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Le virus Ébola est un virus filamenteux à ARN de la famille des filoviridés. Ils codent pour sept protéines qui lui permettent d'assurer une infection et de se répliquer. La protéine VP35 joue un rôle à la fois dans l'inhibition du système immunitaire et dans la réplication du matériel génétique viral. © AJ Cann, Flickr, cc by nc sa 2.0
En 1976 au Soudan, 284 personnes se retrouvent soudainement terrassées par de terribles fièvres et hémorragies internes graves. Le bilan est très sévère et 117 individus décèdent, c'est-à-dire près de la moitié des malades. Le drame est pourtant loin d'être terminé puisque quelques mois plus tard, une épidémie foudroyante frappe un pays voisin, la République démocratique du Congo (ancien Zaïre) et tue 280 personnes sur 318. Cette fois-ci, le coupable est identifié, il s'agit du virus Ébola, qui porteporte le nom de la rivière qui coule non loin de là. Depuis cette date, ce virus mortel a provoqué plus de 20 flambées épidémiques, principalement dans les pays d'Afrique centrale.
ÉbolaÉbola est un virus à ARN filamenteux de la famille des filoviridés. Il représente le danger biologique suprême avec un taux de létalité allant jusqu'à 90 % pour la souche la plus virulente appelée « Zaïre ». Des recherches intensives sur les mécanismes viraux sont entreprises dans des laboratoires de classification P4 (fortement sécurisés), mais aucun remède n'existe pour le moment.
Contre l'apparition du virus Ébola, des mesures sanitaires sont appliquées, comme la mise en quarantaine des malades. © Pierre Formenty, OMS
Afin de lutter contre les virus, l'organisme possède des dispositifs qui détectent la présence de matériel génétiquematériel génétique viral. Une fois activés, ils induisent le déclenchement de la réponse immunitaire et notamment de la synthèse d'interférons (IFN), des protéines qui renforcent la résistancerésistance des cellules face aux infections virales. Le virus Ébolavirus Ébola ne se laisse pourtant pas impressionner par de telles stratégies et peut bloquer cette ligne de défense chez ses victimes. Cependant, le mécanisme viral d'enrayement du système immunitaire est mal connu. Des chercheurs de la Mount Sinai School of Medicine à New York viennent éclaircir une part de ce mystère. Leur étude publiée dans la revue Cell Host and Microbe met en évidence une des tactiques d'intrusion du virus.
Une protéine qui bloque la réponse antivirale
Les auteurs se sont particulièrement intéressés à la protéine VP35, une protéine essentielle à la réplicationréplication virale et également connue pour inhiber la réponse immunitaire de l'hôte. Des études précédentes ont montré que cette protéine agit à plusieurs niveaux en bloquant à la fois la détection du virus par l'organisme et le déclenchement de la réponse immunitaire. Dans cette nouvelle étude, ils se sont particulièrement focalisés sur l'action de VP35 à l'encontre d'une protéine de l'hôte appelée PACT, qui participe à l'activation de la réponse immunitaire lors d'une attaque virale.
Les scientifiques ont construit des souches mutantes du virus possédant des versions inactives de la protéine VP35, puis ont réalisé une infection virale de cellules épithéliales humaines en laboratoire. Leurs résultats montrent que la protéine PACT induit une réponse antivirale seulement si elle est infectée par les virus mutants. Des études plus poussées leur ont permis de découvrir que la protéine VP35 interagissait avec PACT afin d'inhiber son action. Les virus seraient alors protégés du système immunitairesystème immunitaire et pourraient s'infiltrer allègrement dans l'organisme.
Tel est pris qui croyait prendre
Les scientifiques ont poussé l'étude un peu plus loin et ont artificiellement augmenté la quantité de PACT dans les cellules humaines en culture. Ils ont ensuite réalisé une infection de ces cellules modifiées avec le virus. Leurs résultats montrent que les protéines PACT non liées à VP35 sont capables d'induire la réponse immunitaire. Un autre aspect intéressant est ressorti de cette expérience. Les auteurs se sont en effet rendu compte qu'une fois liée à PACT, la protéine VP35 ne pouvait plus exercer sa fonction essentielle de réplication du matériel génétique viral. En surproduisant la protéine PACT, les auteurs ont alors diminué le nombre de particules virales dans les cellules. Ainsi, en voulant échapper au système immunitaire et infecter leur hôte, les virus prennent le risque de moins bien se développer.
La capacité du virus Ébola à désactiver la réponse immunitaire et à pénétrer son hôte représente une part importante de son pouvoir infectieux. Cette étude permet de mieux comprendre comment Ébola réussit cette prouesse. Bien que de nombreuses études restent à faire, ces résultats ouvrent des pistes de traitement contre ce virus mortel.