« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode un peu en dehors des clous, intéressons-nous à un animal en particulier, un cheval surnommé Hans le malin.


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    Les légendes de nos régions racontent, surtout sur le cheval, des histoires inquiétantes. En Alsace, il se murmure qu'il est l'animal du diable. Celui qui bouscule les voyageurs solitaires. En Provence, on rapporte qu'il erre dans les rues, la nuit, pour enlever les enfants imprudents. En Normandie, on se méfie de sa capacité à hypnotiser les Hommes. Beaucoup auraient ainsi été attirés vers la mer, sans jamais pouvoir en revenir.

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    Le cheval a été domestiqué il y a plus de cinq mille ans

    Pourtant, presque à l'image du chien, le cheval entretient avec les Hommes des relations très particulières. Tissées au fil de millénaires d'aventures partagées. Il est, lui aussi, capable de communication interspécifique. De quoi ? D'échanger avec les Hommes. D'attirer leur attention sur quelque chose. De son regard. De reconnaître des visages ou de lire des émotions. Et même d'apprendre à désigner des symboles pour s'exprimer. Ou à observer les Hommes pour comprendre comment ouvrir une porteporte. Les chercheurs évoquent des compétences cognitives sociales impressionnantes.

    Et c'est ce qui nous amène aujourd'hui à évoquer l'histoire d'un cheval en particulier : Hans le malin. Ou clever Hans, pour les Anglosaxons. Il s'est fait connaître au tout début du XXe siècle. Alors que l'Europe entière -- et même les États-Unis -- découvrait ses facultés intellectuelles. Hans était tout simplement capable de résoudre des problèmes mathématiques de base. Bon, disons plus précisément qu'il était capable de faire des additions et des soustractions. Mais, pour un cheval, c'est déjà plutôt pas mal.

    Hans le malin, lors d’une représentation à Leipzig (Allemagne), en 1912. © Karl Krall, Wikipedia, Domaine public
    Hans le malin, lors d’une représentation à Leipzig (Allemagne), en 1912. © Karl Krall, Wikipedia, Domaine public

    Hans, le cheval qui voulait se faire passer pour plus malin qu’il ne l’était

    Lorsque son maître, William Von Osten, un Allemand, ancien professeur... de mathématiques, lui demandait combien font deux plus quatre, le cheval tapait tout simplement six fois de la patte. Impressionnant, n'est-ce pas ? Et peut-être encore un peu plus lorsque l'on sait que Hans répondait aussi bien aux opérations posées par d'autres humains. De quoi conduire un groupe d'experts scientifiques à exclure toute possibilité de supercherie et à « accorder la plus haute importance à ce remarquable cheval ».

    Mais c'était sans compter sur ce dont nous parlions plus haut. Les compétences cognitives sociales impressionnantes des chevaux. Car vous l'imaginez tout de même assez bien : les chevaux ne savent pas faire des additions. Encore moins des soustractions. Les macaques et les abeilles savent. Mais pas les chevaux. En revanche, ils savent -- et Hans le malin tout particulièrement -- lire en nous comme dans un livre ouvert.

    Hans le malin en pleine séance d’apprentissage avec son maître, professeur de mathématiques à la retraite. © Wikipedia, Domaine public
    Hans le malin en pleine séance d’apprentissage avec son maître, professeur de mathématiques à la retraite. © Wikipedia, Domaine public

    C'est un étudiant en philosophie et en médecine qui s'en est aperçu, Oskar Pfungst. Au cours des expériences qu'il a menées avec Hans le malin, il a noté que le cheval se trompait régulièrement lorsque les personnes qui l'interrogeaient ignoraient elles-mêmes le résultat attendu. Ou lorsqu'elles se trouvaient en dehors de son champ de vision.

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    Les chevaux ont radicalement changé en seulement quelques siècles

    Ainsi, le cheval, loin de savoir compter -- pas même sur ses cinq doigts --, lire ou résoudre des problèmes arithmétiques, s'appliquait-il tout simplement à observer les stimuli visuels -- y compris non intentionnels -- des humains qu'il avait en face de lui. Et c'est ainsi que les chercheurs appellent désormais « effet clever Hans », l'effet par lequel une personne peut obtenir une réaction motrice de la part d'un animal -- ou d'une autre personne.

    Hans le malin, quant à lui, a connu une fin moins glorieuse. Devenu cheval militaire, il a probablement été tué au front en 1916. Puis, été dévoré par les soldats... Mais ses capacités d'analyse des réactions des Hommes n'en restent pas moins exceptionnelles. Et finalement, Hans le malin... n'était vraiment pas si bête !