Le premier exportateur mondial de riz vient d'interdire les exportations de riz blanc non basmati avec effet immédiat, selon les mots prononcés par le gouvernement ce jeudi 20 juillet. La crainte d'un phénomène El Niño destructeur pour les cultures explique une partie de cette décision lourde de conséquences pour plusieurs pays.
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L'objectif de cette interdiction est de garantir en priorité l'approvisionnement de sa population et d'atténuer la hausse des prix sur son propre marché. Pourquoi une décision aussi soudaine et radicale ? La sécheresse de l'été 2022 avait déjà contraint le gouvernement indien à prendre des mesures l'année dernière. À cela s'est ajouté la pandémiepandémie de Covid-19Covid-19 et la guerre en Ukraine, qui ont fait bondir la demande d'exportations et le prix des céréales. Mais un autre facteur très important vient s'ajouter à cette situation économique et agricole déjà difficile : le retour d'El Niño.
El Niño risque de provoquer une sécheresse importante en Inde
Ce phénomène climatique caractérisé par un réchauffement d'une partie des eaux du Pacifique a un impact sur le climat asiatique, et donc sur son économie. El NiñoEl Niño est bien connu pour avoir des conséquences majeures sur la météométéo en Inde, et sur sa production agricole.
La décision d'interdire les exportations de riz fait suite aux avertissements du Département météorologique Indien : celui-ci estime qu'il y a 70 % de chances qu'El Niño affecte la mousson. Les pluies ont été très fortes en début de mousson, ces dernières semaines, mais elles devraient désormais laisser place à une sécheresse pour la suite de l'été. Sur les sept dernières phases El Niño, quatre ont été marquées par des sécheresses importantes en Inde. L'interdiction décrétée jeudi soir est donc une mesure préventive pour tenter de préserver la production agricole qui s'annonce plus faible que les années précédentes. Cette décision aura un impact certain sur les prix du riz dans le monde entier, avec des pénuries pour les pays africains, la Turquie, la Syrie et le Pakistan.
La production de riz en 2022 s’est effondrée sous la pression du réchauffement climatique : les experts sont inquiets
Article de Karine DurandKarine Durand, écrit le 17 octobre 2022
Les sécheresses, canicules, et inondations qui ont dévasté les cultures en Inde, au Pakistan, en Chine, en Californie et en Europe ont fait chuter la production de riz et les exportations sont presque à l'arrêt : les syndicats agricoles prévoient une pénurie mondiale de riz pour le début d'année 2023.
Après 3 années consécutives d'abondance, la production de riz est en train de s'écrouler en raison des récentes catastrophes climatiques. Alors que la hausse des prix concernait déjà de nombreuses productions de céréales, celle du riz avait jusqu'à maintenant été épargnée : ces dernières années, l'Inde a bénéficié de conditions météo favorables à sa culture et a donc été en mesure d'en exporter massivement à l'étranger. L'organisme Gro Intelligence annonce que les exportations de riz sont en train de chuter à leur plus bas niveau depuis 5 ans au moins. Précisons que cette tendance rejoint celle de plusieurs autres céréales, comme le bléblé qui connaît sa plus forte chute de production depuis 14 ans. Selon USDA, cette baisse de production de riz s'annonce durable : une moyenne de 2 % en moins chaque année, en raison de l'évolution climatique. L'année 2022 a en effet été marquée par une multiplication des catastrophes agricoles à travers le monde, et les cultures de riz ont été particulièrement touchées. En cause :
- la chaleur et la sécheresse historique du sud de la Chine, entraînant un manque d'eau ;
- la canicule et la sécheresse du nord-est de l'Inde tout au long de l'été, avec des températures approchant les 50 °C ;
- les inondations liées à la mousson exceptionnelle du Pakistan l'été dernier : au moins 250.000 tonnes de riz auraient été détruites, de même que de nombreuses routes et ponts permettant le transport des marchandises ;
- la méga sécheresse en Californie qui s'aggrave d'années en années : l'État américain est aussi l'un des plus gros producteurs de riz du continent. La production américaine de riz devrait chuter à son plus bas niveau depuis 30 ans.
La sécheresse a aussi impacté la production européenne de riz
Cependant, la météo s'est montrée très favorable à la culture du riz en Thaïlande et au Vietnam : malgré une production en hausse dans ces pays par rapport aux années précédentes, cela ne suffira pas pour combler le déficit des autres pays, selon Gro IntelligenceIntelligence. Le riz est la troisième céréale la plus produite au monde, ainsi que l'aliment de base de plus de la moitié de la population mondiale, en Asie et en Afrique particulièrement. Le Niger, la Côte d'Ivoire et le Sénégal sont les trois principaux importateurs de riz, suivis par les pays du Moyen-Orient.
En France, les répercussions devraient arriver à partir de février/mars 2023, selon le Syndicat de la Rizerie Française, qui représente l'aval de la filière du riz en France. Notre pays produit seulement 50.000 tonnes de riz par an et en importe 4 à 5 fois plus. La production européenne de riz a également fortement souffert des conditions météo de cet été exceptionnellement sec : en Italie, en Espagne et en Grèce, les rendements sont en baisse de 20 à 25 % selon le Syndicat de la Rizerie Française. Les prix, qui ont déjà augmenté de 12 % en septembre dernier, devraient subir une nouvelle hausse très marquée en début d'année prochaine.