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Soigneusement, une par une et à la loupe, Andreja Zalar installe les graines dans des plaques où elles resteront durant 18 mois, dans l'espace. © Inra / David Tepfer
Parmi les passagers de la navette Atlantis se trouvaient.... 6.000 graines de plantes. Elles ne serviront pas à égayer l'intérieur de la Station spatiale internationale (ISS) car elles resteront dehors, fixées sur la partie externe du laboratoire européen ColumbusColumbus. Le bras de la navette Atlantis les portera jusqu'à l'arrière du module tandis que deux astronautes s'occuperont de les fixer sur l'Eutef (European Technology Exposure Facility). Ces graines resteront 18 mois exposées au vide spatial avant d'être ramenées sur Terre car on espère bien qu'elles germeront...
Qu'espère-t-on de cette expérience ? « Mieux comprendre les origines de la vie terrestre ! » nous explique tout de go David Tepfer, de l'Inra, et qui a conçu l'expérience avec Andreja Zalar, un travail préparé depuis cinq ans. L'apparition de la vie sur Terre reste mal expliquée mais on admet communément que les molécules prébiotiquesprébiotiques, probablement présentes dans le nuagenuage de poussière qui s'est transformé en planètes, ont pu engendrer sur Terre une évolution chimique qui a conduit aux premiers êtres vivants. L'hypothèse n'admet guère de critiques. Tout au plus peut-on remarquer que le code génétiquecode génétique, identique pour tous les organismes, milite pour une origine commune, donc un phénomène qui ne se serait produit qu'une fois. Par ailleurs, les stromatolitesstromatolites plaident pour une apparition de la vie très précoce, d'au moins 2,7 milliards d'années, mais probablement de 3,5 ou 3,8 milliards d'années. Il reste à expliquer comment la vie a pu évoluer aussi vite entre la formation de la Terre et l'apparition des premiers micro-organismesmicro-organismes.
Une étonnante résistance aux UV
L'hypothèse alternative, dite de la panspermie, c'est-à-dire celle d'organismes vivants venus de l'espace, mérite d'être considérée. Elle implique un long voyage dans le vide spatial et l'on sait depuis longtemps, par des expériences et des observations, que les bactériesbactéries sont capables de résister pour peu qu'elles soient protégées des radiations ultraviolettes, les pires de toutes, capables de détruire l'ADNADN, ainsi que des rayons cosmiques à haute énergie. Une telle protection est disponible à l'intérieur d'une roche, dans les profondeurs d'un astéroïdeastéroïde.
« Mais les graines d'Arabidopsis sont 100.000 fois plus résistantes aux UV que la plus résistante des bactéries » rapporte David Tepfer. Il était donc tentant de soumettre des graines à de telles conditions, pour voir comment elles résisteraient. Cette expérience, de plus, donnerait beaucoup d'enseignements sur la manière dont les plantes se protègent des UV sur Terre. On sait qu'elles utilisent les flavonoïdesflavonoïdes, une classe de molécules aux multiples utilités, dont un pouvoir anti-oxydant et la coloration des fleurs pour attirer les insectesinsectes pollinisateurs. Les tégumentstéguments des graines en sont riches.
Les plaques contenant les graines sont intégrées au dispositif Expose fixé à l’extérieur de Columbus.
© Inra / Andreja Zalar
L'expérience, menée notamment par une équipe de l'Inra de Versailles-Grignon et baptisée Expose, consiste à placer des graines d'Arbidopsis thaliana (ou arabette des damesarabette des dames, une plante proche de la moutarde très utilisée en laboratoire) et de tabac dans des petits récipients, étalées en une seule couche. « Les graines d'Arabidopsis sont minuscules, explique David Tepfer. Leur diamètre est d'environ un demi-millimètre. Il faut les installer une par une, sous loupe binoculaire. Les graines de tabac sont plus grosses. » Elles seront réparties en deux groupes. L'un ne sera protégé que par une vitrevitre de fluorure de magnésiummagnésium, transparente aux UV et sera exposé à tout : vide, UV et rayons cosmiques. L'autre disposera d'un écran arrêtant les UV. Au sol, des graines semblables seront disposées de la même manière, sous vide mais sans UV ni, bien sûr, rayons cosmiques.
La panspermie humaine a déjà commencé
Les graines ne sont pas toutes identiques. Certaines ont été génétiquement manipulées pour produire soit peu soit beaucoup de flavonoïdes. De plus, un gènegène bactérien a été inséré, qui servira en quelque sorte de marqueur. A l'issue de l'expérience, il servira à déterminer l'état de dégradation de l'ADN. Au bout d'environ 18 mois, les astronautes récupéreront le support des graines, qui reprendront le chemin de la Terre.
Ces touristes spatiaux un peu particuliers seront mis en terre et les chercheurs espèrent qu'un bon nombre de graines consentiront à germer. Quelques graines seront conservées pour analyser leur génomegénome et vérifier l'état du gène bactérien afin d'estimer les atteintes qu'aura subies l'ADN. L'expérience devrait être répétée plus tard à bord d'un vaisseau russe.
Réunion de spécialistes de la panspermie, à Cardiff, en 2006 (Conference on Cosmic Dust and Panspermia). David Tepfer est le premier à gauche (numéro 1). Pour la petite histoire, il vient de découvrir que l'un des astronautes devant installer l'expérience Expose est le fils d'un couple d'amis... © David Tepfer
Nous en saurons alors plus sur la capacité de l'arabette et du tabac à survivre dans l'espace. Bien sûr, l'hypothèse de la panspermiepanspermie ne sera que faiblement confortée par cette expérience, du moins celle de la contaminationcontamination de la Terre par de la vie extraterrestre. Mais il en va autrement de celle que l'on peut imaginer dans l'autre sens ! « La panspermie a déjà commencé, affirme David Tepfer. On sait que les décontaminations des sondes spatiales n'éliminent pas les organismes résistants aux UV. Et il n'est pas possible de passer les instruments électroniques à l'autoclaveautoclave. Il est évident que nous avons déjà ensemencé Mars, entre autres... De telles expériences pourraient nous permettre de mieux contrôler ce phénomène inévitable. Si nous déclenchons une panspermie, autant le faire bien ! »
Le chercheur ajoute une autre éventualité : l'affaiblissement de la couche d'ozonecouche d'ozone. Si la pollution en réduit l'efficacité, les doses d'ultravioletsultraviolets atteignant le sol augmenteront et nous serons alors intéressés de savoir comment les plantes peuvent s'en protéger, ou comment améliorer cette protection...