Au cours des dernières décennies, les chercheurs ont tenté de déterminer l’impact du climat, et plus encore des changements climatiques, sur nos forêts. Aujourd’hui, une équipe suggère que pour se faire une idée, il est indispensable de s’intéresser de manière plus précise aux arbres.


au sommaire


    Pression artérielle, température corporelletempérature corporelle et rythme cardiaque renseignent sur notre état de santé. Un peu de la même manière que la quantité d'azoteazote enfermée dans les feuilles des arbres, la surface de ces feuilles ou encore la densité du bois renseignent sur l'état de santé d'une forêt. Ces caractéristiques fonctionnelles, si elles étaient un peu mieux connues, devraient permettre d'évaluer la façon dont la forêt réagit au changement climatique.

    Ainsi des chercheurs américains ont décidé de se lancer dans une analyse des données existantes. Et de compléter ces travaux par de nouvelles données de terrain. Ils ont rassemblé des informations relatives à 421 communautés d'arbres dans le monde entier soit quelque 56.000 arbres de plus de 2.700 espèces différentes.

    En établissant une relation plus précise entre diversité fonctionnelle et climat, les chercheurs seront peut-être en mesure de prédire plus précisément les conséquences que les changements climatiques auront sur les forêts. © Jan’s Archive, Unsplash
    En établissant une relation plus précise entre diversité fonctionnelle et climat, les chercheurs seront peut-être en mesure de prédire plus précisément les conséquences que les changements climatiques auront sur les forêts. © Jan’s Archive, Unsplash

    Partir des individus pour dégager des informations globales

    Ils ont relevé de nombreuses données comme la taille des arbres, la densité des bois ou encore la quantité de carbonecarbone, d'azote ou de phosphorephosphore que renferment les feuilles. De quoi mettre en évidence des modifications majeures de ces caractéristiques susceptibles d'affecter la productivité, la composition et même la répartition des forêts dans le monde.

    Les chercheurs ont ainsi découvert que le climat affecte neuf de ces caractéristiques fonctionnelles. La surface des feuilles, par exemple, subit particulièrement les influences de la pressionpression de vapeur et de la température. La taille des arbres, quant à elle, est plus sensible aux variations de température. De manière générale, pression de vapeur et variabilité des températures -- non pas maximum de températures comme on pourrait le suspecter -- semblent avoir un impact important. « Pour mieux comprendre comment le changement climatiquechangement climatique affecte les forêts, il faudra entreprendre de nouvelles études de terrain et mesurer ces caractéristiques pour davantage d'individus », conclut Daniel Wieczynski, de l'Institut Santa Fe (États-Unis).


    Changement climatique : quels impacts sur la forêt ?

    Une forêt implantée aujourd'hui parviendra à maturité pour être exploitée dans 30 à 200 ans selon les espèces. Or la teneur de l'atmosphère en gaz carboniquegaz carbonique (CO2) pourrait doubler dans le siècle à venir, la température pourrait augmenter de 2 à 5° C, et le régime des pluies devrait être modifié. Des chercheurs de l'INRA étudient l'impact de ce changement climatique sur les forêts, pour essayer de l'anticiper. La croissance des forêts pourrait s'accélérer, mais leur sensibilité à la sécheressesécheresse pourrait aussi être affectée. Cette nouvelle hypothèse a dès aujourd'hui des conséquences sur le choix des espèces pour le reboisement et sur la gestion des forêts.

    Article de l'Inra paru le 19/06/2004

    Le CO2 stimule la croissance des arbres

     L'augmentation de la teneur de l'atmosphère en CO2 accélère la croissance des arbres. Le CO2 est en effet la matièrematière première de la croissance des végétaux. Grâce à des études expérimentales, menées dans des serres ou dans des chambres de culture à ciel ouvert, plusieurs équipes de chercheurs, dont celles de l'INRA ont pu chiffrer cette augmentation : elle est d'environ 40% pour un doublement de la teneur en CO2. Ce chiffre varie selon les espèces forestières et est en règle générale plus élevé chez les espèces feuillues que chez les espèces résineuses. Les conséquences de cette augmentation de productivité ne sont pas forcément positives, car la sensibilité des arbres aux contraintes du milieu (déséquilibres nutritionnels) pourrait être accrue. Par ailleurs, les propriétés technologiques du bois (propriétés mécaniques, composition chimique) pourraient être affectées.On peut également prédire une accélération de la croissance initiale des jeunes forêts. Il faudra donc prévoir des modifications à apporter aux règles de conduite des peuplements forestiers et vraisemblablement faire des éclaircies plus précoces.
    (photographiephotographie ci-contre : Etude des transferts de chaleurchaleur et de vapeur d'eau dans et au-dessus d'une forêt de pins maritimespins maritimes. Profils de température (Bordeaux). Photo Charles Valancogne)

    Le CO2 affecte la sensibilité des arbres à la sécheresse

    L'augmentation de la teneur de l'atmosphère en CO2 réduit l'ouverture des stomatesstomates, orifices situés à la surface des feuilles par lesquels la plante absorbe le CO2 et laisse échapper de la vapeur d'eau. Cet effet est très variable selon les espèces. Pour certaines, comme le chêne, la réduction d'ouverture des stomates est nette, ce qui diminue les pertes d'eau par la transpirationtranspiration foliaire de l'arbre et devrait donc réduire la sensibilité à la sécheresse. Pour d'autres espèces, comme le pin maritime ou le hêtrehêtre, cet effet "antitranspirant" est moins important, voire inexistant. Les implications écologiques de ces différences entre espèces sont évaluées en fonction du type de sol sur la base de simulations du climat futur.

    Image du site Futura Sciences
    Echafaudages en forêt de chênes sessiles (Champenoux) pour la mesure in situ des échanges gazeux et de la croissance Photo Michel Pitsch

    Ces résultats ont été obtenus à l'INRA grâce notamment à la mise au point d'une méthode de mesure du flux de sève, qui permet de quantifier la consommation d'eau d'un arbre. Ce lien entre teneur en CO2 et résistancerésistance à la sécheresse intéresse de près les chercheurs : sous les latitudeslatitudes tempérées européennes, des sécheresses estivales plus prononcées seront probablement une des caractéristiques principales du changement climatique. Ces connaissances permettent ainsi d'orienter les choix des essences pour les reboisements à venir.