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La préhistoire humaine s'écrit difficilement, mais progressivement. Si les squelettes ont donné des premières indications, les analyses génétiquesgénétiques en apportent de nouvelles et permettent de mieux resituer certains événements du passé. Dernièrement, des chercheurs sont même parvenus à reconstituer les génomesgénomes de l'Homme de Denisova et des Néandertaliens, facilitant ainsi la mise en évidence des parentés entre les différentes espècesespèces humaines s'étant succédé.
Une étude récente confirmait par exemple qu'il y avait bien eu une hybridationhybridation entre les Hommes anatomiquement modernes, nos ancêtres venus d'Afrique, avec des Néandertaliens ayant vécu au Moyen-Orient il y a 60.000 ans. Leurs descendants ont survécu et ont poursuivi leur route vers l'Europe à l'ouest, ou vers l'Asie, à l'est. Les populations européennes et asiatiques actuelles disposent dans leur ADNADN entre 1 et 4 % de gènesgènes directement hérités de l'Homme de Néandertal, à la différence des Africains, qui n'en portent aucune trace. Ainsi il a déjà été montré que nos cousins disparus ont légué des portions d'ADN à l'origine de maladies auto-immunesmaladies auto-immunes, altérant le fonctionnement du système immunitaire ou la fonction de la kératinekératine, une protéineprotéine de la peau, des onglesongles et des cheveux.
Néanmoins, toutes les données génétiques n'ont pas encore été analysées plus précisément. Et Philipp Khaitovitch, de l'Institut Max PlanckMax Planck de Leipzig (Allemagne), souhaitait apporter sa pierre à ce vaste édifice. Avec ses collègues, il vient d'écrire un article dans Nature Communications qui suggère qu'Européens et Asiatiques n'ont pas forcément reçu les mêmes gènes et que cette différence dans l'héritage pourrait avoir des conséquences insoupçonnées...
Néandertal (à gauche) était plus grand et imposant que son cousin moderne (à droite), qui lui a pourtant survécu. Non sans porter quelques traces d’une hybridation passée. © Ian Tattersall
Des Européens farcis à la graisse des Néandertaliens
Les génomes d'individus appartenant à 11 populations Européennes, Asiatiques ou Africaines ont été comparés à celui d'un Néandertalien, entièrement décrypté et publié dans Nature en décembre dernier, avec un focus particulier sur les variants géniquesgéniques liés au métabolismemétabolisme lipidique.
Premier constat, concordant avec les travaux précédents : Européens et Asiatiques disposent peu ou prou de la même proportion de gènes néandertaliens, alors que ceux-ci sont quasiment absents chez les Africains. Cependant, les populations installées depuis longtemps sur le Vieux continent disposent de trois fois plus de gènes hérités de NéandertalNéandertal impliqués dans le catabolismecatabolisme (dégradation dans l'optique de fournir de l'énergie) des acides grasacides gras que leurs homologues d'Extrême-Orient.
L'expérience ne se limite pas à cette découverte. Les scientifiques ont également participé à un examen du tissu cérébral récupéré sur 14 adultes Africains, Asiatiques et Européens, qu'ils ont comparé avec 14 chimpanzéschimpanzés afin de constater les différences fonctionnelles. Pourquoi regarder les cerveaux ? D'une part parce que cet organe se compose de nombreux acides gras. D'autre part parce qu'ils ont récolté les échantillons depuis des banques de données, et qu'il n'en existe pas permettant de comparer les niveaux de lipideslipides entre populations pour les autres tissus.
Des variants géniques avantageux à l’époque…
Là encore, le Vieux continent se distingue car les Européens présentent des taux lipidiques supérieurs à leurs pairs d'Afrique et d'Asie, ou que les chimpanzés, représentant l'état ancestral. Ce résultat suggère donc que ce paramètre a évolué récemment, après la séparationséparation de chacun de ces groupes humains, et qu'il a été soumis à la sélection naturellesélection naturelle.
Les Néandertaliens se sont adaptés au climat rugueux de l’Europe du nord préhistorique à l’aide de processus évolutifs toujours longs, et ayant abouti à l’émergence de variants géniques avantageux. Les Hommes anatomiquement modernes qui ont vécu dans les mêmes contrées se sont évité ces longs délais par hybridation. © Adrian Cousins, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0
Quid de l'impact de ces différences à l'échelle de la physiologie ? Pour l'heure, les chercheurs ne peuvent apporter une réponse tranchée. Néanmoins, ils supposent qu'elles ne sont pas sans conséquences. Les auteurs émettent l'hypothèse que la présence de ces variants géniques chez les Homme de Néandertal, fruits d'une évolution plurimillénaire, leur permettait de s'adapter à des environnements plus frais, en stimulant le métabolisme et facilitant la dégradation des graisses, permettant une production d'énergie et donc de chaleur plus intense. Transmis à un hybride de ces deux groupes humains, ils auraient proliféré dans le groupe d'Hommes anatomiquement modernes partis à la conquête de l'Europe du Nord car les individus porteurs auraient mieux supporté le climatclimat glacial.
… et peut-être à l’origine de l’obésité d’aujourd’hui
Cette recherche montre donc comment, par hybridation, un groupe humain peut prendre un raccourci évolutif, et hériter de gènes avantageux sans attendre des générations les processus sélectifs longs de plusieurs millénaires. Les auteurs évoquent même la notion d'introgressionintrogression, principalement appliquée aux plantes, qui désigne un transfert de gènes d'une espèce vers une autre par hybridation, suivie de croissements successifs avec les représentants de l'espèce dotée des nouveaux caractères.
Avantageux autrefois, ces variants géniques pourraient aujourd'hui favoriser les acides gras associés à des maladies métaboliques, terme qui regroupe l'obésité, le diabètediabète, l'hypertensionhypertension ou des maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires. Ce qui fut un avantage pour les premiers Européens modernes se retourne aujourd'hui contre leurs descendants actuels.