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Debout, Zahi Hawass. Couché, Toutankhamon. © SCA
L'inénarrable docteur Zahi Hawass , l'homme au Stetson vissé sur la tête à l'image d'Indiana Jones, son héros, a révélé à la presse mondiale ce mercredi 17 février au musée du Caire les résultats des analyses génétiquesgénétiques conduites sur plusieurs momies, dont celle de Toutankhamon.
L'étude, réalisée par des équipes de la Faculté de médecine du Caire, du Centre de recherche national égyptien, de l'université de Tübingen (Allemagne) et de l'Eurac (Italie), vient d'être publiée dans le Journal of the American Medical Association. Elle éclaire d'un jour nouveau le destin étrange et si court du pharaon Toutankhamon, précisant également les filiations de la famille royale sur cinq générations.
D'après les historienshistoriens, Toutankhamon est le fils d'Amenhophis IV (ou Amenhotep IV) et de sa femme Néfertiti. Inventeur du monothéisme, poète à ses heures et protecteur des arts, ce pharaon original réduit le pouvoir des prêtres et instaure le culte d'Aton, le disque solaire, au point de changer de nom pour devenir Akhenaton, « celui qui plaît à Aton ». A sa mort, le pouvoir religieux prend sa revanche et rétablit les croyances orthodoxes, dans lesquelles Amon tient un rôle principal. Le tout jeune pharaon, âgé de 9 ans, Toutankhaton, est débaptisé et nommé Toutankhamon. Mort très jeune (à 19 ans), il est inhumé avec fastes, comme en témoigne sa célèbre momie richement parée.
Reconstitution du crâne de Toutankhamon à partir de 1.700 images réalisées à l'aide d'un scanner de type médical (un tomographe) installé dans un camion pour une analyse effectuée en 2005 lors d'une brève sortie de la momie. (Cliquer sur l'image pour afficher l'article.) © SDA
Paludisme et maladie des os
En 2005, Zahi Hawass et ses équipes ont entamé une série d'études sur cette momie. Une analyse au scanner CT (ou tomographietomographie) a infirmé l'hypothèse d'un assassinat, fondée sur la présence d'un trou dans la boîte crânienneboîte crânienne (lequel aurait été pratiqué au moment de la momification). Aujourd'hui, l'analyse génétique nous en dit bien plus sur ce jeune pharaon de la 18e dynastie, qui vécut au 14e siècle avant Jésus-Christ.
En langage d'égyptologue, l'ADNADN fait de Toutankhamon le fils de KV55 et de KV35YL. En langage clair, d'Akhenaton et de la Jeune Dame. La momie trouvée dans la tombe numérotée KV55 est attribuée en effet au quatrième pharaon Amenhotep. Quant à la momie KV35YL, surnommée Jeune Dame (Young Lady), on pensait jusque-là qu'elle n'était autre que la belle Néfertiti. Mais elle aussi a subi des tests génétiques et son ADN montre qu'elle était la sœur d'Akhenaton. Par ailleurs, les études génétiques révèlent aussi que Akhenaton était le fils d'Amenhotep III et de Tiyi, tout comme la Jeune Dame de la tombe KV35YL, laquelle ne peut donc être Néfertiti, a conclu Zahi Hawass.
Toutankhamon est donc bien le fils de son père légitime (certains égyptologues en faisaient son frère) mais pas de la femme de son père. Sa mère était la sœur de son père... L'inceste était coutumier dans les lignées royales de l'Egypte antique et le fait n'est pas surprenant. Toutankhamon a d'ailleurs été marié à Ankhesenpaamon (née Ankhesenpaaton), fille de Néfertiti et d'Akhenaton. Les autres momies étudiées, celles de Youva et Touya, seraient, respectivement, le père et la mère de Tiyi et donc les grands-parents d'Akhenaton. Le mystère demeure, en revanche, pour les deux foetusfoetus retrouvés dans la tombe de Toutankhamon. Il en serait le père, nous dit l'ADN, mais leur mère reste inconnue.
Les résultats des test ADN précisent également les causes de la mort prématurée de Toutankhamon. De nombreuses thèses ont circulé, la dernière en date étant celle d'une gangrène fulgurante après une chute de char. Les chercheurs ont repéré les gènesgènes d'un parasiteparasite connu, PlasmodiumPlasmodium falciparum, agent du paludismepaludisme (ou malaria). La maladie a également été détectée chez trois autres membres de la famille. Les parents de Toutankhamon lui ont aussi légué quelques tares, notamment la maladie de Köhler, une nécrose des os qui déforme le pied et génère des douleursdouleurs pénibles.
Une autre thèse est infirmée, celle du syndromesyndrome de Marfan, qui aurait pu expiquer l'aspect physique, étonnament longiligne, des représentations de la famille royale, simplement idéalisées par les artistes, qui suivaient la mode du moment, faisant du pharaon une figure d'adoration.
Avec son paludisme, les malformationsmalformations et la nécrose des os, le pharaon éphémère ne semblait pas avoir une grande chance de vivre vieux. Le jeune homme a trouvé sa revanche sur le destin grâce aux fastes de sa momification, qui en ont fait une célébrité 34 siècles plus tard, quand Howard Carter a découvert sa tombe en 1922.