Ces sarments de vigne et ces bouteilles de petrus reviennent de loin. Plus exactement de la Station spatiale internationale où pieds de vigne et vins prestigieux y ont été envoyés par des chercheurs de l'Institut des sciences de la vigne et du vin pour y développer une expérience sur la micro-gravité, l'objectif étant de repérer le potentiel accélérateur d'une agriculture plus « résistante » sur terre.
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Bonne nouvelle : même après 14 mois dans l'espace, ce grand cru de 20 ans -- coté vers 5.000 euros -- est resté « un très grand vin «, selon les premières conclusions de l'Institut des sciences de la vigne et du vin ( ISVV) de l'université de Bordeaux dévoilées mercredi. Depuis février, l'ISVV, à Villenave-d'Ornon (Gironde), est chargé d'analyser les 12 bouteilles de ce Pomerol et la moitié des 320 sarments de vigne de merlot et cabernet sauvignon envoyés pendant 14 et 10 mois sur la Station spatiale internationale (ISSISS), à l'initiative de la start-upstart-up européenne Space Cargo Unlimited (SCU).
Tout l'enjeu de la mission Wise est de vérifier si l'environnement spatial, avec ses radiations et sa micro-gravitégravité, a modifié les caractéristiques du vin, et surtout si l'apesanteur peut rendre la vigne plus résistante. « Notre approche est de penser que les plantes qui auront su résister à l'absence de gravité seront plus résilientes, plus en capacité de réaction à des stressstress (...) comme le changement climatiquechangement climatique », estime le Girondin Nicolas Gaume, président, et cofondateur avec Emmanuel Etcheparre de SCU.
Une quinzaine de chercheurs sont utilisés dans ce programme privé de recherche en partenariat avec l'université d'Erlangen (Allemagne) et le Centre national d'études spatiales (Cnes). Revenus mi-janvier sur Terre à bord du cargo Dragon de la société SpaceXSpaceX, la moitié des sarments ont été replantés dans les serres du leader mondial des pépinières viticoles, le Groupe Mercier, pour des débouchés futurs. L'autre moitié, à l'ISVV, est comparée et analysée avec des lots identiques restés sur Terre, quant à eux.
Un vin céleste, un avant-goût du paradis ?
Un test olfactif, visuel et dégustatif conduit le 1er mars a permis d'obtenir une première photographiephotographie de l'odyssée spatiale du vin. Ce jour-là, deux bouteilles « anonymisées » de petrus ont été présentées à l'aveugle à un panel de 12 personnes, amateurs et experts.
Le verdict a été « unanime » : « Le "vin de l'espace" a été très bien évalué sensoriellement », résume Philippe Darriet, directeur de l'unité de recherche oenologie à l'ISVV. Dans 11 cas sur 12, des différences ont été notées, en particulier sur la couleurcouleur, et parfois dans les nuances d'odeurs et de goût.
Pour l'œnologueœnologue Jane Anson, la grande différence entre les deux vins restait surtout visuelle. « Les deux sont vraiment magnifiques », a-t-elle assuré tout en jugeant le vin terrestre « un peu plus tannique, plus jeune » par rapport au vin « céleste [dont] l'aromatiquearomatique floral [ressortait] davantage ». A contrario, l'œnologue Franck Dubourdieu n'a pas perçu de différence « significative ». Ce qui ne l'empêche pas de saluer un succès : « Le vin de l'espace ne s'est pas détérioré ».
Survivre à un stress prodigieux
Ces premières impressions doivent encore être confortées par des analyses physico-chimiques à l'ISVV tandis qu'en parallèle, les scientifiques surveillent l'évolution des sarments qui ont végété 10 mois en apesanteur, dans des alvéoles sans lumièrelumière à l'hygrométrie maîtrisée. « La gravité est un paramètre central de la vie, le seul qui n'a jamais évolué sur Terre, contrairement à la température ou observé. Quand on expose des plantes à cette absence de gravité, on les soumet à un stress prodigieux, qui pourrait accélérer certaines évolutions naturelles », avance Nicolas Gaume.
“La gravité est un paramètre central de la vie, le seul qui n'a jamais évolué sur Terre, contrairement à la température ou observé”
« Ce n'était pas gagné, mais ils ont survécu. Aujourd'hui, 50 % d'entre eux se sont bien développés », soulignait début mars Stéphanie Cluzet, directrice de recherches et professeure à l'ISVV, à propos des sarments replantés à l'ISVV. Mais il faudra attendre 3 ans pour savoir si certaines plantes ont subi des modifications épigénétiques.
« L'attente finale, c'est de "challengerchallenger" les plantes et de regarder si elles ont acquis une meilleure tolérance à des agents pathogènespathogènes comme le mildiou [et à] un contexte de changement climatique », ajoute la scientifique. Prochaine expérience de la mission Wise : testeur d'une fermentationfermentation en apesanteurapesanteur.