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François Sémah

François Sémah

Préhistorien - Géologue

Futura-Sciences … ton nom m’a un peu rebuté la première fois que je t’ai identifié sur le Web ! Bien à tort, je l’ai tout de suite reconnu en me promenant sur tes pages, en appréciant à la fois leur contenu, leur mise à jour permanente et aussi toute leur humanitéde quoi regretter d’être né trop tôt, et donc de n’avoir pu accéder avec autant de facilité à une telle offre, à un tel outil, lorsque j’étais un adolescent qui s’interrogeait sur son orientation, qui se demandait si pour un être humain normal (j’entends par là qui ne se considère pas comme un génie) le risque inhérent à la recherche pouvait aller de pair avec un sentiment de plénitude et, pourquoi pas, de bonheur. Souhaitons à Futura-Sciences d’aider à se concrétiser beaucoup de vocations, beaucoup de futurs…au fait, son nom vient peut-être de là ?

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Biographie

François Sémah a acquis une formation en géologiegéologie appliquée à l'Ecole Nationale Supérieure de Géologie et de Prospection Minière de Nancy. Il eût la chance d'y être l'élève de René Coppens, père d'Yves CoppensYves Coppens, qui l'aidèrent à entreprendre, une fois diplômé Ingénieur (1976), un DEA puis un doctorat de spécialité en Géologie du QuaternaireQuaternaire sous la direction d'Henry de Lumley. Au-delà de ses travaux de terrain, il se spécialise alors dans l'applicationapplication du magnétismemagnétisme des roches sédimentairesroches sédimentaires à la chronologie de la période Quaternaire.

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Après un séjour en qualité d'archéologue en Polynésie Française à l'ORSTOM (aujourd'hui IRDIRD), il entre au CNRS en 1979 et prépare un doctorat d'Etat sur la chronologie des sites à hominidéshominidés de l'île de JavaJava (1984). Un second séjour à l'IRD (1986-1990) lui permet de développer des fouilles préhistoriques et des études paléoclimatiques sur les sites lacustreslacustres en Indonésie. Il les poursuivra entre 1991 et 1994, alternativement au CNRS et à l'IRD, qui lui permettra d'étendre son terrain de recherche à la Nouvelle-Calédonie, à la recherche des plus anciens habitants des vallées de la Grande Terre. Nommé Directeur de Recherche en 1994, année où lui est décernée la Médaille d'ArgentArgent du CNRS, il retourne au Laboratoire de Préhistoire du Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle où il prendra, en 1995, la direction de l'unité mixte de Préhistoire Muséum-CNRS. Il intègrera ce même établissement en 1999. Professeur au Muséum, il dirige le Département de Préhistoire. Il anime pour la France le Master européen Quaternary and Prehistory ainsi que le réseau européen et asiatique HOPsea (Human Origins Patrimony in Southeast Asia). Il poursuit aujourd'hui des recherches en Asie du sud-est insulaire, tant sur les Homo erectusHomo erectus isolés à Java au cours du PléistocènePléistocène inférieur que sur la chronologie du Paléolithique des archipelsarchipels.

-- Quelques publications scientifiques

- SÉMAH, F., 1984. The Sangiran dome in the Javanese Plio-Pleistocene chronology. in G.H.R. von Koenigswald Memorial Symposium "The Early Evolution of Man", Bad Homburg, 1983, Courrier Forschungsinstitut Senckenberg, - Frankfurt/Main, 69, p. 245-252.
- BIQUAND, D. & F. SÉMAH, 1987. ViscositéViscosité magnétique potentielle, aimantationaimantation détritique et viscosité réelle d'un sédimentsédiment lacustre quaternaire - Exemple de la coupe de Bernasso (Massif de l'Escandorgue, Sud de la France).  Journal Canadien des Sciences de la Terre, 24, p. 1903-1912.
- SÉMAH, F., A.-M. SÉMAH, TT. DJUBIANTONO & H.T. SIMANJUNTAK, 1992. Did they also make stone tools ? Journal of Human Evolution, London, 23, p. 439-446.
- SÉMAH, F.,  A.-M. SÉMAH & H. FORESTIER, 1995.  Nouvelles données sur le peuplement ancien  de la Nouvelle-Calédonie : la vallée de la Koumac (Grande-Terre). Comptes-Rendus  Acad. Sc. Paris, 320, IIa, p. 539-545.
- SÉMAH, F., 1997. Plio-Pleistocene reference sections in Indonesia, in "The Pleistocene boundary and the beginning of the Quaternary", dir. Van Couvering, J.-A. Cambridge University Press, pp. 264-272.
- SÉMAH, F., G. FÉRAUD, H. SALEKI, C. FALGUÈRES et T.DJUBIANTONO, 2000. Did early Man reach Java during the late Pliocene? Journal of Archaeological Science, 27, p.763-769.
- SÉMAH, F., C. FALGUÈRES, D. GRIMAUD-HERVÉ et A.-M. SÉMAH, (Eds), 2001. Origine des peuplements et chronologie des cultures paléolithiques dans le sud-est asiatique / Origin of settlements and chronology of Palaeolithic cultures in Southeast Asia. Actes du Colloque de la Fondation Singer-Polignac, Semenanjung-Art'Com, Paris, 416 pp.
- DIZON, E., F. DÉTROIT, F. SÉMAH, F., C. FALGUÈRES, S. HAMEAU, W. RONQUILLO et E. CABANIS, 2002. Notes on the morphology and age of the Tabon Cave fossil Homo sapiensHomo sapiens. Current Anthropology, Vol. 43, 4, p. 660-666.
- SÉMAH, F., A.-M. SÉMAH et H.T. SIMANJUNTAK, 2002. More than a million years of human occupation in insular Southeast Asia: the early archaeological record of Eastern and Central Java. in Mercader, J. (ed) Under the Canopy: The Archaeology of Tropical Rainforests. Rutgers University Press, 161-190.
- SÉMAH, F., A.-M. SÉMAH, C. FALGUÈRES, F. DÉTROIT, T. SIMANJUNTAK, A.-M. MOIGNE, X. GALLET et S. HAMEAU, 2004. The significance of the Punung karstic area (Eastern Java) for the chronology of the Javanese Palaeolithic, with special reference to the Song Terus cave.  in  S.G. Keates & J. Pasveer Eds., "Quaternary Research in Indonesia", Chapt. 4,  Modern Quaternary Research in S-E Asia, Balkema, Rotterdam, vol. 18, p. 45-61.

Quelques publications plus destinées au grand public

- SÉMAH, F., A.-M. SÉMAH & T. DJUBIANTONO, 1990. Ils ont découvert Java. Muséum National d'Histoire Naturelle et Puslit Arkenas ed., Jakarta, 128+16pp.
- SÉMAH, F. & T. DJUBIANTONO (réal. R. H. Sarwono & G. Muller), 1993. Il est arrivé jusqu'à Java. Vidéogramme, 24 min., Televisi Pendidikan Indonesia, Ministère des Affaires Étrangères et Association Semenanjung.
- SÉMAH, F. & D. GRIMAUD-HERVÉ (Eds), 1993. Le Pithécanthrope de Java. Les Dossiers d'Archéologie, (coordination du n° 184).
- SÉMAH, F., A.-M. SÉMAH, H.T. SIMANJUNTAK et D. DRIWANTORO, 2002. Image et Archéologie Préhistorique. CDCD ROMROM Catalogue de l'exposition 'Gambar dan Arkeologi Prasejarah', trilingue, Muséum national d'Histoire naturelle/ Ministère Indonésien du Tourisme et de la Culture, Jakarta.
- SÉMAH, F., A.-M. SÉMAH & H.T. SIMANJUNTAK, 2004. Le peuplement ancien de l'archipel Indonésien. in « Archéologies », Maisonneuve & Larose / ADPF-ERC, Paris, p. 646-649.

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métier

1 - La journée type, version A Note : ce passage contient des images déconseillées au lecteur idéaliste et sensible, qui choisira directement la version B. Au centre d’une ville appelée Paris : Je me réveille en nage et en sursaut, il est 4h45. J’ai beau être quelqu’un de relativement organisé, les multiples retards aiguillonnent mon sentiment de culpabilité, mon agenda se déroule dans ma tête comme un fichier Excel sans fin. Priorité à l’humain sur le matériel, je me précipite pour répondre au courrier, organiser les réunions de la journée, régler les problèmes avec l’avidité de celui qui anticipe l’urgence inattendue qui ne manquera pas de se présenter. Le soir arrive sans que la journée ait existé. Je remplis alors consciencieusement des pages de l’emploi du temps du week-end, qui sera réservé autant que faire se peut à la recherche, aux étudiants, à écrire. Bon, j’arrête, désolé, pas le temps d’épiloguer là-dessus. 2 - La journée type, version B Au centre d’une île appelée Java : Le chant lancinant des prières s’amortit en ricochant contre les arbres de la colline et m’indique que la journée a commencé. Il ne fera jour que dans un moment, mais cela ne vaut pas la peine d’allumer la lampe à pétrole, comme l’ont fait depuis déjà longtemps les autres maisons du village. Mieux vaut sortir enveloppé dans un sarong pour profiter de la paix des premières lueurs, compter en buvant un mauvais café les multiples écrans de brume qui stratifient verticalement, comme un décor à l’opéra, la forêt tropicale. Je pense aux tâches de la journée, récapitule mentalement les objectifs définis la veille. J’en teste tranquillement la faisabilité auprès du premier fouilleur matinal qui est venu s’asseoir sur ses talons devant la maison, à mon côté, les instillant dans un bavardage grave et presque chuchoté qui mêle l’indonésien et mon javanais hésitant, et qui dure invariablement le temps d’une cigarette. La luminosité s’accroît de pair avec le bruit du village. Dans un instant, l’eau froide aura horripilé ma peau dont je forcerai le contact avec un jean raidi par la boue, j’avalerai mon assiette de riz, de légumes, tofu et graines de soja fermentées avant que nous partions. Il fait déjà grand jour lorsque nous arrivons sur le chantier de fouilles, chassons une brebis  qui semble vouloir s’aventurer sur le sol délicatement dégagé, qui s’enfuit dans un bruit de grelot. Nous commençons, à entamer la couche d’argile humide dont nous avons atteint le sommet la veille. Nous ne boudons pas notre plaisir : dans quelques heures elle durcira, éclatera par blocs sous l’action du soleil malgré les bâches. Ceci nous obligera à protéger dès le dégagement, sous une carapace d’acétate de cellulose, les ossements et même souvent les pierres cachées dans l’argile. Et pourtant ces restes, qui ne payent pas de mine, sont si importants à nos yeux. Nous sommes à la recherche des  déchets abandonnés là il y a près d’un million d’années par d’autres hommes, à l’époque où cette argile représentait la rive boueuse d’un cours d’eau. Ces hommes, je m’obstine en privé à les appeler Pithécanthropes, au grand effroi de mes collègues puristes car ce sont des Homo erectus (pas les collègues, les fossiles). En fait, le nom de Pithécanthrope fleure si bon le mystère des origines, et je suis attaché à cet aspect encore aujourd’hui mystérieux : nous savons bien à quoi ils ressemblaient, mais si peu comment ils vivaient, et c’est justement cette vie quotidienne que nous raconte chaque morceau d’argile que nous enlevons, chaque esquille d’ossement de proie ou de charogne, chaque galet utilisé ou taillé, dont les plus durs ont été importés depuis des gîtes très lointains. La chaleur est maintenant écrasante, accentuée par le feu proche sous la cendre duquel cuisent quelques racines de manioc que nous dégusterons avec une lampée d’eau chaude. Le cerveau anesthésié, nous travaillons maintenant comme des automates précis qui creusent, protègent, tamisent, notent, emballent. Vers midi, la procession bariolée des femmes qui apportent le repas annoncera la pause, repas rapide pour ne pas empiéter sur la demi-heure de sieste presque comateuse déclenchée par l’ivresse de lumière, de chaleur et de poussière avant de reprendre le labeur. Les fouilleurs nous quittent vers 16h00. La plupart on déjà travaillé dans leurs champs à l’aube, et doivent y retourner, puis faire boire et rentrer leur bétail. C’est là que commence, dans une relative solitude, le second moment privilégié de la journée de travail. Nous réalisons à quel point le chantier de fouille s’apparente à un laboratoire expérimental : le site a changé depuis hier, c’est maintenant évident. Nous avons trouvé des objets, suivi la limite d’une couche, ce qui nous permet de tester plus avant nos hypothèses, d’établir le planning précis du lendemain. Briefing. Je laisse les autres partir en avant. Je reste seul assis sur un coin d’argile qui se réhydrate peu à peu, reprend l’aspect qu’elle devait avoir il y a si longtemps, au bord de la rivière d’alors, lorsqu’un autre peut-être, harassé, s’est assis au même endroit pour regarder et  –qui sait ?- jouer avec les méchantes pierres qu’il avait récoltées dans le lit du cours d’eau : « demain, il faudra que j’en trouve de meilleures, de celles qui se taillent bien ». Le crépuscule ne durera que quelques minutes.