L'IE, ou intelligence émotionnelle, est censée mesurer la capacité à gérer et utiliser ses propres émotions mais aussi celles des autres. En dépendrait la facilité à s'intégrer dans un groupe. Les entreprises et les écoles commencent à s'approprier cette notion venue du monde anglo-saxon. Gilles Corcos, consultant spécialisé dans ce domaine, nous l'explique et Bernard Remaud, président de la Commission des titres d’ingénieurs, réagit.

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    L'IE, pour « intelligenceintelligence émotionnelle », remplacera-t-elle le QI, ce coefficient intellectuel censé mesurer l'intelligence comme un thermomètrethermomètre indique la température ? Peut-être. En tout cas, le concept d'intelligence émotionnelle fait son chemin au sein des entreprises et des cabinets de recrutement. Les futurs ingénieurs seraient donc bien inspirés de se pencher sur ce sujet et c'est pourquoi l'Insa (Institut national des sciences appliquées) en avait fait le thème de la quatrième édition des « P’tits déjeuners de la science ».

    Deux des intervenants nous en disent plus : Bernard Remaud, qui préside la CTI, Commission des titres d’ingénieurs, un organisme chargé d'accréditer les formations d'ingénieurs, privées ou publiques, en France, en Europe et plus loin encore, et Gilles Corcos, consultant spécialiste du sujet, auteur d'un livre (Développez vos compétences émotionnelles) et fondateur du cabinet Odyssée Motion.

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    Futura-Sciences : Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?

    Gilles Corcos : C'est une forme d'intelligence, parmi d'autres, alors que nos sociétés modernes se focalisent sur l'intelligence cognitive. Elle comprend deux aspects : l'un personnel, l'autre interpersonnel. Il s'agit de la capacité à maîtriser ses émotions mais aussi à comprendre celles des autres. Cette notion implique qu'il faut être conscient de ses émotions, ne pas les cacher. Si je sens que je suis en colère, alors je pourrai dominer cette colère.

    Bernard Remaud : J'y vois un concept valise, une sorte de packaging qui englobe des idées déjà connues. C'est aussi un domaine utile et un bon sujet. Les compétences d'un ingénieur incluent le savoir et le savoir-faire mais aussi le savoir-être.

    FS : En quoi est-ce important pour les entreprises ?

    GC : Je donne un exemple dans mon livre : celui d'une femme qui m'a consulté parce qu'elle n'avait pas suffisamment confiance en elle pour prendre la parole dans de grandes réunions importantes. C'est ce que j'appelle un manque de compétences émotionnelles. Après avoir développé ces compétences, elle a pu, lors de la discussion d'un important contrat, faire entendre ses idées, ce qui s'est concrétisé par une opération très lucrative pour son entreprise. Daniel Goleman [psychologue américain qui a popularisé la notion d'intelligence émotionnelle, NDLRNDLR], après une étude sur 200 entreprises, affirme que l'évolution de leurs résultats est due à 60 % aux compétences émotionnelles de ses employés.

    FS : Les écoles forment-elles à cette question ?

    GC : Dans les pays anglo-saxons, ce sujet est abordé depuis des années. En France, cela commence seulement.

    BR : Un grand sondage vient d'être réalisé auprès de 50.000 ingénieurs avec des questions portant sur leur formation. Lorsqu'on leur demande quelle valeur ils accordent à la sensibilisation aux valeurs sociétales, un tiers seulement répond « importante ». Et à la question de savoir comment ils ont été formés sur ce point, ils ne sont que 15 % à s'estimer « bien formés ». Il faut donc travailler cette question. Il faut développer ce savoir-être, c'est bien clair. Mais il ne faudrait pas non plus oublier le principal : le savoir et le savoir-faire...

    FS : Cette capacité est-elle du domaine de l’acquis ou de l’inné ?

    GC : L'intelligence émotionnelle se développe tout au long de la vie.

    FS : Est-ce aujourd’hui un critère de sélection ?

    GC : Oui. C'est d'ailleurs comme cela que l'utilisation de l'IE a commencé, quand l'armée de l'air des États-Unis s'en est servie pour recruter des militaires.

    BR : Dans les écoles d'ingénieurs, il ne faudrait pas que cette notion introduise un biais social dans l'accès aux formations. Ces écoles (environ 200 en France) ont aujourd'hui entre 35 et 40 % de boursiers. Il faut de la diversité ! Quant aux entreprises, elles ont besoin de gens divers, et même de ronchons ! Et d'ailleurs, je me demande si les grands patrons, reconnus comme tels, ont tous une excellente intelligence émotionnelle...