Enfouis au Trias, ces spores de lycopodes ont vu s’ériger les Alpes au-dessus d’eux et subi des pressions atteignant 14.000 bars sous une température de 360° C. Pourtant, une analyse d’un nouveau genre révèle une étonnante conservation des structures biologiques. De quoi donner l’espoir de trouver des traces de vie anciennes là où on n'en attendait pas et de faire la différence avec des phénomènes purement minéraux.

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    Un spore fossile observé en optique (en haut) et sa cartographie Raman (en bas), où la teinte jaune ou blanche indique la présence d’ankérite pure (carbonate de calcium, de fer, de magnésium et de manganèse). © CNRS

    Un spore fossile observé en optique (en haut) et sa cartographie Raman (en bas), où la teinte jaune ou blanche indique la présence d’ankérite pure (carbonate de calcium, de fer, de magnésium et de manganèse). © CNRS

    Dans ces calcaires datant de 230 millions d'années et extraits du massif de la Vanoise, sur le Roc de la Pêche-Chanrossa, personne n'espérait retrouver des traces d'organismes vivants. Ces roches - leur structure en témoigne - ont subi au cours de l'érection des Alpes une élévation de température jusqu'à environ 360 °C tandis que la pressionpression a atteint 1,4 gigapascal, soit 14.000 fois la pression atmosphérique. Dans ces conditions, qui correspondent à un enfouissement de 35 kilomètres, les roches se transforment profondément. C'est le métamorphisme. S'il existe de la matièrematière organique incluse, il n'en reste plus aucune trace après des millions d'années d'un pareil traitement.

    Du moins le croyait-on. Car dans ces roches alpines sont apparus des organismes fossilisés, en l'occurrence des spores de lycophytes, des plantes vertes à racines, communes à l'époque du Trias, et dont les lycopodes sont les représentants actuels. La découverte vient d'être présentée par un groupe de deux équipes françaises et une américaine (Laboratoire de géologiegéologie de l'Ecole normale supérieure, Institut de Minéralogie et de PhysiquePhysique des Milieux Condensés et Department of Geological and Environmental Sciences, Université de Stanford, Californie).

    Photographiés au microscope optique en lumière réfléchie, deux spores fossiles de Lycophytes retrouvés dans la Vanoise. Celui de gauche est essentiellement formé de calcite, tandis que celui de droite renferme de la phengite (une forme de mica). © CNRS

    Photographiés au microscope optique en lumière réfléchie, deux spores fossiles de Lycophytes retrouvés dans la Vanoise. Celui de gauche est essentiellement formé de calcite, tandis que celui de droite renferme de la phengite (une forme de mica). © CNRS

    Superbes fossiles

    Les chercheurs ont employé un assemblage original de trois techniques, la spectromicroscopie à rayons Xrayons X (ou STXM, Scanning transmission X-ray microscopy, utilisant un synchrotron), la microspectroscopie Raman et la microscopie électronique à transmission. Elles ont mis en évidence des structures fossilisées remarquablement conservées, formées de magnétitemagnétite, d'ankérite (un carbonate), de phengite (un mica) et de calcitecalcite. Mieux encore, de la matière organique existe toujours. Bien sûr, elle a été largement modifiée depuis que les spores ont été pris au piège mais elle présente des hétérogénéités qui correspondent manifestement à différentes structures des spores quand ils étaient vivants.

    Les observations ont permis de les caractériser depuis l'échelle du millimètre jusqu'à celle du nanomètrenanomètre, et d'en observer la morphologiemorphologie mais aussi la structure chimique. Par exemple, dans ce qui apparaît comme la membrane de ces spores fossilesfossiles, la spectromicroscopie à rayons X a mis en évidence des groupements moléculaires caractéristiques de la sporopollénine, que l'on retrouve dans les parois des spores actuels.

    Leur organisation a donc pu être étudiée comme l'aurait été celle de fossiles classiques bien conservés. La surprise est totale pour de la matière vivante ayant subi un métamorphisme d'une telle ampleur. Jusqu'à présent, on considérait en effet que ces conditions détruisaient complètement toute trace de matière organique. Il est donc permis d'imaginer que des fossiles du même genre nous attendent encore dans des sites dont on n'espérait aucun cadeau pour les paléontologistes.

    Au passage, l'efficacité de la combinaison de techniques microscopiques donne peut-être des armes pour mieux faire la distinction entre des structures d'origine biologique et des formations purement minérales. Ces dernières prennent en effet parfois la forme d'organismes vivants et ont plus d'une fois trompé leur monde.