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L'appareillage utilisé sur une ligne de lumière de l'ESRF. Sur la gauche se trouve la presse appelée Paris-Édimbourg ; les échantillons de roche sont placés au centre de la presse à des pressions allant jusqu'à 36.000 atmosphères puis chauffés avec un four résistif à des températures de plus de 1.700 °C. © Blascha Faust, ESRF
C'est une éruption de supervolcan, voilà 600.000 ans dans le Wyoming, aux États-Unis, qui a créé le cratère gigantesque, appelé caldera, au centre duquel se trouve aujourd'hui le parc national de Yellowstone. Quand le volcan a explosé, il a éjecté plus de 1.000 km3 de cendres et de lave dans l'atmosphère, 100 fois plus que l'éruption du mont Pinatubo aux Philippines en 1992. Les grosses éruptions volcaniques ont un impact majeur sur le climatclimat de la planète. L'éruption du Pinatubo a fait décroître la température du globe de 0,4 °C pendant plusieurs mois. Pour un supervolcan, la chute de température pourrait être de 10 °C pendant 10 ans.
Selon un rapport de la Société géologique de Londres, en 2005, « même la science-fiction ne peut imaginer un mécanisme crédible qui permettrait d'éviter l'éruption d'un supervolcan. Nous devons cependant essayer de comprendre les mécanismes impliqués dans les superéruptions et prédire la catastrophe suffisamment à l'avance pour que la société en soit avertie. La préparation est le seul moyen de limiter les effets désastreux d'une superéruption. »
Les mécanismes qui provoquent les éruptions de supervolcans sont restés obscurs jusqu'à maintenant. Ils sont bien différents des phénomènes éruptifséruptifs observés dans les volcans conventionnels tels que le mont Pinatubo. Un supervolcan possède une chambre magmatiquechambre magmatique qui est toujours située dans une zone où le flux thermique en provenance du centre de la TerreTerre est très élevé. De ce fait, elle est beaucoup plus grande et chaude, mais aussi déformable : sa forme change en fonction de la pressionpression au fur et à mesure qu'elle se remplit de magmamagma chaud. Cette plasticitéplasticité permet à la pression de se dissiper plus efficacement que dans un volcan normal, dont la chambre magmatique est plus rigide. C'est pour cette raison que les supervolcans n'explosent pas souvent.
Cette vue d'artiste décrit la chambre magmatique d'un supervolcan. La pression résultant des différences de densité entre la roche solide et le magma liquide (density-related pressure) est suffisante pour fissurer la croûte terrestre (couleur saumon) dans laquelle pénètre le magma (melt). © Nigel Hawtin, ESRF
Des conditions extrêmes reproduites en laboratoire
D'où la question suivante : qu'est-ce qui peut provoquer l'éruption d'un supervolcan ? Wim Malfait de l'École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) explique que « l'élément déclenchant est une pression additionnelle causée par les différences de densité entre la roche solidesolide et le magma liquide. On pourrait comparer cela à un ballon de football rempli d'airair que l'on plonge dans l'eau et qui remonte à la surface, car l'eau est plus dense tout autour ». Cette pression additionnelle est-elle suffisante pour causer des fissures de la croûte terrestre, suivies d'une éruption violente, ou faut-il une source d'énergieénergie externe comme un tremblement de terretremblement de terre ? Tel était le sujet de cette recherche.
Comme il est impossible de percer un trou dans la chambre magmatique d'un supervolcan pour l'étudier directement, les scientifiques ont reproduit en laboratoire les conditions extrêmes de pression et de température au niveau du magma. « Les rayons Xrayons X du synchrotron européen (ESRF) peuvent être utilisés pour connaître l'état (liquideliquide ou solide) de la matièrematière et les changements de densité lorsque le magma cristallise sous forme de roche », rappelle Mohamed Mezouar, chercheur à l'ESRFESRF et membre de l'équipe.
Différence de pression suffisante pour fissurer la croûte terrestre
Jean-Philippe Perrillat, chercheur au Laboratoire de géologiegéologie de Lyon, Terre, planètes et environnement (CNRS, université Lyon 1, ENS Lyon), ajoute que « des températures de plus de 1.700 °C et des pressions jusqu'à 36.000 atmosphères peuvent être atteintes à l'intérieur d'une presse appelée Paris-Édimbourg, où de minuscules échantillons de roche sont placés entre les deux pointes d'une enclume en carburecarbure de tungstènetungstène puis chauffés avec un four résistif. Cet appareillage a été utilisé pour déterminer très exactement la densité du magma liquide sur une large gamme de pressions et de températures ». Le magma contient souvent de l'eau qui, sous forme de vapeur, ajoute de la pression. Les scientifiques ont également établi les densités de magma en fonction du contenu en eau.
Présentés dans Nature Geoscience, les résultats de ces expériences ont montré que la pression résultant des différences de densité entre la roche solide et le magma liquide est suffisante pour fissurer la croûte terrestrecroûte terrestre sur une distance de 10 km de la chambre magmatique. « Notre recherche a montré que la pression est suffisante pour que la croûte terrestre se fissure et le magma pénètre dans la croûte, même en l'absence d'eau ou de bulles de dioxyde de carbonedioxyde de carbone, conclut Carmen Sanchez-Valle de l'EPFZ. En montant vers la surface, une expansion violente du magma connue pour être à l'origine des explosions volcaniques peut se mettre en place. »