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La navigation sur le fleuve est attestée chez les Gaulois qui naviguaient sur différents types de bâteaux en boisbois d'une seule pièce taillés directement dans les chênes : on a retrouvé plusieurs épaves dans les sablessables de la Loire. On a aussi retrouvé des odèles réduits de ces bateaux qui auraient pu servir d'ex-voto par exemple la barque de Sequana, petit chef-d'œuvre, trouvée aux sources de la Seine en 1933 et conservée au Musée archéologique de Dijon.
Gabare. © Asp, Wikimedia commons, DP
La batellerie fluviale, qui connut ses heures de gloire du XVIIème jusqu'à la moitié du XIXème siècle, fut un moyen de transport très actif dans la France d'autrefois.
Par sa longueur et sa position géographique, la Loire servait de trait d'union entre les ports de l'Atlantique, le centre et le sud du bassin parisien, le massif central et l'axe rhodanien.
Au milieu du XVIIème siècle, dans un arrêt du conseil d'État du roi de 1661, la rivière de Loire, "estant le plus grand fleuve et le plus important du Royaume", fait "la meilleure part du commerce de France".
L'amélioration des conditions de navigation sur la Loire reste une préocupation majeure des autorités Orléanaises de la Monarchie de Juillet par exemple. Le canal latéral est percé, et des travaux sont entrepris pour rendre le cours même du fleuve plus régulier.Le trafic fluvial a baissé depuis l'ancien régime et l'Empire, où on comptait 4 à 5 000 bateaux, mais un millier de voiliers circulent encore entre Briare et Nantes. A partir de 1829, les bateaux à vapeur font leur apparition et le trafic se développe jusqu'en 1846 où cinq compagnies se font une concurrence acharnée qui aboutit même à plusieurs abordages. Mais le 26 mars 1846, l'ouverture de la ligne de chemin de fer Orléans-Tours sonne le glas de la navigation...
Carte des canaux de la région
Cette activité, en effet, fut frappée de plein fouet par la constructionconstruction des chemins de fer et l'amélioration du réseau routier. Pour toute la section de la Loire moyenne, de Gien à Saumur, on peut même dire que la navigation fut anéantie. Il ne restait que la navigation dans la partie aval du fleuve et dans l'estuaireestuaire.
L'écluse de la Noue, sur le canal du Nivernais © Charles Berg
Ce fut une des plus importantes mutations économiques, non seulement de la région, mais de la France tout entière.
Aujourd'hui déserté, le cours de la Loire connaissait alors une activité considérable qui permettait des échanges abondants pour l'époque, matériels, économiques et culturels.
Rigole d'Yonne qui alimente le Canal du Nivernais. Cette rigole n'est pas navigable, même en canoë à cause de très nombreux ponts bas. Elle n'a jamais été conçue pour être navigable. Elle part du barrage de Panecières-Chaumard et arrive au sommet du canal, à Port-Brûlé, à une altitude de 261 m environ, et après un parcours de près de 30 km qui épouse les courbes de niveau et traverse la vallée de l'Yonne sur l'aqueduc de Montreuillon.
La navigation en Loire n'a jamais été aisée. La remontée pouvait même devenir impossible, certains jours d'été, à cause du niveau d'eau trop bas, ou quand le ventvent soufflait du nord. Il fallait alors attendre une amélioration et guetter la première occasion pour repartir, quelquefois au beau milieu de la nuit. A défaut de meilleures conditions, on avait alors recours à la bricole; c'était une sorte de harnais que l'on se passait autour de la poitrine, pour haler le bateau à "col humain". Inutile de dire que les mariniers n'aimaient pas beaucoup la bricole...
Canal latéral à la Loire, ce canal est relié au canal de Briare par le Pont Canal
"A la baisse", dans le fil du courant : « gaffe aux bancs de sable sacrebleu ! »
La navigation en redescendant le courant est plus périlleuse. Les vents généralement orientés à l'ouest empêchent d'utiliser la voile. Il s'ensuit que le bateau redescend le courant, à la même vitesse que l'eau, sans véritable moyen de se diriger. Les mariniers d'autrefois utilisaient des bâtons de marine, de longues tiges de chêne très solides, et ferrées au bout. On en plantait l'extrémité ferrée au fond de l'eau, et on coinçait l'autre extrémité dans les "arronçoirs", une sorte de planche en forme de crémaillère, fixée sur les bords extérieurs du bateau à l'avant et à l'arrière. La force du courant faisait pivoter le bateau autour du bâton, et on pouvait ainsi modifier sa trajectoire; mais il n'était pas rare qu'on laisse un doigt dans la manoeuvre... il fallait aussi faire attention à ne pas heurter un banc de sable...avec l'appui du courant, la manoeuvre pour dégager l'embarcation pouvait prendre plusieurs heures, et beaucoup d'énergie ! Ceci explique peut être le mauvais caractère réputé des mariniers !
Navigation sur la Loire à Orléans en 1829 par Charles Pensée. On y voit plusieurs sortes de bateaux : chalands, accélérés, rambertes, toues et fûtreaux.
La Loire est le seul cours d'eau d'Europe qui puisse être remonté à la voile sur plus de quatre cents kilomètres, grâce à son orientation, opposée à celle des vents dominants d'ouest. La présence de ce double moteur naturel, vent à la remonte et courant à la descente a considérablement facilité la mise en valeur économique du "Val de Loire"; c'est la cause essentielle de la richesse ancienne du "Jardin de la France". Les nombreux ports aujourd'hui désertés vivaient du transport fluvial de ces deux frets lourds, la pierre et le vin, tous deux exportés au loin, et d'une foule d'autres dont la liste interminable montre que tous les aspects de la vie dépendaient de la batellerie. Une grande densité humaine, un mouvement économique très intense engendré par la batellerie, voilà les raisons qui ont fait du Val de Loire le séjour préféré de nos rois pendant longtemps, voilà l'origine de l'extraordinaire parure de châteaux qu'ils y ont édifiés.
Chaland de Loire, Musée de Rouen
La batellerie de la Haute-Loire présente deux caractéristiques spécifiques: c'est une batellerie industrielle depuis sa création, et elle se pratique uniquement à la descente, avec des bateaux démolis à l'issue d'un unique voyage.
En amont de Briare, l'orientation Sud-Nord de la Loire (et de l'Allier), ne facilite pas la remontée à la voile, sinon avec des vents du Nord. D'autre part, à partir de Roanne, terminus de la navigation montante, le lit de la Loire interdit toute remontée même par le halage. En effet, la pente y est forte et le cours d'eau rapide, peu profond et vite épuisé après chaque crue. Cependant la descente est possible dans certaines conditions.
C'est à partir de 1704, date où la Haute-Loire en amont de Roanne est débarrassée des rochers qui encombrent son lit, que naît la batellerie a "bateaux perdus", comme nos modernes emballages. Cette navigation atteint son apogéeapogée au cours de la première moitié du XlXème siècle, lorsque les forêts épuisées par une exploitation intensive ne peuvent plus fournir les bois nécessaires à la vie urbaine et, en particulier, à celle de Paris. Plus tard ce sont les bateliersbateliers de la Haute-Loire et du Haut-Allier, "les charabiats" patoisants qui vont l'acheminer sur leurs "sapines" vers le Val de Loire et vers Paris, par le canal de Briare.
Dans les chantiers de la Haute-Loire, Saint-Rambert ou Monistrol, des milliers d'hommes construisaient des bateaux en grandes séries, salombardes et monistrots, plus de 5 000 en 1840. Une fois construits, ils étaient mis à l'eau, et, à la première pluie génératrice d'une crue (favorisée par le déboisement), ils étaient chargés rapidement et légèrement, à 20 ou 30 tonnes, et dévalaient le cours supérieur de la rivière et ses gorges tortueuses, menés par les mariniers du haut pays en une navigation hallucinante.
Arrivés à Roanne, les "charabiats" remontaient à pied jusqu'à Saint-Rambert pour recommencer la même opération.
Les sapines conduites par d'autres hommes et selon d'autres techniques poursuivaient leur voyage avec une charge plus forte, 30 ou 40 tonnes, qui libérait un bateau sur trois. La même opération de transbordement était parfois renouvelée à Briare et portait la charge transportée à 60, 80 ou 100 tonnes, selon l'état des eaux.
Arrivées à destination, les sapines étaient "déchirées" selon l'expression consacrée, et leur bois vendu à bas prix et/ou réemployé dans les constructions terrestres, ou tout simplement brûlé.
Chaland de Loire par l'Association Marine de Loire
Concernant les bateaux naviguant sur les fleuves de France, en particulier la Loire deux musées retracent cette histoire intéressante et mouvementée :
Le Musée Conservatoire des Deux Marines et du Pont-Canal présente l'histoire des marines de Loire et des Canaux, canal de Briare (de Loire en Seine) canal latéral et sa traversée de la Loire. C'est le Centre de découverte unique de ce qui était considéré comme le plus important carrefour batelier de France. Ce musée est à Briare.
Les habitants de la ville de Châteauneuf ont toujours entretenu des liens étroits avec le fleuve : à la fin du XVIIIe siècle, Châteauneuf est le cinquième port de Loire par le nombre de ses mariniers, derrière des villes comme Nantes, Tours, Orléans et Angers. Cette activité a laissé de nombreuses traces dans le domaine architectural comme dans les mémoires... En organisant une première exposition sur son patrimoine fluvial, la commune de Châteauneuf s'est investie dès 1960 dans une entreprise de résurrection de cet héritage aboutie dans le Musée de la Marine de Loire.
La création d'associations, la multiplication de publications et d'études, l'ouverture récente de salles consacrées à ce même thème au Musée des Beaux-Arts d'Orléans et, à venir, au Musée des Ducs de Bretagne à Nantes témoignent aujourd'hui de ce regain d'intérêt et bien sur à Conflans Ste-Honorine, près de Paris, au Musée de la Batellerie.