'une baleine va apprécier, copier, et intégrer à son propre chant. Mais d'autre fois, la transmission est si rapide qu'on parle de révolution ! D'une saison à l'autre, les baleines voisines se transmettent en quelque sorte leur « tube de l'été ». Cette transmission, qu'on appelle transmission horizontale (parce qu'elle se fait entre les adultes), est en fait une transmission culturelle : elle prouve que les baleines s'écoutent, s'imitent, s'inspirent les unes des autres, apprennent les unes des autres !
Bientôt capables de communiquer avec les humains ?
Parfois, les baleines à bosse nous donnent même la réplique à nous, humains ! C’est ce qui est arrivé avec Twain, une baleine à bosse de 38 ans, vivant au large des côtes de l'Alaska, tout comme les baleines que nous avons observées tout à l'heure. Twain nageait tranquillement avec son groupe, lorsque des scientifiques ont diffusé sous l'eau certains cris de baleine qu'ils avaient enregistrés. En entendant ces cris, Twain s'est dirigée tout droit vers le bateau, et c'est alors qu'elle a répondu aux chercheurs, en émettant elle aussi des vocalisations ! La « conversation » qui s'en est suivie a duré 30 minutes ! Et autant te le dire tout de suite, les scientifiques étaient un peu pris au dépourvu. Eh oui, ça n'est pas simple d'improviser en langage de baleine !
À vrai dire, il est trop tôt pour savoir si nous, humains, serons un jour capables d'avoir une vraie conversation avec ces animaux fascinants, mais eux semblent tout à fait prêts à papoter un peu avec nous. Et peut-être qu'au détour d'une conversation, ces colosses des mers, si tranquilles, si malignes, si importantes pour l'équilibre de notre Planète, pourraient nous transmettre un peu de leur sagesse et pourquoi pas, nous apprendre à pousser la chansonnette comme elles !