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Les géochimistes et géophysiciens disposent d'outils pour remonter dans le passé de la Terre en décryptant ses archives, par exemple avec le paléomagnétisme des roches ou leur contenu en certains isotopesisotopes. Cependant, plus on s'approche de la naissance de la Terre, plus ces archives sont rares et difficiles à interpréter. En effet, les turbulencesturbulences géologiques de notre planète, notamment avec la tectonique des plaques, tendent à effacer ou brouiller les informations. On peut tout de même trouver des indications sur la température des océans, leur composition chimique ou la duréedurée du jour il y a des centaines de millions d'années, voire des milliards.
Les scientifiques s'accordaient à dire que l'atmosphère de la Terre ne devait pas avoir les mêmes caractéristiques qu'aujourd'hui il y a presque trois milliards d'années. Elle contenait notamment beaucoup moins d'oxygène et même, pour ainsi dire, pas du tout. Il a fallu attendre la Grande Oxydation pour que l'activité des formes biologiques photosynthétiques commence à faire grimper la quantité présente (car les océans étaient à saturation vers 2,4 milliards d'années).
On pensait aussi que l'atmosphère de l'époque était probablement plus épaisse qu'aujourd'hui d'un facteur deux. En effet, la luminositéluminosité du soleilsoleil, que l'on peut déduire de la théorie de la structure et de l'évolution stellaire, était plus basse d'environ 20 %. Or, si l'on prend les caractéristiques de l'atmosphère moderne, l'effet de serre n'était pas assez important pour que la Terre ne soit pas complètement prise dans les glaces. On sait également qu'il n'y avait pas assez de gaz carboniquegaz carbonique ou de méthane dans l'atmosphère pour augmenter sa température et l'on a pourtant des traces incontestables d'eau liquideliquide en abondance : c'est ce que l'on appelle le paradoxe du jeune Soleil faible.
De la lave se jetant dans l'océan Pacifique, à Hawaï. Elle est rapidement refroidie ce qui stoppe le développement de bulles de gaz en surface. Ces images donnent une idée de ce qui se passait à l'Archéen, dans la région de Pilbara. © volcanochaser, YouTube
Des bulles de gaz dans la lave, en équilibre avec l'atmosphère
Il y a quelques années, en 2009, une solution à ce problème avait été trouvée. Il suffisait d'admettre que l'épaisseur de l'atmosphère était le double de celle d'aujourd'hui pour produire un effet de serre adéquat. Toutefois, une publication dans Nature Geoscience d'une équipe de chercheurs australiens et états-uniens vient de jeter un pavé dans la marre. Selon eux, il y a 2,7 milliards d'années, l'épaisseur de l'atmosphère était probablement du quart ou tout au plus de la moitié de sa valeur actuelle.
Pour arriver à ce résultat étonnant, Roger Buick, un géologuegéologue de l'University of Washington, à Seattle, a eu l'idée d'utiliser avec ses collègues une ingénieuse méthode mise au point dans les années 1980 par Dork Sahagian, un autre géologue mais de la Lehigh University, en Pennsylvanie. Elle permet d'estimer la pressionpression de l'atmosphère en mesurant la taille des bulles de gaz piégées dans la croûtecroûte superficielle d'échantillons de lave en train de se refroidir rapidement une fois à l'airair libre.
Les chercheurs se devaient de trouver de tels échantillons qui soient tout à la fois suffisamment anciens et peu altérés pour conduire à des résultats fiables. Ils ont finalement trouvé ce qu'ils cherchaient dans la célèbre région de Pilbara, en Australie-Occidentale : des basaltesbasaltes produits par le refroidissement de la lave plongeant dans une mer de l'ArchéenArchéen à la façon de ceux que l'on peut contempler sur l'île d'Hawaï... mais il leur a fallu 10 ans !
Comment interpréter ce résultat ? Pour les chercheurs, le fait que l'atmosphère de l'époque ne contenait pas d'oxygène explique une partie de la faible pression mesurée mais elle devait aussi contenir moins d'azoteazote. Ils pensent que la vie affectait alors différemment le cycle de l'azotecycle de l'azote, conduisant à faire baisser sa quantité dans l'atmosphère.
Reste à expliquer sa température... Peut-être faut-il chercher la solution de l'énigme du côté de travaux déjà publiés en 2013 qui faisaient intervenir une modélisationmodélisation fine sur ordinateurordinateur de la circulation générale de l'atmosphère et qui donnaient une autre explication pour le paradoxe du jeune Soleil faible.