Un brusque coup de froid en Europe aurait accéléré l'évolution des hommes de Néandertal pour en faire des Homo sapiens. C'est la thèse d'un chercheur canadien après son étude détaillée des restes d'animaux trouvés dans la grotte de Saint-Césaire, en France.

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    Trois Néandertaliens reconstitués par Elizabeth Daynès. A gauche, Pierrette, réalisée à partir du moulage du crâne trouvé à Saint-Césaire. © Ph. Plailly

    Trois Néandertaliens reconstitués par Elizabeth Daynès. A gauche, Pierrette, réalisée à partir du moulage du crâne trouvé à Saint-Césaire. © Ph. Plailly

    Dans la controverse sans fin sur les liens de parenté entre l'homme moderne (Homo sapiensHomo sapiens) et l'Homme de Néandertal, Eugène Morin (Department of Anthropology, Trent University, Peterborough, Canada) vient d'apporter un nouveau sujet de discussion. Selon lui, un changement climatiquechangement climatique brutal et important a durement frappé l'Europe de l'ouest au moment de la transition entre le paléolithique moyen et le paléolithique supérieur, un événement daté de 35.000 à 40.000 ans. La biodiversitébiodiversité des mammifèresmammifères aurait considérablement diminué, affectant gravement les conditions de vie pour les populations humaines, qui auraient connu une décroissance importante. L'article vient d'être publié dans les Pnas (Proceedings of the national academy of sciences of the United States of America).

    Ce scénario, selon le chercheur, met à mal l'hypothèse classique selon laquelle des Homo sapiens venus d'Afrique auraient colonisé justement à cette époque une Europe jusque-là peuplée de Néandertaliens. Ce n'était vraiment pas le moment pour des humains de s'installer là, explique-t-il en substance, alors que le territoire devenait hostile. En revanche, cette situation critique aurait rétréci les populations d'Hommes de Néandertal, favorisé la dissémination de mutations et finalement donné un coup de fouet à l'évolution. Le Néandertalien serait ainsi progressivement devenu un Homo sapiens.

    Pénurie d'herbivores

    C'est dans la grotte de Saint-Césaire, en Charente-Maritime, qu'Eugène Morin a découvert les principaux indices qui l'ont amené à cette hypothèse. A cet endroit se sont accumulés des restes fossilesfossiles durant des milliers d'années. Le crânecrâne d'une femme néandertalienne y a d'ailleurs été exhumé en 1979. De nombreux os fossiles y ont été retrouvés, avec des traces de tailles de boucheries et de cuisson. Par ailleurs, leur teneur en isotope 15 de l'azote indique qu'il s'agit surtout de restes d'herbivoresherbivores. Les hommes de cette époque se nourrissaient essentiellement de bisons, de rennesrennes, de chevaux et de cerfs. L'occupation de la grotte a été si constante, explique le chercheur, que l'étude des fossiles permet d'estimer la densité des populations humaines au fil du temps.

    Par ailleurs, en compilant des données de 27 sites nord-américains où ont été trouvés des restes humains de tribus indiennes, Eugène Morin a mis en évidence une corrélation entre la densité des populations humaines et la biodiversité des grands mammifères herbivores, deux valeurs qui croissent et décroissent en même temps. Approchés des données tirées de la grotte de Saint-Césaire, ces résultats l'ont conduit à conclure que les populations humaines avaient fortement décru au cours de cette période glaciairepériode glaciaire, en partie à cause de la raréfaction de leurs ressources en nourriture, en particulier le renne. L'hypothèse d'une invasion d'Homo sapiens venus d'Afrique, qui aurait supplanté Néandertal, semble improbable à l'auteur. De plus, souligne-t-il, les stratégies des humains pour trouver de la nourriture - chasser le grands herbivores - n'ont pas changé au cours de cette période, ce qui aurait été le cas si une nouvelle espèceespèce avait remplacé les Néandertaliens.

    Ces résultats et ce raisonnement, plutôt indirect, suffiront-ils à convaincre les tenants de l'hypothèse classique du remplacement d'Homo neandertalensisHomo neandertalensis par Homo sapiens ? Pas sûr...