Après la sécheresse des années précédentes, c’est la pluie qui aura eu raison de la production de céréales cette année : en 2024, la récolte de blé s’annonce catastrophique, et cela, sur l’ensemble du pays. La situation de 2024 augure-t-elle d’un avenir noir concernant la production de blé dans le futur ? Nous avons interrogé un expert de l’Inrae.


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    Les chiffres 2024 annoncés par le Ministère de l'Agriculture dans un communiqué sont accablants : « en 2024, la production de blé tendre est estimée à 26,3 millions de tonnes (Mt), une des plus faibles récoltes des 40 dernières années. La production d'orge est estimée à 10,4 Mt, dont 7,2 Mt d'orge d'hiver et 3,2 Mt d'orge de printemps. Celle de blé dur serait de 1,2 Mt. Les premières prévisions pour les récoltes des cultures d'été font état d'une baisse des rendements par rapport à 2023, à l'exception de celui du sojasoja. Pour le maïsmaïs, cette baisse serait plus que compensée par la hausse des surfaces : la production pourrait atteindre 14 Mt (y compris semences). En revanche, les productions de tournesoltournesol (1,9 Mt) et soja (0,37 Mt) pourraient se replier après les bonnes récoltes de 2023 ».

    Le rendement de blé tendre en 2024 est le plus faible enregistré après 2016. © Agreste, SAA
    Le rendement de blé tendre en 2024 est le plus faible enregistré après 2016. © Agreste, SAA

    De la pluie sur toute la France, de l’automne jusqu’à l’été

    La baisse de la production de blé tendre (utilisé pour les pains et biscuits) est estimée à près de 25 % par rapport à la moyenne des 5 dernières récoltes explique le rapport. Selon Vincent Allard, chargé de recherche dans l'unité GénétiqueGénétique Diversité et Ecophysiologie des Céréales d'Inrae, c'est la conjonctionconjonction de plusieurs éléments qui permet d'expliquer cette mauvaise récolte : « ce qu'il y a de très particulier cette année, c'est qu'il a plu extrêmement longtemps à des périodes clés pour la croissance et cela a touché toutes les régions. Il a plu de manière discontinue pendant la période de semis : les agriculteurs n'ont pas pu semer ou ont dû retarder. Certains ont tellement attendu qu'ils ont dépassé la période de semis et ont choisi d'autres espècesespèces. Il y a eu une chute de quasiment 15 % des surfaces semées en blé. Ceux qui ont pu semer mais avec retard, partaient dès le semis avec un potentiel de rendement moindre. Ensuite, le printemps a connu énormément de pluie et un déficit de rayonnement solairerayonnement solaire à des stades clés pour le blé, surtout autour de la floraison ce qui a affecté la fertilité des épis. Pour finir, la pluie en juin a encore affecté négativement le rendement du fait du développement de maladies fongiquemaladies fongique, mais a aussi affecté négativement la qualité du grain ». Selon l'expert, le rendement le plus faible jamais enregistré reste celui de 2016 (également touchée par un excès d'eau et un manque de soleilsoleil), mais 2024 sera assurément la pire année en termes de quantité de blé produite.

    Le rendement de blé tendre en France en 2024 et la comparaison de la production avec celle de 2023. © Agreste, SAA
    Le rendement de blé tendre en France en 2024 et la comparaison de la production avec celle de 2023. © Agreste, SAA

    2024 n’est pas représentative des années futures

    Cette année 2024 est-elle représentative de ce qui attend les producteurs de céréales dans le futur ? A priori non, selon Vincent Allard : « cette année, les producteurs ont connu un énorme concours de circonstances, mais ce n'est pas forcément une année typique de ce qu'on va connaître dans le futur. À l'heure actuelle, il n'y a pas tellement de leçon à en tirer, je ne pense pas que c'est ce scénario qui va se répéter. On aura d'autres problèmes, comme la sècheresse et des épisodes de fortes températures. Et c'est surtout la variabilité interannuelle du climatclimat qui va augmenter, il est fort possible qu'après le trop-plein d'eau cette année, il n'y en ait pas assez l'année d'après ». Avec de telles fluctuations météorologiques d'une année sur l'autre, « cela va devenir problématique pour les filières, avec de grosses variations de revenus. Quand on fait tourner un modèle de cultures, en lui donnant un climat futur possible pour 2050, 2070, 2100 pour la France et qu'on simule les rendements possibles pour ces années-là, on voit alors que le blé va souffrir de stressstress causé par la sécheressesécheresse et les fortes températures, mais que l'augmentation de la concentration en CO2 a tendance à contrebalancer les effets négatifs du changement climatiquechangement climatique pour cette plante : le futur n'est donc pas si négatif pour cette production. Le problème, ce sont les grandes fluctuations qui vont se produire entre les différentes années qui vont fragiliser les filières agricoles ».

    Les pertes seront importantes pour les producteurs, mais cette année noire en termes de blé va-t-elle impacter le tarif pour le consommateur en 2024-2025 ? « On produit moins en France, mais les autres ont produit plus (comme la Chine, l'Australie et les États-Unis). Les prix sont donc trop bas pour la France : 220 euros la tonne, contre 240 à 250 habituellement. Un certain nombre d'agriculteurs français vont vendre quasiment en deçà de leur coût de production, mais il est possible qu'il n'y ait pas de grosse différence pour les consommateurs » explique l'expert.