« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, prenons le chemin du bord de mer pour découvrir un drôle de poisson : le gobie sauteur.


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    Le gobie, c'est un drôle de poisson. Un poisson qui aime aller se dégourdir les nageoires... en dehors de l'eau ! Pour respirer, il puise alors de l'oxygène des gorgées d'eau qu'il a préalablement compressées dans ses branchies. Mais il profite aussi de ce que les scientifiques appellent la respiration cutanée. Oui oui, vous avez bien compris, il respire avec sa peau. Parce que tant que celle-ci reste humide, elle peut absorber directement l'oxygène de l'atmosphère.

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    Le gobie comme garde du corps de la crevette-pistolet

    Donc, le gobie a développé des stratégies pour respirer hors de l’eau. Mais comment fait-il pour se déplacer ? Sans pouvoir nager... Et bien, figurez-vous que cet étrange poisson a tout simplement appris à marcher ! À se traîner, plutôt. En s'appuyant sur ses nageoires pectorales. Elles sont plus basses que chez les autres poissons. Plus musclées aussi. Il peut ainsi se tortiller dans les boues de la mangrove où il aime chasser. Au prix d'efforts importants, tout de même.

    Mais ce n'est pas tout. Le gobie est aussi capable de grimper sur des surfaces verticales. Grâce à ses nageoires pelviennes, cette fois. Fusionnées en une seule, elles forment une sorte de ventouse. De quoi permettre à notre drôle de petit poisson de se coller aux arbres et aux rochers pour aller chercher ses proies préférées. De petits crustacéscrustacés, des vers ou encore toutes sortes d'insectesinsectes.

    À le voir, comme ça, le gobie n’a pas vraiment l’air particulièrement intelligent. Peut-être à cause de ses yeux qui, comme ceux du caméléon, roulent sur leur orbite de manière indépendante. Offrant au petit poisson la possibilité de voir à 360°. © aRTI01, Adobe Stock
    À le voir, comme ça, le gobie n’a pas vraiment l’air particulièrement intelligent. Peut-être à cause de ses yeux qui, comme ceux du caméléon, roulent sur leur orbite de manière indépendante. Offrant au petit poisson la possibilité de voir à 360°. © aRTI01, Adobe Stock

    Une formidable mémoire spatiale

    Et si le gobie est surnommé le poisson sauteur, c'est qu'il a également développé cette aptitude-là. Alors non, ne l'imaginez pas tel un joyeux kangouroukangourou bondissant. C'est dans un mouvementmouvement léger et rapide que le gobie cambre son corps pour s'éjecter de la surface de l'eau. Cette technique lui est utile pour échapper aux attaques des oiseaux, par exemple. Car le gobie aime aussi vivre en bordure d'océan. Alors, quand la maréemarée baisse, il se peut se retrouver « piégé » dans les poches d'eau formées par les rochers. En attendant la marée haute et pour échapper à ses prédateurs tombés du ciel, il a appris à sauter de cavité en cavité.

    Une stratégie risquée ? Pas quand on a la mémoire d'éléphant du gobie sauteur. Pour éviter de finir desséché sur un rocher, le petit poisson enregistre le relief environnant. En nageant, il repère tous les refuges potentiels que formeront les rochers une fois les eaux retirées. Puis, à marée basse, lorsqu'il se trouve dans une cavité, il sait exactement dans quelle direction sauter pour atteindre la cavité voisine. Le tout en comptant sur un cerveaucerveau d'à peine quelques milligrammes. Cette stratégie a été observée par les scientifiques dès les années 1950. Ils ont même évalué la précision des gobies sauteurs en la matièrematière. Les petits poissons atteignent leur objectif dans 97 % des cas. Ce n'est pas rien.

    Peut-être plus étonnant encore, les chercheurs ont pu montrer que la mémoire du gobie se maintient sur le long terme. Au moins sur 40 jours ! Et qu'il est capable, sans cesse, de mémoriser de nouveaux environnements, de nouveaux reliefs. Une mémoire spatiale incroyable. Doublée d'une sorte de mémoire de la marée, donc. Puisque le gobie doit aussi se souvenir des hauteurs d'eau. Or la mémoire est une composante essentielle de l'intelligenceintelligence. Et oui, imaginez-vous sans mémoire, nous devrions chaque matin repartir de zéro et tout réapprendre. Impossible, dans de telles circonstances, d'espérer progresser réellement. Alors... pas si bête, le gobie sauteur !