« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, partons à la découverte des mœurs d’un géant : l’éléphant.
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Dans la famille des éléphants, il y a bien sûr l'éléphant d'Afrique. Un géant aux grandes oreilles et aux redoutables défenses. Mais il y a aussi son cousin, l'éléphant d’Asie. Un poil plus petit et avec des oreilles moins proéminentes. Mais surtout plus léger. Quand le premier peut peser jusqu'à 8 tonnes, le second ne dépasse pas les 5 tonnes.
Autre différence de taille entre les cousins, leur statut de conservation. Car même si la population des éléphants d'Afrique a beaucoup diminué depuis 150 ans, elle reste dix fois plus importante que la population d'éléphant d'Asie. Ce qui permet au premier de n'être considéré que comme « vulnérable » alors que le second est estimé « en danger ». Et c'est aussi pour cette raison que les chercheurs s'intéressent de très près à eux.
Y compris à leurs habitudes de vie. Parce que c'est bien naturel, nous avons tendance à ressentir une compassion et même une empathieempathie plus importante pour les animaux qui nous semblent éprouver des sentiments comparables aux nôtres. C'est ce que les chercheurs ont observé : des humains se lier avec des éléphants -- et de fait, les prendre en quelque sorte sous leur aile -- parce qu'ils ont pu remarquer leur comportement face à la mort.
Depuis longtemps, en effet, les éthologues ont noté que les éléphants connaissent le deuil. De nombreuses images émouvantes, montrant les géants pleurer leurs morts, ont fait le tour de la toile. Des éléphants qui s'approchent du corps sans vie d'un de leurs proches, le touchent avec leur trompe ou lui donnent de petits coups de pied. Restant à ses côtés, comme pour le veiller. Des éléphants d'Afrique, pour la plupart. Plus faciles à observer dans leur savane que les éléphants d'Asie qui préfèrent se cacher dans les densités de la jungle.
Des comportements qui nous lient aux éléphants
Mais cette fois, ce sont bien à des éléphants d'Asie que des chercheurs attribuent un comportement de deuil. Ils ont pu observer des individus s'approchant de corps inanimés, les veillant, les sentant ou encore tentant de les bousculer. Tapotant les survivants sur la tête, comme pour les réconforter. Surtout lorsqu'il s'agissait de petits partis trop tôt pour les étoilesétoiles, les chercheurs ont découvert des adultes les portant avec leur trompe pendant des jours entiers. Voire des semaines. Le tout comme s'ils essayaient de comprendre ce qui a pu se passer. En vain...
Comment ne pas être ému par cette maman éléphant filmée près de Tumkur, en Inde, qui, de ses pieds et de sa trompe, tente de ramener à la vie le corps de son bébé ? Les oreilles battant de détresse. Insistant pendant près de 24 heures, malgré les efforts des villageois pour la faire fuir et retourner à la vie. Jusqu'à ce que ses compagnons viennent enfin la consoler.
En septembre 2018, une vidéo montrant un éléphant d’Asie tentant de réanimer son petit mort pendant plusieurs heures, au mépris de la menace et jusqu’à être consolée par ses compagnons. © DailyMail, YouTube
Le plus étonnant, c'est peut-être la manière dont les éthologues ont mené leurs travaux. En fouillant sur YouTube ! Ils ont ainsi débusqué plusieurs dizaines de vidéos montrant des comportements associés au deuil aussi bien chez des éléphants d'Asie sauvages que chez des éléphants d'Asie captifs ou même semi-captifs -- ceux qui aident à l'industrie du bois ou qui travaillent dans des parcs touristiques.
Les personnels de zoo le confirment. Lorsqu'un éléphant meurt, ils ont l'habitude de voir les autres membres de la harde l'entourer et poser leur trompe près de sa bouche. Comme pour lui dire au revoir. Une dernière fois. Comme une preuve de plus de l'intelligence sociale de ces géants des terresterres. Une preuve de plus que l'éléphant d'Asie... n'est pas si bête ! Une belle manière aussi de provoquer un fort attachement émotionnel avec ces animaux en danger. Même s'il reste aux chercheurs la lourde de tâche de prouver que ces réactions traduisent vraiment un deuil au sens humain du terme...