C’est en 1886 que des chercheurs ont découvert, pour la première fois, des ossements humains dans la grotte de Spy (Belgique). Des ossements appartenant aux derniers survivants de l’Homme de Neandertal en Europe. Et une nouvelle datation de ces ossements suggère aujourd’hui justement que Neandertal a disparu de nos contrées plus tôt que les pensaient les chercheurs.
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La grotte de Spy (Belgique) est ce que les chercheurs appellent un site paléolithique remarquable. Ils y ont notamment trouvé des fossiles de Néandertal. Et pas n'importe lesquels puisqu'ils appartiendraient aux derniers survivants de l'espèceespèce en Europe. Mais si les premières études les dataient d'il y a 24.000 ans seulement, de nouveaux travaux estiment désormais qu'ils remontent au moins à 40.600 ans. Voire même à 44.200 ans !
L'écart vient, selon les chercheurs, de la précision avec laquelle ils ont pu préparer leurs échantillons. Car rappelons que tous les êtres vivants absorbent du carbone. Du carbone 14, pour ce qui nous intéresse ici. Celui-ci, en effet, se désintègre avec le temps. Lorsque l'être vivant meurt, il cesse d'absorber du carbone et ce qu'il reste de carbone 14 au moment de la découverte de sa dépouille renseigne sur le moment auquel il a vécu.
Mieux comprendre Néandertal
Plus précisément, les chercheurs qui datent les ossements au carbone 14 extraient et analysent la partie faite de collagènecollagène. Et ils ont ici mis au point une méthode robuste qui se concentre sur les éléments constitutifs du collagène : les acides aminésacides aminés. En particulier ceux dont ils pouvaient être sûrs qu'ils faisaient partie du collagène.
Ainsi selon les chercheurs, l'Homme de NéandertalNéandertal aurait donc disparu du nord de l'Europe bien plus tôt qu'on le pensait auparavant. D'autant que des datations sur d'autres sites ont donné des résultats semblables. Pourquoi est-ce important ? Parce qu'avoir une idée précise du moment de la disparition de Néandertal est une étape clé pour mieux comprendre sa nature et ses capacités, ainsi que la ou les raisons pour lesquelles il a finalement disparu alors que nos propres ancêtres prospéraient.
L'Homme de Néandertal espagnol aurait disparu bien plus tôt que prévu
Une étude anglo-espagnole affirme, à l'aide d'une nouvelle technique de datation, que l'Homme de Néandertal aurait disparu de la péninsulepéninsule ibérique au moins 10.000 ans plus tôt que prévu. La rencontre avec l'Homme moderne aurait donc été impossible. Une grande nouvelle qui changera le contenu des livres d'histoire ? Plutôt un faux débat pour Marylène Patou-Mathis, préhistorienne interrogée par Futura-Sciences.
Article de Janlou ChaputJanlou Chaput paru le 06/05/2013
- Un dossier pour tout savoir de l'Homme de Néandertal
Avant nous, l'Homme de Néandertal. Ce cousin, presque notre frère, partage avec nous 1 à 4 % des gènes. Mais voilà environ 30.000 ans, pour des raisons encore débattues, ces peuples ont disparu de la surface du monde. Certains paléontologuespaléontologues considèrent que les derniers représentants de cette espèce humaine se sont éteints sur la péninsule ibérique, composant aujourd'hui le territoire de l'Espagne et du Portugal.
Mais d'après des chercheurs européens, dirigés par Thomas Higham de l'université d'Oxford, les Néandertaliens ayant peuplé cette région pourraient avoir disparu au moins 10.000 ans plus tôt que prévu. En utilisant une nouvelle technique de datation au carbone 14, ils ont montré que les sites préhistoriques testés n'avaient pas 35.000 ans, mais plutôt 45.000 à 50.000 ans.
Des Néandertaliens vieillis de 10.000 ans par le carbone 14
Comment ce radio-isotope, connu pour la précision de ses datations dans une échelle de 50.000 ans, peut-il fournir des données aussi différentes ? Il faut bien comprendre que les os passés au détecteur peuvent avoir été contaminés par une source extérieure de carbone après la mort de l'individu. Cela fausse alors les données.
Par ultrafiltration, les auteurs expliquent dans Pnas avoir développé une méthode de datation plus précise. Ils ont voulu mener leur analyse sur 215 os retrouvés dans 11 sites néandertaliens de la péninsule ibérique, datés d'environ 35.000 ans. Malheureusement, leurs ambitions ont été revues à la baisse. Seuls huit ossements contenaient assez de collagène pour être datés précisément. Tous provenaient non de 11, mais de seulement deux sites, situés en altitude : Jarama et Zafarraya.
Un de ces os, qu'on pensait âgé de 33.300 ans, aurait appartenu en réalité à un individu mort voilà 46.700 ans. D'autres dateraient même de 50.000 ans. Certains estiment que les premiers Hommes modernes auraient atteint ces contrées voilà 42.000 ans. Toute rencontre avec les Néandertaliens de la région s'avère donc impossible. Les études précédentes auraient-elles sous-estimé l'âge de la mort de Néandertal ? Faut-il remettre en cause la préhistoire humaine ?
Les derniers Néandertaliens pas forcément espagnols
Non, clame Marylène Patou-Mathis, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de cet homininéhomininé au Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle. « Je ne doute pas des dates avancées par ces chercheurs, mais comment est-il possible de généraliser à l'échelle d'un territoire à partir de seulement deux sites ? Une analyse locale ne peut fournir une réponse globale », remarque la préhistorienne. D'autant que ces grottes sont situées en haute altitude. Elles auraient très bien pu être délaissées à l'époque où la période glaciairepériode glaciaire frappait l'Europe pour des régions plus chaudes, qui favorise aussi la dégradation du collagène des os et qui compliquent la datation.
« Il faut également qu'on arrête de croire systématiquement que les derniers Néandertaliens vivaient en Espagne, reprend-elle. On a montré que certains d'entre eux vivaient en Croatie ou en Crimée [péninsule ukrainienne, NDLRNDLR], il y a moins de 35.000 ans. Ce travail ne remet donc pas en cause la date de disparition des Néandertaliens. »
Homo sapiens disculpé
Quant à la question de la rencontre entre les deux espèces humaines de l'époque, la préhistorienne a un avis précis. « Il y a eu hybridation aux alentours de -70.000 à -80.000 ans, au Proche-Orient ou dans les environs. Puis les Hommes modernes ont migré vers l'ouest et ont pu, sur leur chemin, rencontrer quelques populations néandertaliennes, notamment dans les Balkans. Mais, il me paraît en effet peu probable que les deux espèces se soient croisées en Espagne, même dans le cas où elles auraient vécu à la même époque en Europe : les régions sont tellement grandes et les groupes tellement petits ! » En conclusion, cette étude, aussi intéressante et crédible soit-elle, ne semble pas bouleverser l'histoire des relations qu'ont pu entretenir Homo sapiens et Néandertal. Et ne modifie pas l'histoire récente de l'évolution humaine.
Néanmoins, elle pourrait apporter des éléments qui justifient que les Hommes modernes ne sont pas responsables de la disparition des Néandertaliens. « Notre "cousin" n'a pas disparu du jour au lendemain. C'est un processus qui a pris du temps, et des éléments nous indiquent que ces populations humaines étaient déjà sur le déclin avant même que nos ancêtres modernes n'arrivent en Europe », signale Marylène Patou-Mathis. Ouf ! On savait Homo sapiensHomo sapiens très doué pour entraîner la disparition d'espèces, mais dans ce cas, les faits semblent le dédouaner.