Il a fait affreusement chaud depuis le début de l'été en France. Chaud… et sec. Une situation difficile à supporter. Et pas seulement pour nous. Également pour les animaux. Ceux que nous élevons dans nos exploitations agricoles, notamment. Décryptage.
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Lundi 18 juillet 2022, il a fait 42,6 °C à Biscarosse (Landes), 41 °C à Niort (Deux-Sèvres), 40,7° à Angers (Maine-et-Loire) et 39,3 °C à Brest (Finistère) -- c'est plus de 4 °C de plus que le précédent record de chaleur établi en 1945. Du jamais vu. Et ce n'est pas fini. La chaleurchaleur continue sa route vers l'est.
De telles températures, nous le savons désormais, sont difficiles à supporter. Hier, l'Espagne et le Portugal, qui vivent sous la même vague de chaleur que la France, rapportaient un total d'au moins 344 décès liés à la chaleur en une semaine. Mais les Hommes ne sont pas les seuls à souffrir de la situation. En pleine saison culturale, elle affecte également les plantes et les animaux. « Le maïsmaïs freine sa croissance dès 31 °C, explique ainsi en ligne Serge Zaka, docteur en agroclimatologie. À 40 °C, sa croissance et son développement s'arrêtent, tout simplement. Les conditions que nous vivons actuellement sont désastreuses pour les écosystèmes ».
Pourtant, ce n'est pas directement la chaleur qui pose réellement problème. « Quand une telle canicule dure, c'est le problème hydrique qui prend le dessus sur le problème thermique. » Parce qu'avec la chaleur, l'évapotranspiration augmente et dans un contexte de sécheresse marquée, l'indice hydrique de la plante peut chuter.
Chaleur et humidité, deux paramètres à prendre en compte
Les animaux d’élevage vivent le même type de difficultés. Pour apprécier le risque, les scientifiques s'appuient sur un indice qui tient compte à la fois de la température et de l'humidité relative, l'indice THI -- pour Temperature-Humidity Index. « C'est un indicateur d'alerte », nous explique Bertrand Fagoo, de l'Institut de l'élevage (Idele). Ainsi, pour une humidité relative de 30 %, par exemple, le niveau de stressstress extrême sera atteint à partir 38 °C. Pour une humidité de 90 %, il sera atteint dès 30 °C. à ces deux situations, une seule valeur du THI de 84.
Mais « la sensibilité est différente selon les espèces, nous précise Bertrand Fagoo. Les ruminants, par exemple, produisent beaucoup de chaleur. Ils sont bien plus sensibles au chaud qu'au froid ». Parmi eux, la vachevache laitière est la plus sensible. Lors de la vaguevague de chaleur du mois de juin dernier, « des niveaux mortels ont été atteints pour la première fois en France », rapportait Serge Zaka sur son compte LinkedIn.
Notons toutefois que l'indice THI ne tient pas compte des éventuelles mesures de lutte qui peuvent être mises en place par les agriculteurs. D'autant plus facilement lorsqu'ils sont alertés en amont. Mais quelles sont ces mesures ? « De l'ombre en prairies grâce aux arbresarbres et de l'ombre dans les bâtiments, nous indique Bertrand Fagoo. Mais aussi de la ventilationventilation, avec des bâtiments ouverts. Sans pour autant y faire entrer le soleilsoleil. Au besoin, on peut même ajouter des ventilateurs ». Pourtant, cela ne suffit pas. Un vétérinairevétérinaire le rappelait, hier, sur son compte TwitterTwitter. Images à l'appui.
L’eau au cœur du combat
Il faut aussi de l'eau. Beaucoup d'eau. Car « la vache laitière double ses besoins en période chaude ». Alors de l'eau fraîche et propre, c'est le meilleur moyen de l'aider à maintenir son corps à une température correcte.
Il faut aussi adapter les rations. C'est un peu technique, mais pendant une vague de chaleur, les scientifiques conseillent de réduire le niveau de cellulosecellulose dans l'alimentation des vaches. Au cours de la digestiondigestion, en effet, la cellulose produit de l'extrachaleur en grande quantité. Mieux vaut donc concentrer la ration plutôt en énergieénergie et en protéineprotéine. Et la distribuer plutôt le soir pour qu'elle reste fraîche plus longtemps.
Un risque qui grandit avec le changement climatique
« Avec le changement climatique, le risque va s'accentuer », nous prévient Bertrand Fagoo. Pour l'heure ces mesures permettent, la plupart du temps, de maintenir un certain niveau de bien-être et de santé pour les ruminants. « Mais la filière continue de travailler pour s'adapter. » Certains pays plus chauds que la France, Israël par exemple, doivent déjà recourir à des moyens bien plus importants. « La ventilation mécaniqueventilation mécanique, le douchage et des bâtiments ouverts sur leurs quatre faces. » Aux États-Unis, notamment, des catastrophes se sont produites. Au mois de juin dernier, lorsque les températures ont brutalement augmenté en même temps que l'humidité. Des milliers d'animaux ont péri. « Dans des parcs d'engraissement extérieurs avec des animaux entassés sans ombre, nous raconte l'expert de l'Idele. Heureusement, ce modèle d'élevage n'existe pas en France ».
Sans aller jusqu'à la mort, « les risques sont tout de même réels pour la santé et pour le bien-être » de nos vaches. Fatigue, baisse des défenses immunitaires, maladies métaboliques ne sont que quelques exemples des désagréments qu'elles peuvent avoir à affronter en cas de fortes chaleurs. L'ennui, aussi, c'est que les problèmes ne s'arrêtent pas dès que les températures redescendent. Ils se prolongent dans le temps. Plus une canicule est longue, plus le temps de récupération sera long.
Les effets sur la production de lait peuvent même se faire ressentir des semaines après la vague de chaleur. Parce que oui, les conséquences pour les exploitants existent aussi. Lorsque les températures grimpent, la production laitière diminue. « La qualité de la production baisse aussi », précise Bertrand Fagoo. Des difficultés de reproduction apparaissent. D'une part parce que la duréedurée et l'intensité des chaleurs de la vache diminuent. D'autre part parce que le stress thermique peut être à l'origine d'un développement embryonnaire anormal.
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