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Emergence du ver par la narine du prédateur grenouille© F.Thomas/CNRS-IRD
De nombreuses stratégies anti-prédatrices existent dans la nature. Individuelles ou collectives, elles mettent en œuvre des adaptations morphologiques, physiologiques et/ou comportementales. Le contexte écologique des organismes parasitesparasites est particulier : ils ont très peu de prédateurs directs, mais, étant la plupart du temps prisonniers des contours physiquesphysiques de leurs hôtes, ils héritent de leurs prédateurs ! D'où l'émergenceémergence de stratégies anti-prédatrices originales. Bon nombre de parasites ont par exemple développé la capacité à coloniser les prédateurs de leurs hôtes, initiant des cycles parasitaires complexes. D'autres manipulent le comportement de leur hôte afin de réduire son exposition à la prédation.
Fleur Ponton et Frédéric Thomas du laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses viennent de mettre en évidence, avec leurs collaborateurs, une stratégie anti-prédatrice unique chez des parasites. Ils s'intéressent depuis plusieurs années aux nématomorphes, groupe de vers parasites largement répartis sur la planète. Au stade larvaire, ce sont des parasites internes d'arthropodesarthropodes terrestres comme les orthoptères (grillons, sauterellessauterelles), mais une fois adultes, ils sont libres et aquatiques dans les ruisseaux et rivières. Pour terminer leur cycle, ils poussent leur hôte au suicide en l'obligeant à se jeter à l'eau(1). Les vers sortent ensuite de l'insecteinsecte pour débuter la dernière phase de leur cycle pendant laquelle ils se reproduisent. C'est un moment particulièrement critique pour les nématomorphes vis-à-vis de la prédation : pendant l'émergence du ver, l'insecte se débat à la surface de l'eau, constituant une proie attirante et vulnérable pour des prédateurs tels que des poissonspoissons ou des batraciensbatraciens.
Les chercheurs ont étudié ce qu'il advenait des vers parasites lorsque l'insecte suicidaire était ingéré par un prédateur aquatique. L'issue est systématiquement fatale pour l'insecte. Le ver parasite est en revanche capable, dans les minutes qui suivent l'évènement de prédation, de s'extirper du cadavre de l'insecte, de remonter le tube digestif du prédateur et de prendre la fuite par la première issue de secours : la bouche mais aussi la branchie ou la narine, attestant qu'il s'agit bien d'un processus actif de la part du ver et non d'une simple régurgitation du prédateur.
Les chercheurs s'orientent à présent vers l'étude des bases physiologiques sous jacentes de cette remarquable adaptation. Ils tentent également de mesurer le coût énergétique de cette fuite, en particulier son impact sur la reproduction du ver.